De l’Aïd aux frères musulmans, l’arc-en-ciel instrumentalise l’islam

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Grande Mosquée de Paris (© Wally Gobetz)

 

La fuite du récent rapport rédigé par l’ambassadeur François Gouyette et le préfet Pascal Courtade sur le noyautage avancé de la France par la secte des Frères musulmans a été organisée pour lui donner un maximum de publicité. Le président de la République a fait savoir, lors du Conseil de Défense qu’il a réuni pour l’examiner, qu’il était mécontent que le public en prenne si tôt connaissance. La droite incarnée par le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau le dit fondamental. Et la gauche et l’extrême gauche l’ont jugé dangereux tout en reconnaissant qu’il était « bien fait ». Mais la polémique omet de poser une question : à quoi sert-il ? Réponse, il détourne l’attention du phénomène de l’immigration pour l’attirer sur certains immigrés, les musulmans. Il instrumentalise ainsi doublement l’islam : l’islamisme devient le repoussoir et l’épouvantail de la République dite « laïque », et en même temps, l’arc-en-ciel qui anime cette République dite laïque appelle à intégrer le bon islam dit modéré, en poussant à la croissance culturelle et politique de l’islam en France. Le rapport le préconise explicitement et l’Etat a commencé à le faire en parrainant, par exemple, l’Aïd el-Kébir, fête musulmane.

 

La gauche et l’islamophobie au secours des Frères musulmans

Le Ramdam mené par la gauche autour du rapport sur les Frères musulmans était prévisible. Pour Jean-Luc Mélenchon, « l’islamophobie franchit un seuil. (…) Un Conseil de défense autour du Président accrédite les thèses délirantes de Retailleau et Le Pen ». Sandrine Rousseau renchérit au nom des écologistes : « Ça rappelle tellement l’antisémitisme des années 1930, c’est inadmissible ! » Et de nier l’existence des « ennemis de l’intérieur ». La presse bien-pensante relaye ces opinions. Selon Jean-Michel Apathie sur Quotidien, il s’agit d’une « manipulation de l’opinion publique XXL » pour promouvoir Bruno Retailleau, et elle risque de « détourner les musulmans patriotes, honnêtes, français (…) du pacte social ». Interrogée par RTL, Catherine Tricot, patronne de la revue d’extrême-gauche Regards, estime qu’on est « en train d’exagérer grossièrement l’influence » des Frères musulmans. Ces réactions, dont nous ne publions qu’un petit florilège, ont été prévues par le rapport qui analyse la façon de procéder des Frères musulmans pour conquérir l’espace public : ils utilisent « le recours à la victimisation, à travers le concept piégé d’islamophobie ».

 

Islam et islamisme en France ? Un secret de polichinelle !

Le rapport, dont Apathie concède qu’il est « bien fait », conclut, après 73 pages bourrées d’informations, qu’il existe en France, aux mains des Frères musulmans, au moins 139 lieux de culte, 280 associations, 21 établissements scolaires. Cela entraîne un « risque frériste » avéré. Selon l’étude, commandée par Darmanin lorsqu’il était Place Beauvau, ce risque passe par des « réseaux », notamment des « prédicateurs » et « une vingtaine d’influenceurs ayant un vrai impact sur les réseaux sociaux ». Ces faits, nul ne les nie. Mais l’ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité Nicolas Cadène, candidat de la Nupes puis du NFP aux élections législatives, tente d’en atténuer la portée : « A l’inverse de ce qu’on lit ou entend, rien n’est surprenant dans ce rapport, sauf à n’avoir jamais rien suivi au sujet. » Cette remarque est un aveu : ce qui fait aujourd’hui tant de bruit, les spécialistes le savent depuis longtemps ! Le fait est courant pour tout ce qui touche à l’immigration : ainsi le pays médiatique et légal fait-il mine depuis quelques années de polémiquer sur le thème du grand remplacement (tout en le niant), alors que, depuis au moins 1991, les spécialistes l’avaient détecté, Valéry Giscard d’Estaing ayant reconnu que l’on était passé « de l’immigration à l’invasion ».

 

Macron fait récrire le rapport sur les frères musulmans

La question devient donc : pourquoi cette fausse découverte tardive d’une évidence ? La réponse de Jean-Michel Apathie, il s’agit d’une manipulation médiatique dont profite Bruno Retailleau, n’est pas totalement fausse : on met en selle un candidat, ou un courant, pour couper l’herbe sous le pied du RN en 2027. Mais l’entreprise est beaucoup plus vaste et met en cause, par exemple, la politique étrangère. Le Conseil de Défense présidé par Emmanuel Macron n’a pris aucune décision immédiate, et le président de la République, irrité, a commandé une nouvelle mouture du rapport, édulcorée, où ne figureront plus les noms des auteurs, ni d’autres informations : lesquelles ? Le Qatar était désigné parmi les principaux financiers des Frères musulmans : cela sera-t-il maintenu ? Sans doute la chose est-elle un peu ridicule puisqu’une version PDF est disponible sur internet. Un rapport de cette sorte est un texte officiel qui ne doit pas fâcher la République avec ses amis : l’enjeu est important.

 

On instrumentalise un vrai danger par des distinctions trompeuses

Pourquoi la diffusion (augmentée par les ratés, volontaires ou non, qui l’accompagnent) de ce rapport sur les Frères musulmans est-il un coup politique d’envergure ? D’abord parce qu’il répond à une exaspération grandissante des Français, que l’on mesure sur les réseaux sociaux, à propos des crimes et délits dont se rend coupable une part des habitants de la France, viols et crimes de sang compris, et à propos de l’invasion de l’espace public par les voiles, restaurants et commerces halal, prières, etc. A cette exaspération s’ajoute l’inquiétude des Français juifs devant les menaces qui pèsent sur eux, qui se sont aggravées depuis de 7 octobre et la riposte israélienne. Très habilement le rapport y fait face en opérant deux distinctions. D’abord entre l’islam tranquille des bons « musulmans patriotes, honnêtes », pour parler comme Jean-Michel Apathie, et les islamistes. Ensuite entre « islamistes » eux-mêmes, se focalisant sur les seuls Frères musulmans, en écartant d’autres réseaux, d’autres mouvances, wahabites, salafistes, chi’ites iraniens, Daech, etc… Cette dernière distinction présente un triple avantage : elle est conforme à la réalité, il existe plusieurs demeures dans la maison de l’islam radical, elle ménage les susceptibilités des Etats qui les soutiennent les unes et les autres, enfin, elle inspire une peur immédiate, car les Frères musulmans, apparemment plus que d’autres, ont fortement organisé les moyens de leur entrée sur le territoire national.

 

Musulmans, islam, islamisme : un continuum établi

Cependant cette série de distinctions est une illusion qui vise à tromper. S’il est évident que l’épicier du coin n’est pas un fou de l’islam prêt à se faire sauter avec une ceinture d’explosifs, tous les sondages et les études menés depuis au moins les assassinats perpétrés par Mohamed Mehra, tant en France que chez nos voisins d’Europe, montrent un continuum de sentiments et d’opinions entre la base tranquille et le sommet activiste. Cela va de l’anodin et du compréhensible à l’horrible. Ainsi dans le massacre de la rédaction de Charlie en 2015, 78 % des musulmans de France estimaient-ils que l’hebdomadaire n’aurait pas dû publier les caricatures de Mahomet. On peut le concevoir. Mais en octobre 2023, lors de l’assassinat au couteau de Dominique Bernard à Arras par un Ingouche au nom de Daech, 38 % des jeunes musulmans de France ne l’ont pas condamné. Et au Royaume-Uni, en avril 2024, 75 % des musulmans estimaient que le Hamas n’avait pas commis de viols ni de meurtres en Israël le 7 octobre 2023. Dans ce dernier cas la religion n’entre pas seule en compte : il se dessine une solidarité arabo-musulmane contre Israël et « les juifs ».

 

On instrumentalise les Frères musulmans pour masquer la réalité

En fait, le rapport sur les Frères musulmans dit ceci : il y a de mauvais islamistes qui tuent, violent, et prêchent la haine et la soumission. Une part d’entre eux, les Frères musulmans, sont bien implantés en France et dans le monde, et ils sont en train d’entraîner dans leur folie des masses de bons musulmans, les jeunes en particulier. Il faut les empêcher, et pour ce faire, il est nécessaire d’intégrer mieux ces bons musulmans. En d’autres termes, ce rapport, présenté comme quasiment fasciste par l’extrême gauche, sert au contraire à avaliser l’invasion migratoire qui a eu lieu et adapter la France et l’Europe à cette invasion en concédant de nombreux avantages à l’islam, ce qui est tout à fait compréhensible si l’on se place du point de vue de l’empire arc-en-ciel, mais surprend de la part d’une République qui se prétend laïque. Cette façon d’instrumentaliser l’islam à la fois pour exonérer l’invasion migratoire de ses conséquences et de promouvoir une société sans frontière aucune a été analysée dans deux livres qui en démontrent sans ambiguïté l’intention mondialiste.

 

Comment l’arc-en-ciel instrumentalise l’islam

Elle s’affiche dans les recommandations du rapport sur les Frères musulmans. Selon ses auteurs, « l’islamologie contemporaine » doit « renforcer la recherche française conduite sur l’islam et l’islamisme », et doit s’opposer à « l’islamisation de la connaissance » et à « l’islamisation du savoir » qu’organisent les Frères musulmans. Et pour y arriver, il faut lui donner plus de place dans la société française, y compris dans la mémoire et l’histoire de France. Cela entre dans le mouvement lancé par l’historien Patrick Boucheron dans son Histoire mondiale de la France, mis en images par le metteur en scène Thomas Jolly dans le spectacle d’ouverture des Jeux Olympiques à Paris en 2024. Parmi les mesures concrètes préconisées par le rapport : la panthéonisation de figures militaires musulmanes « comme le résistant Addi Bâ ».

 

Le rapport sur les Frères musulmans promeut l’islam en France

Le grand responsable, selon le rapport sur les Frères musulmans, est la conception traditionnelle de l’islam sécrétée par l’histoire de France, qui permet aux islamistes de se poser en victimes : « L’islam reste principalement évoqué sous un angle négatif et demeure largement instrumentalisé par la minorité extrémiste qui s’attache à rendre le discours victimaire hégémonique. » Il faut donc (!?) combattre « le sentiment de rejet qui irrigue les familles de confession musulmane ». Répondre à leurs « aspirations » par des « signaux forts ». Le rapport en énumère quelques-uns. D’abord, répandre « l’enseignement de l’arabe à l’école » pour limiter les écoles coraniques. Et puis, s’occuper de leurs morts en assurant le « regroupement confessionnel des sépultures » en systématisant les carrés musulmans où les fidèles seront enterrés la tête vers La Mecque, faute de quoi « beaucoup de nos concitoyens inhument leurs proches à l’étranger ».

Ici, Gribouille triomphe : pour se défendre contre l’islamisme et les frères musulmans, la République laïque se donne pour mission de promouvoir le communautarisme religieux !

 

Un coup de pied à Israël pour « apaiser » des « frustrations » ?

Petite cerise sur ce gros gâteau, le rapport s’invite sur le terrain des Affaires étrangères, ce qui explique peut-être l’agacement d’Emmanuel Macron, et il date un peu. Selon ses auteurs, les musulmans en France estimeraient que la politique du Quai d’Orsay est « ouvertement favorable à Israël » (ils ne sont pas d’accord avec Benjamin Netanyahu). Pour dissiper leur « malaise » et « apaiser leurs frustrations », il faudrait « la reconnaissance par la France d’un Etat palestinien ». Voilà qui est en bonne voie mais est-ce que cela va vraiment abattre les Frères musulmans, résoudre les questions que posent en France la présence massive d’une immigration extra-européenne, et, dans un autre ordre d’idées, celle non moins massive de populations musulmanes ? On peut en douter, mais on constatera que ces préconisations vont dans le sens d’une part de la pratique antérieure de l’Etat français.

 

Un ministère et des préfets précisent le « sacrifice » de l’Aïd

Un petit fait caractéristique le rappelle. Les 5 et 6 juin prochain, les musulmans fêteront la fête de l’Aïd el-Kébir, qui entraîne l’abattage rituel d’un grand nombre de moutons sacrifiés pour l’occasion. Or, pour assurer « la protection du bien-être animal, la sécurité sanitaire des consommateurs et la protection de l’environnement », un grand nombre de préfectures rappellent aux fidèles musulmans les règlements en vigueur quant au transport et à l’abattage, interdisant notamment l’abattage clandestin, qui demeure extrêmement fréquent. Tout cela peut paraître normal et bien intentionné. Là où ça dérape, c’est quand on lit la brochure publiée en 2016 par le ministère de l’Agriculture à ce sujet où l’on peut lire en page 8 : l’Aïd « est une fête célébrée chaque année par les musulmans du monde entier, qui commémore, selon la tradition musulmane, le sacrifice que Dieu demanda à Abraham pour éprouver sa foi ». Les mots sacrifice et sacrificateurs apparaissent une dizaine de fois : on imagine la tête de Mélenchon si un texte ministériel parlait du « saint sacrifice de la messe » ! Et ces mots sont repris par les préfets, notamment celui du Gers, des Pyrénées Orientales, de l’Isère et de la Mayenne, dans leurs circulaires !

 

Aïd, laïcité positive et empire arc-en-ciel

On est bien loin de la laïcité sourcilleuse et traditionnelle que recommandait hier le Grand Orient de France pour abattre l’Eglise catholique, et qui a mené, après près de trente ans de combat politique (et parfois militaire) sans merci à la mise au pas des catholiques par la loi de 1905 et les inventaires de 1906 (qui causèrent mort d’homme). C’est qu’aujourd’hui prévaut le dogme de liberté de religion, donc de la coexistence, voire de la synergie maçonnique, des grandes religions dont le but proclamé par Nicolas Sarkozy en 2008 à Riyad devant le roi d’Arabie Saoudite est de « civiliser la globalisation ». En d’autres termes, à l’empire arc-en-ciel sans frontière correspond un arc-en-ciel de religions adaptées à chaque « culture ». Il ne faut hélas pas attendre sur ce point de contre-révolution chez les plus rétifs en apparence des grands dirigeants de ce monde. Vladimir Poutine est sur cette ligne, il ouvre grand les portes à l’islam en Russie, et Donald Trump est allé célébrer à Abou Dhabi « l’unité » de la « famille abrahamique » chère au syncrétisme arc-en-ciel.

 

Pauline Mille