Cent jours de Donald Trump : vers l’impuissance occidentale ?

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Donald Trump n’a plus que 15 jours. Dans ses tartarinades de campagne, semblable à tout candidat, il s’était vanté de ramener la paix en Ukraine en vingt-quatre heures, par un simple coup de fil à son « ami » Poutine ; puis, une fois au pouvoir il s’est donné cent jours pour y arriver ; depuis, 11 jours ont passé en janvier, 28 en février, 31 en mars et 15 en avril, soit 85 : dans quinze jours le délai expire. Le second mandat de Trump, commencé par un feu d’artifice d’executive orders, semble s’enliser chaque jour un peu plus à chaque reprise des combats au Proche-Orient ou du côté de Karkhiv, en même temps que son blitzkrieg sur les droits de douane paraît piétiner face à Pékin. Comme s’il devait avouer son impuissance tant face à la profondeur des conflits engagés que devant le mur d’argent qui s’élève devant lui. Et cette impuissance semble s’étendre à toute l’alliance occidentale : l’Europe n’arrive pas à s’armer et s’unir devant la menace russe qu’elle a désignée, la France de Macron échoue à résoudre son problème avec l’Algérie. Les Faucons du Yaka pataugent.

 

Le coup de pied de Trump à l’arc-en-ciel

Les cent jours de Donald Trump ne sont pas finis, et nous ne savons bien sûr qu’une toute petite partie de ce qui se passe sur le front de Gaza ou dans l’est de l’Ukraine, et de ce qui se trame dans les couloirs des négociations dans la péninsule arabique. Il serait donc vain, à tous les sens du terme, de prétendre conclure. Mais il est utile de faire un bilan des apparences, et parce qu’elles peuvent comporter de la vérité, et pour mieux tenter ensuite de comprendre ce qu’elles cachent. En précisant qu’il ne s’agit pas d’instruire le procès de Donald Trump. La chose va de soi mais ira encore mieux après l’avoir dite. Sa sortie de l’OMS et de l’accord de Paris sont des faits acquis que le bruyant récit de ses échecs, de ses contremarches et de son impuissance présumée, a eu pour effet d’éloigner des controverses. De même ses décisions contre la monstrueuse théorie du genre, en dépit de la résistance des juges et des ONG, ont-elles une portée symbolique immense. Et sur l’immigration, de premiers succès se dessinent. Trump a donné un coup de pied dans l’arc-en-ciel.

 

Cent jours de diplomatie : une vue juste mais quels résultats ?

La difficulté, l’enjeu, sera de préserver tout cela, et pour le faire il faut que sa diplomatie et sa politique économique ne le discréditent pas. Il ne s’agit pas ici de sa méthode de négociation ni du ton de son discours, mais de résultats. Avec les petits Etats d’Amérique latine, la manière Trump a fonctionné, avec la faible Europe aussi, mais ailleurs ? Avec la Chine, par exemple ? Le président américain a eu le mérite de la désigner pour ennemi principal et de cesser de pousser Poutine dans ses bras, ce qui fut la grande faute de Biden. Mais la guerre des droits de douane et la retraite pour l’instant finale n’ont pas apporté grand-chose. Admettons par hypothèse que l’objectif ultime soit, derrière le spectacle, d’en finir avec le désastreux déséquilibre commercial et financier de l’Amérique comme le pensent certains confrères : il faudrait, pour que cela débouche, que se profile une discussion internationale sur la question, et l’on n’en voit pour l’instant pas le début.

 

Trump comme Napoléon : une certaine impuissance en Russie

C’est surtout sur le front entre la Russie et l’Ukraine que sera jugé Trump, tant ses promesses ont été spectaculaires, tant les manigances de Biden, le mensonge des propagandes croisées, la fatigue et la peur devant le massacre et la destruction ont marqué les esprits. Or, qu’a-t-il obtenu ? Un ton plus amène de la partie russe, un accord sur le principe d’une trêve, l’engagement de pourparlers. Sur le contenu, il n’était pas pensable que Poutine lâche le moindre lest. Il aurait pu seulement être moins méprisant sur l’Europe et moins formel dans sa volonté d’exclure les Ukrainiens du tapis vert. En somme, à part quelques sourires, il n’a rien concédé. La trêve sur les « cibles énergétiques » (quel vocabulaire) n’a jamais été respectée, et les bombardements (refusons le mot « frappes », transcription fallacieuse de l’anglais apparue durant la guerre du Golfe), qui s’amplifient, n’ont jamais cessé, ni les opérations au sol. Cela indique que, contrairement à ce que prétend la propagande de l’Union européenne ennemie de Trump, celui-ci n’a pas « tout cédé » à Vladimir Poutine, mais cela suggère aussi une certaine impuissance à conclure. Les cent jours rappellent Napoléon. Comme Trump, il était tombé sur un os en Russie. Et comme Trump, il avait, de son exil à Elbe, sorte de Mar-a-Lago avant la lettre, où on l’avait parqué après sa défaite, fait un retour imprévu mais flamboyant, porté par le désir qu’avait le peuple de se libérer des humiliations imposées par la Sainte Alliance. Mais cela s’est terminé à Sainte Hélène.

 

L’Europe occidentale divisée, impuissante à prendre un parti

On ajoutera que cette impuissance ne résulte pas, comme le prétend la vulgate anti-Trump, d’une rencontre entre ses hâbleries présumées et la réalité, mais d’un phénomène plus profond, qui touche tout le camp occidental, endormi par des années de mondialisme – sommeil contre lequel, précisément, Trump tente de lutter. L’Europe junkie à l’arc-en-ciel se réveille au matin d’un very bad trip. Les réunions se succèdent sans dégager de diplomatie commune entre la France, la Scandinavie, la majorité de l’Europe de l’Est, l’Allemagne et la Grande Bretagne (oublié le Brexit) d’une part, l’Italie et la Hongrie de l’autre. Quant à l’armement, s’ajoutant à ce différend politique, des intérêts économiques puissants empêchent de le définir clairement, comme on l’a vu dans le cas de l’avion du futur.

 

Macron : deux mille neuf cent jours d’impuissance

Quant à la France, présidée par un Macron dont l’autorité est plombée par ses échecs, ses mensonges et ses errements stratégiques depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024, elle se trouve écartelée entre les responsabilités européennes qu’elle s’est données (faut-il étendre ou non le parapluie nucléaire ?), son marasme économique et financier (Standard and Poors passe en négatif, Moodie’s ne note plus face aux « incertitudes »), le malaise social et politique qui la terrasse, et son impuissance face à l’Algérie. Soit qu’un ministre prétende faire expulser des délinquants algériens, soit que Macron cède au président Tebboune, la réponse est toujours la même : l’écrivain binational Boualem Sansal reste en prison et Alger expulse des diplomates français. Jamais l’impuissance française et occidentale n’a été si manifeste. Jadis, on envoyait un corps expéditionnaire pour un coup de chasse-mouche, aujourd’hui, on tend la bouche pour avaler de nouvelles couleuvres. A la politique de la canonnière succède celle de la serpillière.

 

Pauline Mille