Notre reportage
Depuis qu’un pèlerinage du Populus Summorum Pontificum est organisé tous les ans à Rome pour porter la voix des catholiques attachés au rite latin traditionnel de l’Eglise catholique, on n’avait jamais vu ça. Des milliers de personnes se sont pressées – le mot est ici rigoureusement conforme à la réalité de ce que nous avons vécu devant l’autel de la Chaire de Pierre au fond de la Basilique Saint-Pierre de Rome – pour assister à la célébration d’une messe selon le rite dit « de saint Pie V » par le cardinal Raymond Burke. On n’avait pas vu cela depuis Traditionis Custodes, ce Motu proprio du Pape François par lequel le rite traditionnel perdait son droit de cité dans l’Eglise, restauré en 2007 par Benoît XVI. Il y a avait d’ailleurs deux autres cardinaux : leurs éminences Walter Brandmüller – l’un des signataires des Dubia avec le cardinal Burke – et l’Albanais Ernest Simoni Troshani, qui prononça l’exorcisme de Léon XIII après la fin de la messe.
La messe traditionnelle était en 2021, par la volonté du Pape François, réduite à n’être plus qu’un tremplin vers le rite réformé de 1969, dit « de Paul VI ». Il était impossible désormais de le célébrer dans une église paroissiale. Il était interdit de lui faire de la publicité, on ne devait pas en multiplier les occurrences, et les prêtres diocésains ne devaient pouvoir le célébrer qu’avec l’autorisation expresse de Rome. La « messe de toujours » était tenue à l’écart, considérée comme porteuse d’une mystérieuse contagion maléfique, puisque tout dans le Motu proprio la montre comme risquant de contaminer des fidèles, qui à son contact pourrait être séduits, et en venir à la réclamer. C’est d’ailleurs ce qui s’était passé avec la libéralisation de Summorum Pontificum.
4.000 personnes ont assisté à la messe traditionnelle dans Saint-Pierre
La basilique Saint-Pierre, où des prêtres appartenant à des instituts ou des fraternités qui ont encore le droit de former à la célébration exclusive du rite traditionnel pouvaient jadis facilement le célébrer, les conditions avaient été particulièrement restreintes. Sous l’autorité du cardinal Mauro Gambetti, qui en est l’archiprêtre, il fut décidé en 2022 qu’il n’y aurait plus de célébration individuelle de messe tridentine dans la partie supérieure de la basilique, et les quelques autorisations données reléguèrent les messes tridentines au sous-sol. Rare exception dérogeant à la règle : la messe de la Saint-Michel, célébrée le 29 septembre à son autel, à proximité du baldaquin du Bernin. La concélébration devenait la règle quasi absolue à laquelle on ne dérogeait plus à Saint-Pierre.
Il n’y avait plus cette multitude de messes silencieuses, célébrées tous les matins sur les autels latéraux. Comme les messes des moines célébrées en silence à Fontgombault, qui firent s’exclamer le cardinal Ratzinger : « L’Eglise catholique, c’est ça ! »
Samedi donc, la messe traditionnelle était de retour à Saint-Pierre. Et comment ! En un événement que l’on peut, sans exagérer, qualifier d’historique… Car quoi qu’il arrive, et quoi qu’on nous dise, dans des diocèses tatillons à son sujet, la messe traditionnelle a retrouvé son droit de cité. Comment admettre en effet que ce ne soit pas le cas, dès lors qu’elle a été célébrée en la basilique du Pape, alors qu’une grande publicité lui a été donnée, et que 200 prêtres ont assisté, sans compter ces milliers de fidèles dont je vous parlais au début.
Le nombre est vraiment important. J’ai plusieurs fois assisté à Saint-Pierre à cette messe du pèlerinage Summorum Pontificum. Il restait toujours des places. C’était très beau, mais le contexte était celui d’une certaine liberté. On ne se doutait pas que bientôt, tout cela allait nous être enlevé, ou en tout cas, qu’on tenterait de le faire. Si certains diocèses ont maintenu la liberté et l’accueil pour les catholiques de tradition, il n’en est pas de même partout. Et pour les prêtres diocésains, l’accès au trésor sacré de la liturgie romaine est devenu quasiment impossible s’ils se rangeaient à l’obéissance à son interdiction unique. L’exemple de Saint-Pierre de Rome était justement l’un des plus terribles.
Le cardinal Burke défend la messe traditionnelle en actes
Samedi, la procession partie de Saint-Celse derrière le château Saint-Ange, a réuni, outre le clergé, près de 3.000 personnes. C’est en tout cas le chiffre donné par la police aux organisateurs de l’événement. Impressionnante remontée le long de la Via della Conciliazione ! Les pèlerins ont chanté les litanies, le Credo, un beau Christus Vincit, avant de passer la porte sainte du Jubilé 2025.
Arrivés à la Chaire de Pierre, les premiers ont pris d’assaut les places assises ; mais le flot des arrivants ne tarissait pas. Il a fallu les placer – non, tasser – les restants le long des allées, et aussi derrière le baldaquin du Bernin, mais aussi devant celui-ci, côté grande nef. Une chapelle latérale au fond de la basilique accueillait au moins 300 personnes, qui ont dû suivre la messe en aveugle. La procession d’entrée n’a pas pu faire autrement que de passer par une porte latérale pour atteindre l’autel. J’ai pu vérifier qu’il y avait dehors des gens que les forces de l’ordre n’ont pas autorisé à entrer pour rejoindre la messe. Cela débordait de partout dans la basilique. Pour donner un chiffre qui me semble plutôt précis, il y avait bien 4.000 personnes, au moins, assistant au Saint-Sacrifice. Sans compter la presse : Michael Matt, de The Remnant, filme ici des journalistes armés de caméras de la grande presse internationale. L’événement a été fortement répercuté dans le monde entier, et c’est aussi une grâce même si ce ne fut pas toujours de manière favorable.
La messe a été suivie avec un grand recueillement. Témoignage vivant de la diversité unifiée au sein de l’Eglise : alors qu’au moins 50 nationalités étaient représentées, chacun pouvait suivre et « participer » grâce à la puissance unificatrice du latin. On nous parle de « participation » dans le nouveau rite, mais c’est là, dans la célébration latine, que chacun a pu suivre sans peine et répondre avec enthousiasme. Nous avons chanté le Kyriale et le Credo, récité ensemble le Confiteor, chanté, enfin, le Salve Regina et le Christus Vincit…
Au moins 50 nationalités : au colloque liturgique organisé la veille par Pax Liturgica, il y avait des inscrits de 47 nationalités différentes. D’autres ont certainement rejoint la messe du samedi après être venus très nombreux aux vêpres traditionnelles célébrées la veille dans Rome par le cardinal Zuppi. Un groupe venu d’Afrique, me confia Christian Marquant, organisateur du colloque, se caractérise par le fait de ne jamais pouvoir assister à la messe traditionnelle, faute de prêtres et de lieux, mais il se nourrit tout de même de sa richesse, et le réclame.
Diversité d’origines nationales, ethniques, sociologiques : il n’y avait aucune uniformité visuelle. Ce sont au contraire toutes sortes de gens, jeunes et vieux, qui se sont retrouvé là par milliers, dans une même communion. La « tradition » n’est en rien une affaire franco-française, elle est désormais à l’échelle de l’Eglise universelle, et cette assistance démultipliée est bien l’image d’un peuple qui cherche à nourrir sa foi à travers une liturgie verticale, solennelle et sacrée.
Cette messe traditionnelle à Saint-Pierre fut historique
Evénement historique parce que nous croyons savoir qu’il a été autorisé à la demande personnelle du Cardinal Burke au Pape Léon XIV. Et si c’est le Pape lui-même qui donne sa bénédiction à cela, comment saurait-on l’interdire ailleurs ? Certes, les interdictions ne se lèveront pas d’un seul coup, mais c’est un pas très important qui a été accompli, et la reconnaissance ne peut qu’être grande face à cette générosité du nouveau successeur de Pierre.
L’homélie du cardinal Burke était remarquable par sa sérénité. Il n’a justement pas été question de Traditionis Custodes, mais de Summorum Pontificum, qui a été si bien accueilli et qui a porté de si nombreux fruits dans l’Eglise. Nous en reproduisons le texte intégral en français ci-dessous ; on la trouvera en anglais, et dans la version italienne telle qu’elle a été prononcée, ici.
Le cardinal a dit d’emblée :
« J’offre cette messe pour les fidèles de l’Eglise qui, partout dans le monde, œuvrent à sauvegarder et à promouvoir la beauté de l’Usus Antiquior du rite romain. Puisse la célébration de la Messe pontificale de ce jour nous encourager et nous fortifier tous dans l’amour de Notre Seigneur eucharistique qui, par le moyen de la Tradition apostolique et avec un amour inébranlable et incommensurable pour nous, renouvelle sacramentellement son sacrifice sur le Calvaire et nous nourrit du fruit incomparable de son sacrifice : la nourriture céleste constituée de son corps, de son sang, de son âme et de sa divinité. »
Le cardinal Burke a voulu rappeler aux fidèles l’importance de répondre aux demandes de Notre-Dame de Fatima au sujet de la dévotion des premiers samedis. Il a également rappelé le centenaire de Quas Primas par laquelle le pape Pie XI institua la fête du Christ Roi du ciel et de la terre pour l’Eglise universelle.
En français, comme dans d’autres langues, le cardinal n’a prononcé que les derniers paragraphes de son homélie relatifs à la célébration selon l’Usus Antiquior. Il a notamment déclaré :
« Nous ne pouvons manquer de remercier Dieu pour la manière dont cette forme vénérable du rite romain a amené à la foi et approfondi la vie de foi de tant de personnes qui ont découvert pour la première fois sa beauté incomparable, grâce à la discipline établie par Summorum Pontificum. Nous remercions Dieu de ce que, par le moyen de Summorum Pontificum, toute l’Eglise en vient à une compréhension et à un amour toujours plus grands du grand don de la liturgie sacrée telle qu’elle nous a été transmise, dans une lignée ininterrompue, par la Tradition sacrée, par les apôtres et leurs successeurs. »
En effet, Summorum Pontificum, malgré toutes les entraves, continue d’attirer des fidèles à la liturgie traditionnelle. Le cardinal Burke y voit un processus qui ne s’est pas arrêté. Qui n’aurait donc jamais dû s’arrêter…
Peut-être d’ailleurs, si, comme cela se chuchote à Rome, le Pape Léon XIV cherche à « pacifier » le domaine liturgique, les choses se passeront-elles ainsi : par une simple reprise, là où le droit des fidèles d’accéder à une liturgie qui fortifie leur foi avait été interrompu, du statu quo ante. Aujourd’hui, cela ne paraît pas impossible.
Par milliers, en tout cas à Rome, des fidèles l’ont réclamé. A travers le monde, ce nombre est encore bien plus grand. L’extraordinaire succès du pèlerinage Summorum Pontificum est à la fois un signe et une première victoire.
Jeanne Smits
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Homélie du cardinal Burke en la basilique Saint-Pierre de Rome
Messe de la Bienheureuse Vierge Marie le samedi
Peregrinatio ad Petri Sedem – Summorum Pontificum
Basilique papale Saint-Pierre au Vatican
Cité du Vatican
25 octobre 2025
Ecclésiastique 24, 23-31
Jean 19, 25-27
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Ce m’est une joie immense de célébrer la messe pontificale, point culminant du pèlerinage Summorum Pontificum de 2025, à l’autel de la chaire de Saint-Pierre. Au nom de tous les participants, j’exprime ma sincère gratitude à ceux qui ont travaillé avec tant de diligence et d’efficacité pour que ce pèlerinage puisse avoir lieu. J’offre cette messe pour les fidèles de l’Eglise qui, partout dans le monde, œuvrent à sauvegarder et à promouvoir la beauté de l’Usus Antiquior du rite romain. Puisse la célébration de la Messe pontificale de ce jour nous encourager et nous fortifier tous dans l’amour de Notre Seigneur eucharistique qui, par le moyen de la Tradition apostolique et avec un amour inébranlable et incommensurable pour nous, renouvelle sacramentellement son sacrifice sur le Calvaire et nous nourrit du fruit incomparable de son sacrifice : la nourriture céleste constituée de son corps, de son sang, de son âme et de sa divinité.
En célébrant en ce samedi la Sainte Messe de la Bienheureuse Vierge Marie, nous contemplons le Cœur douloureux et immaculé de Notre Dame, assumé dans la gloire et qui ne cesse de battre avec amour pour nous, ses enfants, confiés à sa maternité par son Divin Fils alors qu’Il mourait sur la Croix. Lorsque Notre Seigneur a dit à sa Mère et à l’apôtre et évangéliste saint Jean, debout au pied de la croix, les mots « Femme, voici ton fils… Voici ta mère » (1) Il a exprimé une réalité essentielle du salut qu’Il était en train de nous obtenir : l’entière coopération de sa Mère, la Bienheureuse Vierge Marie, à son œuvre salvifique.
Dieu le Père, dans son plan d’amour en vue de notre salut éternel, a accordé à la Bienheureuse Vierge Marie, dès l’instant de de sa conception, de participer à la grâce du salut que son Divin Fils allait opérer au Calvaire. Par son Immaculée Conception, Marie était tout entière pour le Christ et, dans le Christ, tout entière pour nous dès le premier instant de son existence. La médiation de notre salut par le Cœur douloureux et immaculé de Marie se manifeste dans les dernières paroles de la Vierge Mère du Sauveur rapportées par les Evangiles. Elle les a adressées aux serviteurs du vin lors des noces de Cana, qui étaient venus la trouver, dans leur angoisse, parce qu’il n’y avait plus assez de vin pour les invités des nouveaux époux. Elle remédia à leur grande détresse en les conduisant vers son Divin Fils, lui aussi présent au festin de noces, avec cette instruction maternelle : « Faites tout ce qu’il vous dira. » (2)
Ces mots tout simples expriment le mystère de la maternité divine par laquelle la Vierge Marie est devenue la mère de Dieu, mettant au monde le Fils incarné pour notre salut. Par ce même mystère, elle continue d’être le canal de toutes les grâces qui jaillissent sans mesure et sans relâche du Cœur glorieux et transpercé de son Divin Fils jusque dans le cœur de ses frères et sœurs, adoptés grâce au baptême, alors qu’ils cheminent sur terre vers leur demeure éternelle auprès de Lui au Ciel. Nous sommes les fils et les filles de Marie en son Fils, Dieu le Fils incarné. C’est avec une sollicitude maternelle qu’elle attire nos cœurs auprès de son Cœur immaculé et glorieux, et qu’elle les conduit vers Lui, vers son Sacré-Cœur, en nous enseignant : « Faites tout ce qu’il vous dira. »
Nous voyons en la Bienheureuse Vierge Marie « la manifestation créée la plus parfaite » de la Sagesse éternelle de Dieu, Dieu le Fils, le Verbe, à l’œuvre depuis le commencement de la création et ordonnant toutes choses, le cœur humain surtout, en accord avec la perfection de Dieu, « à la fois parce qu’elle est la “servante” particulièrement fidèle du Seigneur et parce qu’en elle, en tant que Mère du Christ, les desseins divins ont trouvé leur entier accomplissement ».
En la Bienheureuse Vierge Marie, nous voyons « la manifestation créée la plus parfaite » de la Sagesse éternelle de Dieu, Dieu le Fils, le Verbe à l’œuvre depuis le commencement de la création et ordonnant toutes choses et, surtout, le cœur humain en accord avec la perfection de Dieu, « à la fois parce qu’elle est la “servante” particulièrement fidèle du Seigneur et parce qu’en elle, en tant que Mère du Christ, le plan divin a trouvé son accomplissement ». (3) Elle est, selon les paroles inspirées du Livre de l’Ecclésiastique, « la mère du bel amour, de la crainte de Dieu, de la connaissance et de la sainte espérance ». (4)
Cette espérance nous emplit : que Notre Seigneur, la Sagesse divine incarnée, entendant les prières de la Mère de la grâce divine qui est constamment en sa présence, ait également pitié de notre génération, en rétablissant l’ordre d’amour inscrit par Dieu dans la création ; inscrit par Dieu, avant tout, dans chaque cœur humain. En cherchant, à chaque instant du jour, à reposer nos cœurs dans le Cœur glorieux et transpercé de Jésus, nous annonçons au monde cette vérité : le salut est venu dans le monde. Nous, unis de cœur avec le glorieux Cœur Immaculé de Marie, attirons les autres vers le Christ, qui est la plénitude de la miséricorde et de l’amour de Dieu parmi nous, dans sa sainte Église.
Nous célébrons cette année à la fois le centenaire de l’apparition de l’Enfant Jésus, aux côtés de Notre Dame de Fatima, à la vénérable servante de Dieu sœur Lúcia dos Santos, le 10 décembre 1925, et le centenaire de la publication de la lettre encyclique Quas Primas par laquelle le pape Pie XI institua la fête du Christ Roi du Ciel et de la Terre pour l’Eglise universelle, le 11 décembre 1925. Nous rendons ainsi témoignage à cette vérité : Notre Seigneur Jésus-Christ est le Roi de tous les cœurs par le mystère de la Croix, et sa Mère toujours vierge est la médiatrice par laquelle il amène nos cœurs à demeurer toujours plus complètement dans son Sacré-Cœur.
Lors de son apparition à la vénérable servante de Dieu, sœur Lúcia dos Santos, Notre Seigneur nous a montré le Cœur douloureux et immaculé de Notre Dame, couvert de nombreuses épines à cause de notre indifférence et de notre ingratitude, et à cause de nos péchés. Notre Dame de Fatima désire d’une manière particulière nous protéger du mal du communisme athée qui éloigne les cœurs du Cœur de Jésus, seule source de salut, et qui conduit les cœurs à se rebeller contre Dieu et contre l’ordre qu’Il a établi dans Sa création et inscrit dans le cœur de chaque homme. (5) A travers ses apparitions et le message qu’elle a confié aux petits bergers saints Francisco et Jacinta Marto, et à la vénérable Lúcia dos Santos – message qui est pour toute l’Eglise – Notre Dame a traité de l’influence de la culture athée sur l’Eglise elle-même, conduisant beaucoup à l’apostasie, à l’abandon des vérités de la foi catholique.
Dans le même temps, Notre Dame nous a demandé de faire amoureusement réparation pour nos offenses au Sacré-Cœur de Jésus et à son Cœur Immaculé par la dévotion des premiers samedis, c’est-à-dire de nous confesser, de recevoir dignement la sainte communion, de réciter cinq dizaines du Saint Rosaire et de tenir compagnie à Notre Dame en méditant les mystères du Saint Rosaire, les premiers samedis du mois. Il ressort clairement du message de Notre-Dame que seule la foi, qui place l’homme dans une relation d’unité de cœur avec le Sacré-Cœur de Jésus, par l’intermédiaire de son Cœur Immaculé, peut sauver l’homme des châtiments spirituels que la rébellion contre Dieu attire nécessairement sur ses auteurs, et à la fois sur l’ensemble de la société et de l’Eglise. La dévotion des premiers samedis constitue notre réponse obéissante à notre Mère céleste, qui ne manquera pas d’intercéder pour toutes les grâces dont notre monde et nous-mêmes avons si désespérément besoin. Cette dévotion n’est pas un acte isolé : elle exprime un mode de vie, à savoir la conversion quotidienne du cœur au Sacré-Cœur de Jésus, sous la conduite et la protection maternelles du Cœur immaculé et douloureux de Marie, pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
Lorsque nous réfléchissons à la rébellion contre le bon ordonnancement et la paix dont Dieu dote chaque cœur humain, rébellion qui conduit le monde et même l’Eglise à toujours plus de confusion, de division, de destruction des autres et de soi-même, nous comprenons, comme l’avait compris le pape Pie XI, l’importance du culte que nous rendons au Christ sous son titre de Roi du Ciel et de la Terre. Ce culte n’est pas une sorte d’idéologie. Ce n’est pas le culte d’une idée ou d’un idéal. Il est communion avec le Christ Roi, en particulier à travers la Très Sainte Eucharistie, grâce à laquelle notre propre mission royale en Lui se comprend, s’embrasse et se vit. C’est la réalité où nous sommes appelés à vivre, la réalité de l’obéissance à la Loi de Dieu écrite dans nos cœurs et dans la nature même de toutes choses. C’est la réalité de nos cœurs, unis au Cœur Immaculé de Marie, reposant toujours plus complètement dans le Très Saint Cœur de Jésus.
La messe pontificale est célébrée aujourd’hui selon la forme plus ancienne du rite romain, l’Usus Antiquior. L’Eglise célèbre cette année le 18e anniversaire de la promulgation du Motu Proprio Summorum Pontificum, par lequel le pape Benoît XVI a rendu possible la célébration régulière de la messe selon cette forme utilisée depuis l’époque du pape saint Grégoire le Grand. Ayant le privilège de participer aujourd’hui au Saint Sacrifice de la messe, nous ne pouvons nous empêcher de penser aux fidèles qui, tout au long des siècles chrétiens, ont rencontré Notre Seigneur et approfondi leur vie en Lui grâce à cette forme vénérable du rite romain. Beaucoup ont été inspirés à pratiquer une sainteté héroïque, y compris jusqu’au martyre. Ceux d’entre nous qui sont assez âgés pour avoir grandi en rendant le culte à Dieu selon l’Usus Antiquior ne peuvent s’empêcher de considérer à quel point cela nous a inspirés à garder notre regard fixé sur Jésus (6), en particulier dans notre réponse à notre vocation. Enfin, nous ne pouvons manquer de remercier Dieu pour la manière dont cette forme vénérable du rite romain a amené à la foi et approfondi la vie de foi de tant de personnes qui ont découvert pour la première fois sa beauté incomparable, grâce à la discipline établie par Summorum Pontificum. Nous remercions Dieu de ce que, par le moyen de Summorum Pontificum, toute l’Eglise en vient à une compréhension et à un amour toujours plus grands du grand don de la liturgie sacrée telle qu’elle nous a été transmise, dans une lignée ininterrompue, par la Tradition sacrée, par les apôtres et leurs successeurs. Grâce à la liturgie sacrée, notre adoration de Dieu « en esprit et en vérité » (7), Notre Seigneur est avec nous de la manière la plus parfaite qui puisse exister sur cette terre. C’est l’expression la plus excellente de notre vie en Lui. En contemplant aujourd’hui la grande beauté du rite de la messe, soyons inspirés et fortifiés en vue de refléter cette beauté dans la bonté de notre vie quotidienne, sous la protection maternelle de Notre Dame.
Elevons maintenant nos cœurs, unis au Cœur immaculé de Marie, vers le Cœur glorieux et transpercé de Jésus, ouvert pour nous dans le sacrifice eucharistique par lequel Il rend sacramentellement présent pour nous Son sacrifice au Calvaire. Elevons nos cœurs, emplis de tant de joies et de douleurs, vers la source indéfectible de la Miséricorde et de l’Amour divins, confiants que dans le Cœur eucharistique de Jésus, nous serons confirmés dans la paix, et confortés afin de pouvoir porter la croix de nos douleurs avec la confiance même de la Vierge Marie. Puissions-nous ainsi, sous le regard maternel constant et miséricordieux de la Bienheureuse Vierge Marie, progresser fidèlement et de tout cœur sur le chemin de notre pèlerinage terrestre vers notre demeure éternelle au Ciel.
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Raymond Leo Cardinal BURKE
(1) Jean 19, 26-27.
(2) Jean 2, 5.
(3) « Sagesse », L. Bouyer, Dictionnaire théologique (Tournai : Desclée, 1963), p. 594.
(4) Ecclésiastique 24, 24.
(5) Cf. Romains 2, 15.
(6) Cf. Hébreux 12, 2.
(7) Jean 4, 23.











