Ça y est, un pays s’est doté d’un « ministre IA ». C’est un algorithme d’intelligence artificielle qui assume désormais un rôle de gouvernement en Albanie. Et pour que l’anthropomorphisme soit complet, ce ministre a reçu le nom de Diella, IA « féminine », donc, chargée de toutes les offres d’achats publics. L’annonce de son entrée en fonction a été faite par le Premier ministre Edi Rama lors de l’Assemblée du Parti Socialiste à Tirana jeudi dernier. « Diella est le premier membre qui n’est pas physiquement présent, mais qui a été créé virtuellement par l’intelligence artificielle », a-t-il déclaré, mettant à exécution une idée qu’il avait exprimée cet été. Rama avait suggéré qu’un jour, un ministre ou même un Premier ministre albanais, pourrait être numérique.
L’Albanie, réputée fort corrompue, sert ainsi de prétexte à l’externalisation du pouvoir public à l’intelligence artificielle.
Rama a déclaré que toutes les décisions relatives aux appels d’offres seraient prises « en dehors des ministères » et confiées à Diella, qui est « au service des marchés publics ». Il a ajouté que le processus se ferait « étape par étape », mais que l’Albanie deviendrait un pays où les appels d’offres publics seraient « 100 % incorruptibles et où chaque fonds public passant par la procédure d’appel d’offres serait 100 % lisible ». « Ce n’est pas de la science-fiction, mais le devoir de Diella », a-t-il déclaré.
« Diella », algorithme d’IA assimilé à une personne
Ladite « Diella » n’apparaît pas de nulle part. Il s’agit au contraire de la « promotion » d’un robot déjà bien connu des Albanais depuis le début de cette année puisqu’il s’agit de l’algorithme gérant la plateforme e-Albania, qui permet aux citoyens d’avoir accès à la quasi-totalité des services publics par voie numérique. On ne sait si cet assistant virtuel est aussi frustrant que la plupart de ses homologues.
Pour mieux faire passer la pilule de la déshumanisation, « Diella » – qui signifie « lumière du soleil » en albanais – a été dotée d’un avatar et apparaît comme une jeune femme portant le costume albanais traditionnel. Mondialisme oblige, cependant, les offres d’appel gérées par cette IA s’adresseront au monde entier et sont censés « détruire la peur des préjugés et la rigidité de l’administration ».
« Une » ministre IA en Albanie pour en finir avec la corruption
Est-il prudent de laisser ce type de fonction à une intelligence artificielle ? « Diella » a été construit en utilisant la technologie d’OpenAI et de Microsoft, dont les ratés sont à ce jour nombreux. Se pose aussi la question de la possibilité de pirater le système, la corruption ayant la particularité d’être ingénieuse et réactive.
On notera avant tout que cet algorithme n’est pas présenté comme un programme permettant de vérifier l’honnêteté et le bon respect des procédures d’un appel d’offres, mais comme un ministre à part entière et même comme « une » ministre. Une telle personnification de l’intelligence artificielle fait partie des nombreuses inquiétudes que devrait susciter l’externalisation de l’intelligence humaine. Et qu’il soit efficace ou non – et bien sûr promu au nom de la lutte contre un problème réel – le choix de l’administration socialiste albanaise est certainement annonciateur d’une tendance beaucoup plus large. Le Meilleur des mondes qui nous attend se détache de plus en plus de la réalité, et c’est un monde où l’on cède le pouvoir à l’IA sur un plateau. En attendant de remplacer l’homme lui-même…