Comment le Nigeria a mis fin à l’épidémie d’Ebola

Nigeria fin epidemie Ebola
 
Le Nigeria a été officiellement déclaré libre de tout risque de transmission du virus Ebola par l’Organisation mondiale de la santé, lundi. Toutes les conditions étaient réunies pour que sa populeuse capitale – Lagos compte 21 millions d’âmes – ne devienne un foyer de diffusion de la fièvre hémorragique lorsqu’un premier cas a été déclaré le 23 juillet dernier. Après tout, cela fait presque autant d’habitants que la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone pris ensemble : une mégapole dans un pays pauvre exposée à une « poussée urbaine apocalyptique » du virus par son manque de moyens et l’entassement humain dans des conditions d’hygiène souvent effroyables.
 
En définitive, il a suffi d’un vrai sens de l’organisation.
 
Pourtant la situation était potentiellement très dangereuse : le malade, qui avait vomi dans l’avion l’amenant au Nigeria, puis dans le taxi le conduisant vers un hôpital privé, avait expliqué qu’il avait la malaria, niant qu’il eût approché des porteurs d’Ebola. On ne prit aucune précaution particulière : il y eut une dizaine de contaminations, et six morts, y compris le voyageur lui-même ainsi que l’homme qui l’avait conduit à l’hôpital. Un deuxième homme, proche de celui de Lagos, se révéla infecté à Port Harcourt, non sans avoir contaminé son médecin qui devait également mourir de la fièvre hémorragique.
 

Dépistage immédiat des contacts des porteurs d’Ebola

 
L’évaluation des parcours des deux hommes allait révéler que des centaines de personnes avaient pu être en contact avec eux pendant la phase contagieuse.
 
La réponse a consisté à créer des salles d’isolement dans quelques centres strictement voués à l’accueil des personnes infectées, le tout soutenu par un réseau de véhicules et de communications mobiles et le déblocage immédiat de fonds publics. Résultat : 100 % des contacts des malades à Lagos, 99,8 % à Port Harcourt furent rapidement identifiés et tous subirent des tests quotidiens jusqu’à la fin de la période d’incubation maximale, soit 21 jours. D’aucuns tentèrent d’échapper aux contrôles mais furent rapidement rattrapés – notamment par le jeu des écoutes téléphoniques autorisées par le président Goodluck Jonathan. En cas de test positif les patients étaient aussitôt isolés. Les informations sur les cas déclarés circulaient également en temps réel. Tout cela s’appuyait sur le réseau déjà mis en place pour éradiquer la polio : la technologie GPS est mise en œuvre au Nigeria pour assurer que chaque enfant soit effectivement vacciné contre ce virus.
 
C’est l’envers de la médaille : une réduction potentiellement drastique des libertés individuelles qui ouvre aussi la porte aux abus selon que la cause est juste ou non, l’objectif avouable ou non.
 
L’information sur le virus lui-même et sur les mesures d’hygiène à adopter a également circulé avec une forte implication des pouvoirs publics et des autorités religieuses et traditionnelles, Goodluck Jonathan apparaissant régulièrement dans les médias pour rassurer la population.
 

Fin de l’épidémie d’Ebola : ce que peut le Nigeria…

Il s’est désormais passé 42 jours – deux fois la période d’incubation maximale – depuis le dernier contact avec un cas confirmé ou probable – il y en a eu 19 en tout –, sans nouveau cas déclaré.
 
Le Nigeria possède un excellent laboratoire de virologie, qui a facilité le travail, mais cela n’a pas compensé les conditions extrêmement difficiles dans un pays aux infrastructures médicales souvent aussi rudimentaires que sont les siennes.
C’est en tout cas la preuve que, moyennant de la volonté et de l’organisation, la diffusion de la maladie est tout sauf une fatalité. « Si un pays comme le Nigeria, qui fait face à de graves problèmes de sécurité, peut le faire, n’importe quel pays au monde se trouvant devant un cas importé peut réduire la transmission à une poignée de cas », a déclaré Margaret Chan, directeur général de l’OMS.