La zone euro, un « désastre » au service de la domination allemande, affirme l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre

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L’ancien gouverneur de la banque d’Angleterre, Lord Mervyn King, annonce publiquement que « la zone euro est vouée à l’échec et va aller de crise en crise jusqu’à sa destruction ».

 
L’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mervyn King, a prédit lors d’un entretien avec le Daily Mail la faillite certaine de la zone euro, assurant que la « monnaie taille unique » est voué à l’échec. Tout en refusant de prendre part au débat sur le Brexit, l’ancien dirigeant de banque centrale a employé un ton d’une rare violence pour dénoncer le « désastre » de la zone euro, sujette à d’« énormes tensions » créées par la marche vers la domination allemande.
 
Lord King était aux commandes de la Banque d’Angleterre au moment de la crise financière de 2008 qui a donné lieu à la mise en place d’un système de vases communicants entre les économies riches et les économies faibles de l’Union européenne par le jeu des sauvetages qui ont assis le pouvoir de celles qui ont avancé les fonds.
 

Mervyn King, ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, dénonce l’euro

 
L’euro ? Un « désastre absolu », selon Mervyn King : « La tentative de créer une union monétaire a provoqué des dommages économiques et politiques. Il n’y a pas de bonne façon d’en sortir. Il ne peut être question que de la moins mauvaise. »
 
Le plus important des effets néfastes de la mise en place de la monnaie unique aura été, selon le financier, la domination allemande croissante qui a fait de l’Allemagne le bailleur et prêteur de fonds le plus important pour les pays comme la Grèce, le Portugal et l’Irlande, au grand dam des électeurs allemands qui se sont sentis grugés, obligés de payer les pots cassés pour les pays les plus dépensiers. C’est donc Berlin qui a insisté sur l’imposition de mesures d’austérité dans les pays assistés, fort de son pouvoir économique devenu de plus en plus un pouvoir politique.
 
« Par conséquent, les tensions entre – par exemple – la Grèce et l’Allemagne sont aujourd’hui plus importantes qu’auparavant. Ainsi que les tensions entre l’Italie et l’Allemagne », observe Mervyn King – l’union monétaire aura donc tout fait sauf de « créer une chaleur politique et de bons sentiments ».
 

La zone euro a profité à la domination allemande

 
On se doute bien, cependant, que l’objectif de la monnaie unique n’était pas celui-là. Il faut même rappeler que les eurosceptiques n’avaient pas manqué, bien avant l’entrée en vigueur effective de l’euro, de prédire les conséquences néfastes que cette décision allait entraîner, avec ou sans crises majeures, du fait de la disparité des économies et des contextes fiscaux où pour la première fois, une monnaie allait s’imposer sans être le reflet d’une souveraineté et d’une cohérence politique.
 
Tout en refusant de prendre parti pour ou contre le Brexit – « Je ne crois pas que le gouverneur ou l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre doive aider à conseiller les gens sur leur vote », il a cependant balayé le discours alarmistes des responsables économiques qui annoncent la fin des échanges du Royaume-Uni avec l’Union européenne en cas de sortie : « Nous avons toujours été une puissance commerciale globale et nous continuerons de l’être. »
 
« C’est une erreur d’essayer d’identifier la partie de la terre vers laquelle il faudrait essayer d’exporter. Il y a quelques années, on disait qu’il nous fallait nous focaliser sur une augmentation des exportations vers la Chine. Eh bien, aujourd’hui l’économie chinoise n’est pas en grande forme. Le plus important, c’est d’avoir du libre échange avec le plus grand nombre de pays possible », a-t-il dit.
 
On constate un glissement de la construction européenne vers les nouveaux traités de libre-échange régionaux – le TTP, TAFTA et toutes les initiatives semblables qui fleurissent aussi bien en Afrique, en Asie qu’en Amérique latine ? A la faveur du Brexit qui semble progresser dans les sondages, on pourrait être en train de s’orienter vers une plus forte intégration mondiale…
 

L’euro, un « désastre » qui a fait naître de nouvelles tensions au sein de l’UE

 
A titre personnel, Mervyn King apparaît comme celui qui a imposé le sauvetage des banques britanniques lors de la crise de 2008, alors qu’il y était d’abord hostile : c’est lui qui a imposé la manœuvre aux contribuables du Royaume-Uni, après avoir constaté que les banques étaient dans un état de sous-capitalisation effarante par rapport à leur niveau d’endettement. Aujourd’hui, assure-t-il, les institutions financières britanniques vont mieux – mais ce n’est pas le cas, selon lui, des banques de la zone euro.
 
« Dans la zone euro elles hésitaient fortement à avouer des pertes parce que cela aurait révélé à quel point elles manquent de capital. Tout ce qu’elles ont fait, c’est de prolonger l’agonie. Bien des gens craignent que de mauvaises nouvelles soient encore à venir à propos du système bancaire européen », souligne-t-il, ajoutant que dans la zone euro personne n’était d’accord sur l’identité de ceux qui allaient renflouer les banques. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la réponse allait de soi : les Trésors nationaux et la Réserve fédérale américaine ont apporté les fonds, tandis que dans la zone euro, « les Allemands ne veulent pas payer pour les banques grecques, espagnoles et portugaises ; je suis sûr que les Espagnols n’ont aucune envie de payer pour les banques allemandes ».
 
C’est ce qui laisse les pays fragiles seuls face à leur dette : ils sont les moins armés en raison de leurs déficits budgétaires et de leurs dettes et ce sont leurs populations qui sont douloureusement mises à contribution, affirme le banquier. Raison de plus de « résister à une union toujours croissante », selon lui.
 

Anne Dolhein