Lors de son voyage en Turquie, le pape Léon XIV a rencontré à Nicée, pour le sept-centième anniversaire du Concile de Nicée, le patriarche de Constantinople Bartholomé premier. Ils ont signé ensemble à Constantinople-Istamboul une déclaration d’intention œcuménique soixante ans après que leurs prédécesseurs eurent levé les anathèmes réciproques entre les deux églises. Léon a insisté, notamment dans la lettre apostolique In unitate fidei, sur la valeur œcuménique du Concile de Nicée, rappelant que la divinité du Christ « consubstantiel au père » est le « lien profond » qui unit tous les chrétiens, et faisant de ce concile la source de l’œcuménisme. C’est à la fois vrai et (volontairement ?) un peu rapide. Si cela inclut bien les coptes et diverses églises éthiopiennes, érythréennes, syriaques ou arméniennes, cela exclut les Eglises des deux consuls, ces chrétiens qui ne reconnaissent que le premier concile de Nicée et le premier concile de Constantinople (en Inde notamment). Surtout, cela masque les vraies difficultés. En évitant de parler du Concile d’Ephèse, qui, pour mieux combattre l’arianisme précisa que la Vierge Marie était « mère de Dieu » (théotokos), et confirma la primauté des évêques de Rome. Cela provoqua le schisme de l’église de Perse. Léon XIV, qui a laissé publier un texte du cardinal Fernandez contre l’expression « Marie Co rédemptrice », cherche visiblement à arrondir les angles avec les protestants sur les deux points de la primauté du pape et de Marie Mère de Dieu. Quant aux orthodoxes, il entend les ménager aussi sur la question de la primauté de Rome. C’est la raison de ce retour à Nicée, tronc commun, ou, comme l’écrivait récemment Jeanne Smits, « facilitateur œcuménique ». Mais le patriarche Bartholomé Ier, dans son homélie prononcée à l’église patriarcale Saint Georges où il accueillait Léon, a marqué clairement les limites de cette méthode, dans une seule phrase enchâssée dans des flots de bonnes paroles : « Nous ne pouvons qu’espérer que des questions telles que le Filioque et l’infaillibilité (du pape, NDLR), actuellement examinées par la Commission, seront résolues de telle sorte que leur interprétation ne constitue plus un obstacle à la communion de nos Eglises. » De deux choses l’une, ou l’Eglise catholique abandonne la primauté de Rome et le filioque, ce qui n’est pas envisageable, ou l’œcuménisme restera pour les orthodoxes un vœu pieux. Autrement dit, « l’unité » des chrétiens restera réduite à un « common core », un seul Dieu, Père, fils ressuscité des morts (dont la nature ne semble pas très bien définie pour beaucoup de protestants – et même de catholiques – aujourd’hui), et Saint Esprit. C’est bien, mais c’est restreint. A moins que l’œcuménisme ne se définisse par ses objectifs mondains, la paix, l’égalité sociale, l’inclusion, l’écologie ?











