C’est une bombe que vient de lâcher ma consœur Diane Montagna : la publication sur son compte Substack d’un article qui accuse – disons-le ainsi – une ou des personnes non identifiées d’avoir délibérément occulté les résultats de l’enquête menée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi en 2020 et 2021, afin de restreindre l’accès à la messe tridentine. Un mensonge pur et dur. La synthèse de cette enquête révélait de la part des évêques une attitude très positive à l’égard de Summorum pontificum, le Motu proprio par lequel Benoît XVI a libéralisé l’accès à la messe tridentine en 2007.
Mieux : dans leur ensemble, les évêques jugeaient que le fait d’en modifier les normes « ferait plus de tort que de bien ».
C’est pourtant ce qui a été fait, et de manière radicale, par Traditionis Custodes, par lequel le pape François attaquait de front la messe traditionnelle en ne la laissant subsister que de manière temporaire et limitée de manière à imposer la messe Paul VI exclusivement pour l’ensemble des catholiques de rite latin, en l’espace de quelques années.
Traditionis Custodes, fruit de la manipulation et du mensonge
On a tout dit des incohérences de ce texte qui méconnaît et oublie qu’il y a toujours eu une certaine diversité dans les rites catholiques, y compris au sein de l’Eglise latine – même l’unification décidée par saint Pie V permettait de conserver les rites de très ancienne coutume, car elle n’avait rien de révolutionnaire.
Mais on ne savait pas ce que Diane Montagna a révélé : que des textes ont été trafiqués, que l’on a fait dire aux évêques du monde et à la Congrégation pour la Doctrine de la foi le contraire de ce qu’ils avaient dit, qu’on s’est assis sur les avis qu’on avait prétendu solliciter parce qu’ils ne correspondaient pas à la volonté idéologique des fossoyeurs de la messe traditionnelle.
Certes, ils n’ont pas réussi. Non seulement la messe tridentine est plus que jamais d’actualité, comme le montre par exemple le succès inouï et croissant du Pèlerinage de chrétienté (et celui, croissant aussi, du pèlerinage de Chartres à Paris de la Fraternité Saint Pie X jusqu’au-delà des « frontières » de celle-ci), mais on sait bien que certains évêques n’appliquent guère avec rigueur les dispositions draconiennes de Traditionis Custodes.
Diane Montagna a mis au jour un texte capital
Les « failles » dont parle Diane Montagna, qui a longuement commenté le texte original de l’Evaluation globale qu’elle a pu consulter et mettre au jour, sont bien plus que des interprétations erronées ou hâtives. On est face à une manipulation majeure, une de ces friponneries dont est émaillé l’histoire de la « nouvelle messe » et d’autres sujets connexes, telle la communion de la main imposée en faisant d’une exception concédée une pratique imposée – parfois à coups de pied.
Elle ne cite pas dans son commentaire du document (commentaire que nous avons traduit intégralement et reproduisons ci-dessous), dont elle fournit la traduction anglaise, cette mention importante : les évêques qui ont généreusement mis en œuvre les dispositions de Summorum Pontificum en ont été d’autant plus heureux qu’ils ont pu autoriser la mise en place de paroisses personnelles où l’ensemble des sacrements étaient administrés selon le rite traditionnel.
Traditionis Custodes, en laissant quelques miettes aux catholiques attachés à la liturgie tridentine, a prétendu les priver de tous les sacrements selon le rite traditionnel hormis l’Eucharistie.
Diane Montagna, ou le vrai travail de journalisme au service de la vérité
Peut-on faire confiance aux sources de Diane Montagna ? Je connais assez cette journaliste, sa précision, sa probité pour n’avoir pas de doute quant à ce qu’elle rapporte. C’est elle, déjà, qui avait révélé des citations des évêques interrogés, et elle n’a pas été démentie. De toute façon, les catholiques reconnaîtront certainement davantage dans le texte qu’elle commente la réalité de ce qu’on a vécu avec Summorum Pontificum que dans les attaques virulentes contre la messe traditionnelle justifiées par Traditionis Custodes.
A la « stabilité » et la « sérénité » évoquée par l’évaluation globale de la CDF dans son document de 2021 ont succédé l’incompréhension, les blessures, la colère de ceux qui étaient privés d’un grand bien ; et les mesquineries de ces pères qui donnaient des pierres à la place du pain.
Savoir que cela aura été une manipulation malhonnête est finalement rassurant. Une fois de plus, on ne sait pas de qui elle fut le fait (même s’il semble que le pape François ait eu accès au document d’origine).
Ce qui apparaît désormais clairement, c’est qu’il y a là un mal à réparer, un tort à redresser, un rétablissement de la justice à assurer. La « découverte » de ce document après la mort du pape François permettra de le faire de la manière la plus douce possible. Il est temps. J.S.
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Un document officiel révèle les failles majeures des justifications de Traditionis custodes
CITE DU VATICAN, 1er juillet 2025 — De nouveaux éléments, mettant en évidence des failles importantes au cœur des fondements de Traditionis Custodes, le décret du pape François de 2021 limitant l’accès à la liturgie romaine traditionnelle, ont été mis au jour.
J’ai pu obtenir l’évaluation globale du Vatican sur la consultation des évêques qui est réputée avoir « incité » le pape François à révoquer Summorum Pontificum, la lettre apostolique de Benoît XVI de 2007 libéralisant le vetus ordo, qu’on appelle plus généralement la « messe traditionnelle en latin », et les sacrements [selon l’ancien rite].
Ce texte, qui n’avait pas été divulgué à ce jour, constitue une partie essentielle du rapport officiel de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) à la suite de la consultation qu’elle a menée auprès des évêques au sujet de Summorum Pontificum en 2020. Il révèle que « la majorité des évêques qui ont répondu au questionnaire ont déclaré que la modification des normes de Summorum Pontificum ferait plus de tort que de bien ».
Cette évaluation globale contredit donc frontalement la justification invoquée pour imposer Traditionis Custodes et soulève de sérieuses questions quant à sa crédibilité.
Lorsque, le 16 juillet 2021, le pape François promulguait Traditionis Custodes, il déclara : « Les réponses parvenues ont révélé une situation douloureuse qui m’inquiète, me confirmant la nécessité d’intervenir. » « Malheureusement », ajoutait-il dans sa lettre accompagnant le document et adressée aux évêques du monde entier, « l’intention pastorale de mes prédécesseurs (…) a été souvent gravement négligée. Une possibilité offerte par saint Jean-Paul II et avec une magnanimité encore plus grande par Benoît XVI (…) a été utilisée pour augmenter les distances, durcir les différences, construire des oppositions qui blessent l’Eglise et en entravent la progression, en l’exposant au risque de divisions ».
Il déclarait aux évêques qu’il était « contraint » par leurs « demandes » de révoquer non seulement Summorum Pontificum, mais aussi « toutes les normes, instructions, concessions et coutumes » antérieures à son nouveau décret.
Pourtant, l’évaluation globale du Vatican révèle plutôt que les « décalages », les « divergences » et les « désaccords » proviennent davantage d’une certaine ignorance, de préjugés et de la résistance d’une minorité d’évêques à l’égard de Summorum Pontificum que de problèmes provoqués par ceux qui sont attachés à la liturgie romaine traditionnelle.
A l’inverse, le rapport officiel de la CDF indique que « la majorité des évêques ayant répondu au questionnaire et qui mettaient en œuvre Summorum Pontificum avec générosité et intelligence s’en déclarent au bout du compte satisfaits ». Il ajoute que « là où le clergé a coopéré étroitement avec l’évêque, la situation s’est complètement apaisée ».
L’évaluation globale, qui peut être consultée ici dans sa version originale italienne et dans une traduction anglaise, confirme également l’affirmation que j’avais affirmé en octobre 2021 : Traditionis Custodes a amplifié et projeté comme constituant un problème majeur des éléments qui, dans le rapport officiel de la CDF, n’étaient qu’accessoires.
En outre, le texte montre clairement que Traditionis Custodes a refusé de prendre en compté et occulté ce que le rapport disait au sujet de la paix rétablie par Summorum Pontificum, et a occulté cette « observation constante formulée par les évêques », à savoir que les jeunes étaient attirés par l’Eglise catholique grâce à cette forme plus ancienne de la liturgie. L’évaluation globale prédisait également, à partir des réponses des évêques, ce qui se passerait si Summorum Pontificum était révoqué – des prévisions qui se sont révélées exactes.
Genèse et structure du rapport officiel
La rédaction du rapport officiel a été confiée à la Quatrième Section de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Jusqu’à la publication de Traditionis custodes, cette entité, anciennement connue sous le nom de Commission pontificale Ecclesia Dei, était chargée de superviser le respect et l’application des dispositions établies par Summorum Pontificum. Par conséquent, la Quatrième Section disposait d’une vaste expérience et d’une grande expertise quant à l’examen et l’analyse des résultats de l’enquête.
Au printemps 2020, un questionnaire a été envoyé par le cardinal Luis Ladaria, alors préfet de la CDF, aux présidents des conférences épiscopales du monde entier, en vue de sa distribution aux évêques diocésains ; les réponses ont été recueillies par la CDF jusqu’en janvier 2021. L’ensemble des documents, soumis en plusieurs langues, ont été traités, analysés et collationnés par la Quatrième Section pour figurer dans son rapport.
Bien que je n’aie pas vu le rapport dans son intégralité, je tiens de source sûre que le rapport final de 224 pages, daté de février 2021, comprend deux parties principales. La première partie présente une analyse détaillée des résultats et des conclusions de l’enquête, continent par continent et pays par pays, et comprend des tableaux et des graphiques illustrant les données et les tendances.
La deuxième partie, intitulée « Synthèse » [Sintesi], est plus concise et comprend une introduction, un résumé pour chaque continent, une Evaluation globale [Giudizio Complessivo] des résultats de l’enquête et une série de citations tirées des réponses reçues des diocèses et classées par thème. Cette compilation avait pour but de fournir au pape François un échantillon représentatif des réponses des évêques.
L’évaluation globale commence par noter que Summorum Pontificum a joué « un rôle significatif, quoique relativement modeste, dans la vie de l’Eglise ». A la date de 2021, « il s’était étendu à quelque 20 % des diocèses latins du monde entier », et sa mise en œuvre était devenue « plus sereine et pacifique, mais pas partout ».
Le pape François déclarait dans Traditionis Custodes qu’il avait pris en considération « les vœux formulés par l’épiscopat et écouté l’avis de la Congrégation pour la Doctrine de la foi ». L’évaluation globale est précisément la partie du rapport qui synthétise et interprète les résultats de l’enquête, en proposant une conclusion interprétative tirée des éléments disponibles.
En d’autres termes, elle reflète le jugement, l’opinion éclairés de la Congrégation pour la Doctrine de la foi.
Non seulement le pape François disposait du rapport, mais selon des sources fiables, il aurait littéralement arraché une copie de travail des mains du cardinal Ladaria lors d’une audience, lui disant qu’il la voulait sur-le-champ parce qu’il était curieux de la lire.
Bien que le Vatican n’ait jamais publié le contenu du rapport officiel, j’ai obtenu et publié en octobre 2021 la collection de citations figurant dans la IIe Partie, en indiquant seulement toutefois le pays ou la région d’où provenaient ces citations. Cette collection peut être consultée dans son intégralité à la fin de cet article en italien et dans une traduction anglaise mise à jour.
L’Evaluation générale : 7 points clefs à retenir
1. L’absence de paix liturgique et d’unité est davantage le fait d’une minorité d’évêques que des fidèles attachés au rite romain traditionnel.
Là où la paix liturgique fait défaut, le rapport montre que cette situation est davantage liée à l’ignorance, aux préjugés et à la résistance d’une minorité d’évêques à l’égard de Summorum Pontificum que de problèmes venant des personnes qui se sentent attirées par la liturgie romaine traditionnelle.
Le rapport de la CDF évoque le désir de Benoît XVI de parvenir, à travers la mise en œuvre de Summorum Pontificum, à une « réconciliation liturgique interne » au sein de l’Eglise, et rappelle qu’il reconnaissait la nécessité « de procéder non pas selon une herméneutique de la rupture, mais plutôt par un renouveau dans la continuité de la tradition ».
« Cette dimension ecclésiologique de l’herméneutique de la continuité avec la tradition et d’un renouveau et d’un développement cohérents n’a pas encore été pleinement acceptée par certains évêques », observe le rapport. « Cependant, là où elle a été accueillie et mise en œuvre, elle porte déjà ses fruits ; les plus visibles d’entre eux se manifestent dans la liturgie. »
En outre, le rapport regrette que « dans certains diocèses, la Forma extraordinaria [forme extraordinaire] ne soit pas considérée comme apportant une richesse à la vie de l’Eglise, mais plutôt comme un élément inadapté, perturbateur et inutile, voire “dangereuse”, pour la vie pastorale ordinaire, et donc comme ne devant pas être accordé, ou qu’il faudrait supprimer ou à tout le moins contrôler strictement, afin qu’elle ne se répande pas, tout cela avec l’espoir de la voir disparaître ou même abroger avec le temps ».
Plus précisément, le rapport constate que les évêques des régions hispanophones « semblent généralement peu intéressés » par la mise en œuvre de Summorum Pontificum, malgré les demandes des fidèles. De même, il note que « les réponses des évêques italiens suggèrent que, dans l’ensemble, ils n’accordent pas une grande importance à la Forma extraordinaria et à ses dispositions connexes, à quelques exceptions près ».
Concernant un malentendu ou une méconnaissance à son égard de la part d’une minorité des évêques, le rapport note : « Certains évêques affirment que le MP Summorum Pontificum a échoué quant à son objectif – favoriser la réconciliation – et demandent donc sa suppression, soit parce que la réconciliation interne dans l’Eglise n’a pas encore été pleinement réalisée, soit parce que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X n’est pas revenue à la pleine communion avec l’Eglise. » A cela, les auteurs répondent que le processus de réconciliation dans l’Eglise est souvent « lent et progressif », et ils rappellent, comme l’avait fait Benoît XVI lui-même, que Summorum Pontificum ne visait pas la FSSPX.
En outre, le rapport note que certains évêques craignent de voir une « division en deux Eglises », dans la mesure où ils pensent que les groupes attachés à la forme extraordinaire « rejettent » le Concile Vatican II. Le rapport reconnaît que ce dernier point est « partiellement exact », mais précise qu’on « ne saurait le généraliser ». Là encore, affirme le rapport, « la pastorale des évêques a été déterminante pour ce qui est de calmer les esprits échauffés et pour clarifier la pensée de certains membres des groupes stables ». Enfin, le rapport note que « certains évêques préféreraient un retour à la situation antérieure à l’indult afin de pouvoir mieux contrôler et gérer la situation ».
2. La majorité des évêques ayant mis en œuvre Summorum Pontificum s’en sont déclarés satisfaits.
A l’inverse, le rapport constate que « la majorité des évêques qui ont répondu au questionnaire et qui ont mis en œuvre le MP Summorum Pontificum avec générosité et intelligence s’en disent, au bout du compte, satisfaits ». Il ajoute que « dans les lieux où le clergé a étroitement coopéré avec l’évêque, la situation s’est complètement apaisée ».
Le rapport constate en outre que « les évêques les plus sensibles à cette question observent que l’ancienne forme liturgique est un trésor de l’Eglise qu’il convient de sauvegarder et de préserver : elle constitue un bien permettant de trouver l’unité avec le passé, pour savoir comment avancer sur une voie de développement cohérent et de progrès, et pour répondre, dans la mesure du possible, aux besoins de ces fidèles ».
Selon le rapport : « La majorité des évêques qui ont répondu au questionnaire affirment que le fait de modifier les normes du MP Summorum Pontificum ferait plus de tort que de bien. » En s’appuyant que ses observations, le rapport prédit que « l’affaiblissement ou la suppression de Summorum Pontificum porterait gravement atteinte à la vie de l’Eglise, en recréant des tensions que le document avait contribué à résoudre ».
Certains évêques estimaient même qu’une modification des normes de Summorum Pontificum « favoriserait le départ des fidèles déçus vers la Fraternité Saint-Pie X ou d’autres groupes schismatiques », encouragerait la méfiance envers Rome, donnerait lieu à « une résurgence des guerres liturgiques » et « favoriserait même l’émergence d’un nouveau schisme ». De plus, « elle désavouerait deux pontifes, Jean-Paul II et Benoît XVI, qui étaient décidés à ne pas abandonner ces fidèles ».
3. Les évêques expriment leur reconnaissance à la quatrième section de la CDF (l’ancienne Commission pontificale Ecclesia Dei) pour sa compétence.
Le rapport souligne l’importance pour les groupes et les communautés stables de disposer d’un « interlocuteur compétent » au niveau des institutions, c’est-à-dire au Saint-Siège. Il note qu’une surveillance attentive exercée par des personnes expérimentées et compétentes contribue à « éviter les formes arbitraires d’autogestion et d’anarchie à l’intérieur des groupes, ainsi que les abus de pouvoir de certains évêques locaux ».
Les évêques ont exprimé leur « satisfaction et leur gratitude » à la quatrième section de la CDF (et à l’ancienne CPED) pour son travail.
4. Le rapport confirme l’attrait des jeunes pour la forme ancienne de la liturgie.
Le rapport de la CDF confirme l’intuition de Benoît XVI exprimée dans Summorum Pontificum, selon laquelle les jeunes trouveraient dans la liturgie romaine traditionnelle « une forme de rencontre avec le mystère de la Sainte Eucharistie qui leur convient particulièrement ». Le rapport note :
« Une observation récurrente des évêques est que ce sont les jeunes qui découvrent et choisissent actuellement cette forme ancienne de la liturgie. La majorité des groupes stables du monde catholique sont composés de jeunes, souvent convertis à la foi catholique, ou revenus après un temps d’éloignement de l’Eglise et des sacrements. Ils sont attirés par le caractère sacré, le sérieux et la solennité de la liturgie. Ce qui les frappe le plus, en particulier par rapport à une société excessivement bruyante et bavarde, c’est la redécouverte du silence au cœur des actions sacrées, des paroles sobres et essentielles, la prédication fidèle à la doctrine de l’Eglise, la beauté du chant liturgique et la dignité de la célébration : c’est un ensemble harmonieux qui attire profondément. »
5. Le rapport met en avant l’augmentation des vocations dans les communautés Ex-Ecclesia Dei depuis la promulgation de Summorum Pontificum.
Le rapport de la CDF souligne la progression du nombre de vocations dans les anciennes communautés Ecclesia Dei depuis la promulgation de Summorum Pontificum, mais note que certains évêques diocésains ne s’en réjouissent pas sans réserve. « De nombreux jeunes hommes », indique-t-il, « choisissent d’entrer dans les instituts Ecclesia Dei pour leur formation sacerdotale ou religieuse plutôt que dans les séminaires diocésains, au regret manifeste de certains évêques… ».
6. Le rapport recommande l’étude des deux formes du rite romain dans le cadre de la formation au séminaire.
C’est pour cette raison que le rapport recommande l’étude des deux formes du rite romain dans le cadre de la formation au séminaire. Reprenant une idée proposée par les évêques, le rapport suggère que « des sessions consacrées à l’étude des deux formes du rite romain » soient intégrées dans la formation au séminaire et dans les autres facultés ecclésiastiques, afin de favoriser une plus grande unité et la paix, d’augmenter les vocations diocésaines et de préparer des « prêtres convenablement formés » à la célébration du rite romain.
7. Le rapport faisait cette recommandation : « Que les gens soient libres de choisir. »
Se référant aux faits que l’enquête menée auprès de l’épiscopat avait permis de constater, et citant un évêque philippin, le rapport de la CDF s’achève sur ces mots : « Que les gens soient libres de choisir ». Puis, ayant rappelé le rôle et le devoir irremplaçables, bien que parfois ardus, de l’évêque devant Dieu pour paître son troupeau, le rapport se termine par les paroles du pape Benoît XVI aux évêques de France en 2008 au sujet de Summorum Pontificum :
« Je suis conscient de vos difficultés, mais je ne doute pas que, dans un délai raisonnable, vous pourrez trouver des solutions satisfaisantes pour tous, afin que le vêtement sans couture du Christ ne soit pas davantage déchiré. Tout le monde a sa place dans l’Eglise. Chaque personne, sans exception, doit pouvoir se sentir chez elle et jamais rejetée. Dieu, qui aime tous les hommes et toutes les femmes et ne veut pas qu’aucun se perde, nous confie cette mission en nous nommant bergers de ses brebis. Nous ne pouvons que le remercier pour l’honneur et la confiance qu’il nous accorde. Efforçons-nous donc d’être toujours des serviteurs de l’unité. »
Gardiens de la tradition ?
Cette évaluation globale a été mise au jour alors que l’archidiocèse de Detroit, aux Etats-Unis, venait de subir les dernières mesures restrictives en date prises par le Dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements chargé de faire respecter les normes de Traditionis Custodes.
En avril, l’archevêque du lieu qui venait de prendre possession de son siège, annonçait que la messe traditionnelle en latin ne serait plus autorisée dans les églises paroissiales à compter du 1er juillet 2025. Citant un rescrit du Vatican daté de 2023 et signé par cardinal Arthur Roche, préfet du Dicastère pour la discipline des sacrements, le dit archevêque informait ses prêtres que les évêques locaux n’auraient plus le pouvoir d’autoriser l’ancienne forme de la liturgie dans une église paroissiale.
Dans sa réponse à la dernière question du questionnaire en neuf points du Vatican, dont j’ai obtenu copie, l’ancien archevêque de Detroit, Allen Vigneron, offrait la synthèse de ce que la majorité des évêques avaient véritablement demandé selon le rapport officiel.
La question posée était la suivante : « Treize ans après le motu proprio Summorum Pontificum, quels seraient vos conseils au sujet de la forme extraordinaire du rite romain ? », Mgr Vigneron répondait :
« Je conseille de conserver la discipline et les normes établies par Summorum Pontificum, et de traiter les problèmes qui surviennent en appelant les prêtres et les fidèles à les respecter. Le motu proprio nous a une a offert une approche remarquablement efficace pour résoudre le conflit qui existait dans l’Eglise au sujet du statut de la forme extraordinaire. La discipline qu’il a mise en place porte beaucoup de fruits, en particulier dans la vie des fidèles et pour le rétablissement de la paix ecclésiale. Je ne doute pas un instant de la légitimité de la forme extraordinaire en tant qu’elle est extraordinaire. Ces célébrations offrent une expérience valable de la liturgie sacrée de l’Eglise tout en constituant un complément de la forme ordinaire. Elles ne constituent en aucune façon une menace pour la forme ordinaire établie après le Concile et elles apportent une richesse à l’Eglise dans sa diversité. De mon point de vue, Summorum Pontificum a été un succès remarquable. »
La justification morale de Traditionis Custodes a toujours été perçue comme fragile, compte tenu des fruits positifs que le rite romain traditionnel a produits, de sa popularité croissante, en particulier chez les jeunes, de son influence sur la famille en tant qu’« église domestique » et des vocations qu’il sait attirer. Cette mise au jour nouvelle de l’évaluation globale par la CDF de sa consultation des auprès des évêques au sujet de Summorum Pontificum jette un doute supplémentaire sur les fondements et la crédibilité de Traditionis Custodes.
Diane Montagna