Le billet
Saint-Denis de Saintonge : c’est l’histoire d’un maire et de jeunes…

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« Il y a bien un maire ou deux par an qui se fait gifler ou insulter, mais ça ne va jamais aussi loin », dixit le président de l’association des maires de Charente Maritime à propos du drame de Saint-Genis de Saintonge. Hier la gifle a mal tourné et des « jeunes » ont roué le maire de coups. Une histoire ordinaire dans la France d’Emmanuel Macron.
 
Michel Doublet, le président de l’association d’élus, soupire, philosophe : « Etre élu, c’est parfois difficile, on est des boucs-émissaires ». Un parfait exemple de la langue de contreplaqué que parlent des politiques à la fois discrédités, sans autorité, pénétrés de leur propre indignité et terrorisés à l’idée de dire la réalité telle qu’elle est, pour commenter une situation à la fois très banale et très grave.
 

Saint-Genis de Saintonge, son caviar, son pop-corn, ses jeunes

 
Les faits sont simples, connus de tous. A Saint-Genis de Saintonge, petite commune de 1.200 habitants située sur la Gironde au sud de Blaye, on ne vit pas du vin mais du caviar (la France est le premier producteur du monde) et du pop corn (70 % du pop corn consommé en France y est produit). Et depuis trois mois on ne vit plus du tout. Une grosse douzaine de jeunes gens et jeunes filles âgés de quatorze à vingt ans, de la commune et des communes alentour, viennent traîner sur la place du champ de foire, en plein centre du bourg. La mairie l’avait aménagée de sorte qu’on puisse y jouer et faire du sport, ils la squattent. Ils sont désœuvrés, fument, boivent, se droguent, abîment les lieux : leur dernière cible, les fenêtres de l’école maternelle voisine. Bref, ils ont transformé la place en « zone de non droit », pour reprendre les mots du maire divers droite Jacky Quesson, jeune retraité.
 

Le maire tente de parler aux jeunes, ils le tabassent

 
Les riverains, les commerçants en particulier, sont excédés. Ils n’ont pas élus leur maire pour qu’il laisse pourrir la situation. Aussi a-t-il tenté de régler le problème en provoquant une réunion avec les parents. En vain. Quatre d’entre eux seulement se sont déplacés. Hier, vers dix-neuf heures, il prend le taureau par les cornes et décide d’aller « discuter et en savoir d’avantage ». Mais la conversation vire à l’aigre et il se fait rouer de coups. Il appelle au secours, un voisin le dégage, les jeunes s’enfuient. A l’hôpital on diagnostique une côte et un doigt cassé, un mois d’arrêt total de travail. Le maire va porter plainte pour coups et blessures volontaires, l’association des maires de Charente Maritime le soutiendra dans ses démarches. Le président du département, l’ancien ministre Dominique Bussereau, exprime sa « colère » et son « indignation ».
 

Des jeunes ? Qui ça, ces jeunes ? D’où ça, ces jeunes ?

 
Ce Bussereau incarne idéalement l’impuissance hypocrite du système. Il a en effet ajouté : « Nous espérons que le ou les responsables de cet acte violent et gratuit seront rapidement identifiés et appréhendés afin de répondre de leurs actes devant la justice ». Or, le ou les responsables sont identifiés depuis longtemps. Depuis trois mois qu’ils commettent des « incivilités », non seulement le maire les connaît par cœur, mais les gendarmes ont relevé leur identité à sa demande. Ce qui est plus frappant encore, si l’on ose dire, c’est que, sur la dizaine d’articles consultés pour rédiger celui-ci, aucun ne précise l’origine ni la nature de ces jeunes : d’où viennent-ils, qui sont-ils ? Le lecteur ne le saura pas, et pourtant les gendarmes le savent, et, certains étant majeurs, rien ne s’oppose même à ce qu’on publie leurs noms.
 

L’histoire d’une France qui abdique son autorité

 
Il y a une peur de nommer les choses qui ressemble à celle des politiques d’exercer l’autorité, et qui lui est liée comme la cause à l’effet : la peur de tout un système devant la réalité. Quand le président de l’association des maires d’un département trouve ordinaire qu’un ou deux maires se fassent gifler chaque année, quand le maire d’une commune tolère qu’une douzaine de « jeunes » pourrissent la vie d’un bourg pendant trois mois, c’est qu’il n’y a plus d’autorité ni de bon sens dans le pays où ils vivent, et que ces jeunes inspirent une peur magique. C’est l’histoire d’un maire, c’est l’histoire de jeunes, c’est l’histoire d’une France qui s’abandonne à l’anomie post-moderne, une France à la Mad Max.
 

Pauline Mille