Dans un rapport (en 24 propositions) sur les prisons remis mardi au Garde des sceaux, le député socialiste Dominique Raimbourg estime que le principe de la cellule individuelle pour tous les détenus pourrait être appliqué en 2022. Un principe qui a quelque retard à l’allumage puisque la loi l’a acté en… 1875. Le vicomte d’Haussonville qui, à l’époque, fut à l’initiative de ce texte, repose depuis longtemps en paix. Et si, sous l’autorité de Christiane Taubira, la chose se concrétise, ce ne sera peut-être pas du fait de l’aménagement des prisons, mais sous l’influence de la répugnance que le ministre éprouve à emprisonner les malfrats… Explication.
Le 10 novembre dernier donc, le Premier ministre a demandé au député de la Loire-Atlantique Dominique Raimbourg d’étudier la question, afin de rendre des propositions pour accompagner l’adoption d’un nouveau moratoire sans avoir à le reconduire. Compte tenu des circonstances politiques, le travail a plutôt été rapide…
Des prisons surpeuplées
D’autant que, sur le terrain, les difficultés ne manquent pas non plus. Du point de vue numérique d’abord, puisque, au 1er octobre dernier, la densité carcérale était de 114,5%. Ce qui signifie qu’il y a cent quatorze détenus pour cent places. Ensuite, du point de vue des prisons actuellement disponibles, qui comptent 40.857 cellules individuelles, 6.553 cellules doubles, et 2.271 cellules « collectives ». Au total, seuls 39,5 % de l’ensemble des prisonniers détenus en France bénéficient d’une cellule personnelle, puisque, à l’heure du décompte fait dans le rapport, il y avait, en France, 66.494 personnes détenues.
Dominique Raimbourg a donc fixé à l’horizon 2022 la perspective, non de parvenir à la totalité de cellules individuelles pour l’ensemble des détenus, mais pour relever le taux à 80%. « Ce n’est pas qu’une question de dignité, c’est aussi une question d’efficacité », affirme-t-il.
Pour y parvenir, il a fixé trois rapports d’étapes : en juin 2016, en juin 2019 et en octobre 2022 – c’est-à-dire à la date où « le strict respect de l’encellulement individuel devrait pourvoir être atteint », selon lui. Sans pour autant, précise-t-il, être pensé « comme un dogme ».
Taubira veut moins de détenus
Ça tombe bien, Christiane Taubira, qui aura sans doute cédé son ministère place Vendôme d’ici là, n’entend surtout pas faire un dogme de la prison – surtout lorsqu’il s’agit de délinquants et criminels de droit commun ; pour les adversaires politiques, la question n’est pas réglée… Aussi a-t-elle tranquillement déclaré : « Evidemment (sic !), ça va dépendre de l’ardeur avec laquelle chacun prend en charge sa part. »
Cet « évidemment » est une des plus belles litotes qui soient, lorsque l’on connaît l’ardeur mise à la besogne, par Christiane Taubira, en matière d’emprisonnement !
Aux termes de la réforme pénale adoptée cet été, en effet, il devrait y avoir quelque 4.000 détenus en moins sur trois ans. Et donc davantage de places disponibles.
Comme, dans le même temps, le nombre de places en prison devrait augmenter pour arriver à 66.700, l’équation ne se présente pas trop mal. Surtout si des petits malins proposent d’adopter, sur le sujet, un numerus clausus, comme s’il s’agissait de l’Ecole de médecine. A moins qu’il ne s’agisse d’élus particulièrement calés en latin…
Une cellule individuelle, ou les détenus attaqueront l’Etat en justice !
D’un autre point de vue, observe le rapporteur, on note que, en 2006, 16 % des détenus, alors interrogés par l’Observatoire international des prisons, disaient ne pas souhaiter être seuls en cellule. Il semble donc « adéquat, conclut-il, de prévoir que l’inscription dans la loi du principe de l’encellulement individuel offre la possibilité à chaque détenu, s’il en exprime officiellement le souhait, de surseoir à l’exercice de ce droit, de manière permanente ou temporaire pendant sa période d’incarcération ».
Reste la difficulté, pour le moment, de n’avoir pas reconduit le dernier moratoire, qui est arrivé à échéance le 25 novembre dernier. Car, selon sa propre loi, la France est dorénavant dans l’illégalité. Et il y a urgence. Si la question n’est pas réglée avant la fin de l’année, au 1er janvier prochain, tout détenu qui ne disposera pas d’une cellule individuelle sera en droit d’attaquer l’Etat en justice. On imagine volontiers qu’ils ne vont pas se priver !