Certes, la Cour suprême vénézuélienne (TSJ) a fait en partie marche arrière le 1er avril sur sa décision du jeudi 30 mars, par laquelle elle s’arrogeait les pouvoirs législatifs de l’Assemblée nationale dominée par l’opposition au président socialiste Maduro. L’Église catholique n’en a pas moins, par la voix de ses évêques, appelé lors des messes du dimanche 2 avril les fidèles à la désobéissance civile face à un régime désormais qualifié de dictature. Les clarifications apportées par les juges de la Cour suprême deux jours après ce qu’il convient d’appeler un coup d’Etat n’ont en effet été qu’une réaffirmation du fait que l’Assemblée nationale vénézuélienne reste en principe le pouvoir législatif du pays. Les juges ne sont toutefois pas revenus sur leur déclaration de janvier par laquelle ils avaient déclaré nulles toutes les décisions à venir du parlement. Ils ne sont pas non plus revenus sur leur demande d’annuler l’élection de trois députés en décembre 2015. Une demande qui s’appuie sur les accusations de fraude électorale formulées par le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) du président Maduro pour trois sièges cruciaux pour l’opposition réunie au sein de la Table de l’unité démocratique (MUD), puisqu’ils lui donnent la majorité constitutionnelle des deux tiers.
L’Eglise du Venezuela dénonce le coup d’Etat de Maduro
Tout ceci n’a rien d’étonnant car la précédente Assemblée nationale encore dominée par les partisans de la Révolution bolivarienne avait, après la déroute électorale de décembre 2015, convoqué une session extraordinaire pour nommer à la Cour suprême 13 juges et 21 suppléants pour la période 2015-2027. Les socialistes chavistes du Venezuela ont ainsi tout loisir pour censurer systématiquement, par juges interposés, toutes les lois votées par le parlement, et ils ne s’en privent pas.
« C’est l’heure de s’interroger très sérieusement et avec responsabilité sur l’opportunité de la désobéissance civile, des manifestations pacifiques, des justes demandes à l’intention des pouvoirs publics nationaux et/ou internationaux et des protestations civiques », ont entendu le dimanche 2 avril les fidèles auxquels a été lue une lettre portant le cachet de la Conférence épiscopale vénézuélienne et la signature de Mgr Jorge Urosa Savino, archevêque de Caracas, et Mgr Baltazar E. Porras, archevêque de Mérida.
Le socialisme à la Chavez par Cour suprême interposée
A Rome, dans son édition du 5 avril, le quotidien du Vatican L’Osservatore Romano a publié en Une un article intitulé « Le Venezuela dans l’abîme » dans lequel le journal condamne la répression sauvage la veille par les forces de sécurité de Nicolás Maduro – soutenus par des groupes paramilitaires chavistes – des manifestants et des parlementaires qui se dirigeaient vers le bâtiment de l’Assemblée nationale. La veille de cette manifestation, les archevêques Savino et Porras avaient encore fait des déclarations critiquant le blocage de l’accès au parlement et estimant que dans cette situation les protestations étaient nécessaires.
Ce n’est que le mercredi 5 avril que les députés de la MUD ont pu reprendre leur travail parlementaire et voter, malgré les protestations des députés pro-Maduro du Grand pôle patriotique (GPP – coalition de partis et mouvements de gauche, minoritaire au parlement), le déclenchement du processus de destitution des magistrats de la Cour suprême. La constitution vénézuélienne de 1999 le leur permet en théorie, mais rien ne garantit que le gouvernement de Maduro se conformera aux décisions du législateur.
Le clergé catholique au Venezuela a longtemps soutenu l’opposition contre Hugo Chávez puis contre Nicolás Maduro, mais le Vatican s’était jusqu’ici plutôt posé en médiateur, le pape François ayant même reçu Maduro en octobre 2016.