A en croire les médias français, avant comme après le premier débat public ayant opposé l’ancien président Donald Trump à l’actuelle vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, tous deux candidats à la Maison Blanche lors des élections de novembre prochain, le premier serait un imbécile tout juste bon à conforter un public convaincu d’avance, et la seconde une femme politique capable de donner de vraies réponses et méritant donc de gagner. Les titres de ce mercredi matin étaient clairs et nets : « Offensive, Kamala Harris s’impose », affirmait Le Monde, Trump a été « déstabilisé », « Kamala Harris écrase Donald Trump dans un débat à sens unique », titrait Libération, « Les téléspectateurs jugent que la candidate démocrate a été meilleure », assurait bfm.tv. Qui osera encore parler de neutralité de l’information ?
Le cas de la politologue Mare Cécile Naves, universitaire, directrice de recherche à l’IRIS, Institut de recherche des études internationales et stratégiques, est emblématique. Interrogée en tant que spécialiste des Etats-Unis, cette féministe et promotrice du « genre » prend clairement parti. C’est elle qui, interrogée par la chaîne d’Etat France Info dans « Les Informés », mardi avant le débat, renchérissait sur les « faux pas » que pourrait commettre l’un ou l’autre candidat, tout en minimisant la capacité de Trump à convaincre les indécis : on invoqua en chœur, et comme si la chose était acquise, les « âneries » qu’il allait forcément proférer.
Débat Donald Trump – Kamala Harris : le parti pris médiatique
Qu’en était-il vraiment ? Pour avoir regardé le débat de bout en bout – y compris les séquences d’informations NBC qui l’ont interrompu par deux fois – je peux dire que Trump a été calme, cohérent, percutant, hormis les épisodes où il n’a pas porté une estocade qui était à sa portée, et d’autres où il s’est laissé entraîner dans des digressions secondaires, comme le nombre de participants à ses meetings, par une Kamala Harris étonnamment cohérente. Tellement cohérente que d’aucuns ont avancé qu’elle portait des oreillettes artistement dissimulées dans des boucles d’oreille ad hoc – j’y reviendrai.
Mais la chaîne NBC, organisatrice de la rencontre de 90 minutes à Philadelphie en Pennsylvanie, a fait tout ce qui était en son pouvoir pour déconsidérer Donald Trump. Les deux journalistes présentateurs ont si bien abondé dans le sens de Kamala, jamais repoussée dans ses retranchements, que Trump a pu dénoncer un « 3-on-1 debate » : un débat où il s’est retrouvé seul contre trois. Ceux qui l’ont visionné sur Internet ont pu suivre en même temps, sur une colonne de texte à droite de l’image, le « fact-checking » des assertions des candidats par les journalistes d’ABC : quasi systématiquement, il s’est agi de propos de Trump « débunkés », comme ils disent, au moyen de contradictions pures et simples. Même scénario pour les points forts du débat présentés de manière très orientée par la chaîne, comme on peut le voir ici.
A aucun moment les « modérateurs » n’ont relevé les mensonges de Harris qui a notamment renouvelé les fausses interprétations sur l’annonce de Trump selon laquelle il y aurait un « bain de sang » s’il n’était pas élu : en fait, il parlait de la débâcle de l’industrie américaine si les mesures qu’il préconise ne sont pas mises en œuvre.
La « neutralité » très orientée de l’information
Le débat lui-même est intégralement en ligne, encadré par plus de six heures de commentaires. On y voit comment les informations ABC résumées pendant les pauses contenaient plusieurs attaques contre Donald Trump, l’accusant notamment de répandre des fausses nouvelles, au sujet des Haïtiens dans l’Ohio en particulier, et d’utiliser un fait divers tragique comme « outil politique » à son propre avantage contre le gré du père de l’enfant victime.
Trump a cherché à mettre l’accent sur l’arrivée massive de migrants, dont un certain nombre de criminels, qui « détruit » le pays alors que Kamala Harris était directement chargée du dossier de la protection des frontières en tant que vice-présidente. Il a souligné que sa propre force et ses capacités de négociation ont permis d’éviter la guerre, comme celle qui aujourd’hui fait rage entre Israël et le Hamas : Poutine, a-t-il assuré, n’aurait jamais osé envahir l’Ukraine, lui président. De même, il a mis l’accent sur la protection des emplois américains par l’imposition des importations depuis la Chine, en particulier. Il a tout spécialement souligné les changements affichés par Kamala Harris : elle qui a dénoncé le « fracking », la liberté de posséder des armes, et qui a soutenu les coupes budgétaires au détriment de la police au moment des émeutes Black Lives Matter en 2020. Aujourd’hui, elle soutient le contraire… mais pour combien de temps ?
Kamala Harris montre qu’elle est prête à toutes les contradictions
En réalité, Kamala Harris, dénoncée comme « marxiste » par Trump en raison de ses idées radicalement de gauche, a cherché au cours du débat à se faire passer pour la candidate des petits entrepreneurs et des Américains moyens, développant un argumentaire poujadiste par certains côtés et adoptant quelques positions proches de celles du trumpisme – ce qui a permis à Trump de dire en plaisantant qu’il avait même pensé lui envoyer un « MAGA hat » – un chapeau « Make America Great Again ». Avant d’avertir qu’une fois élue, elle n’aurait aucun scrupule à appliquer ses positions de fond. Kamala Harris s’est à peine défendue, laissant passer…
On aurait pu espérer voir Trump accuser son adversaire d’avoir caché l’état mental désastreux de ce pauvre Biden, dont il a rappelé qu’il avait gagné la primaire démocrate avec 14 millions de voix populaires, Mme Harris n’en ayant reçu aucune. Cette illégitimité, ces dissimulations sont des points forts : Trump ne les a pas exploités à fond. En revanche et avec brio, il a plusieurs fois souligné que la vice-présidente qui promet que tout changera dès la première journée à la Maison Blanche n’a rien fait avec Biden pour sortir les Américains du marasme économique ni de la pression migratoire qui a fait franchir les frontières du sud par des millions de clandestins.
Trump a d’ores et déjà proposé un deuxième débat à son adversaire. Il y a fort à parier qu’elle n’acceptera pas qu’il soit organisé par un média de droite…
Un débat assisté par écouteur au profit de Kamala ?
Reste l’affaire de l’oreillette supposée de Kamala Harris. Elle portait mardi soir des boucles d’oreilles curieusement peu tendance, composées d’une perle massive et d’une base dorée dont de nombreux internautes ont observé qu’elles ressemblent à un produit dernier cri, pour le coup : des bijoux audio Nova H1 permettant d’écouter un signal depuis un smartphone en toute discrétion, le son étant dirigé directement et précisément vers le conduit auditif. Le ton posé et les réponses charpentées – à défaut d’être à propos et exactes – de la vice-présidente assurent une certaine vraisemblance à l’accusation, elle qui ne brille pas à l’oral et qui a plutôt habitué ses auditoires à des rires incontrôlables au sujet d’anecdotes bizarres.
Vrai ? Faux ? Newsweek parle déjà de théorie du complot imputable aux réseaux sociaux, soulignant que les Nova H1 ont été présentés pour des opérations de crowdfunding sur Kickstarter l’an dernier mais jamais produits, ni commercialisés, et renvoie plutôt ses lecteurs vers des bijoux de chez Tiffany’s, pas tout à fait ressemblants toutefois.
Newsweek signale pourtant que le site de la société Nova renvoie vers un autre fabricant, Icebach Sound Solutions. Et là, on voit que celle-ci a déjà présenté ces oreillettes dans des salons cette année. Le site d’évaluation de nouveaux produits Les Numériques annonçait pour sa part en septembre 2022 la commercialisation prochaine de ces écouteurs sans fil à 695 euros la paire en version dorée (sans lien d’achat). La technologie, à défaut de vendeurs repérables en ligne, existe bel et bien. Un peu d’entregent suffirait-il à obtenir des prototypes ?