La période des fêtes touche à sa fin, elle culminera cette nuit par le réveillon de la Saint Sylvestre pour s’éteindre doucement avec les galettes des rois républicaines et les vœux des politiciens. François Hollande présente dès aujourd’hui les siens à la Nation après lui avoir fait cadeau en guise d’étrennes d’un chômage et d’une dette en hausse, d’une croissance en berne et d’un déficit budgétaire non maîtrisé. Un rituel qui en dit long sur le peuple souverain et le président qui prétend le représenter.
 
Comme d’habitude, pendant que les médias multipliaient rétrospectives et bêtisiers entre deux vieux films, un certain nombre de SDF sont morts de froid, pendant que beaucoup de Français s’esquintaient le foie. Telle est dans notre démocratie vieillissante la « période des fêtes ». Des fêtes que les laïcistes entendent vider de toute signification chrétienne, comme ils l’ont montré en s’attaquant aux crèches, mais qui demeurent encore trop imprégnées de la nativité du Christ aux yeux des musulmans conséquents, comme l’a rappelé l’imam de la grande mosquée d’Echirolles en commandant à ses fidèles de ne pas s’associer aux chrétiens, juifs et athées qui célèbrent tant soit peu Noël. François Hollande, qui a l’oreille fine et la sensibilité républicaine chatouilleuse, a fait le service minimum lors du Noël de l’Elysée cette année, et l’une des fillettes qui étaient entrées sous les ors de la république les yeux pleins de paillettes en est ressortie penaude : le premier magistrat de France ne lui avait donné qu’une photo, un autographe et une poignée de main. Le père de la nation n’est pas le père Noël, et l’austérité vient se nicher jusque dans les étrennes qu’il dispense. Cela fait partie du côté Samaras de François Hollande, avec l’impopularité et l’inefficacité. Cette année encore, il n’aura tiré de sa hotte que chômage en hausse, croissance en baisse, dette et déficits.
 

Nos étrennes et nos vœux datent de 1565

 
Mais 2014 est mort, place à 2015. Ce soir à minuit il sera trop tard pour faire un don défiscalisé à votre association préférée : mille messages tous plus urgents les uns que les autres venus des quatre coins de l’Internet vous le rappellent, l’année civile finit, une autre commence aussitôt, sans discontinuité. Jamais nul grain de sable ne vient enrayer le grand sablier du temps, et parmi ses éternels retours figurent les vœux du président de la république française. Eternels ? Non. Chacun sait qu’avant Jules César l’année commençait au premier mars, mais plusieurs ont oublié que Charlemagne fêtait le jour de l’an à Noël et Philippe Auguste à Pâques. C’est depuis 1565 seulement, sous Charles IX, l’homme de la Saint Barthélémy, que l’année commence le premier janvier, et Saint Sylvestre est en fait le grand saint de la république. Nos rois avaient d’autres rituels pour marquer symboliquement le lien qui les unissait à leurs peuples. En dehors du Sacre et de leur mariage, il y avait d’une part les Entrées solennelles, et d’autres moments plus intimes et plus humbles, comme le lavement des pieds du Jeudi saint : ce serait un exercice intéressant que d’occuper nos énarques à laver les pieds de leurs sujets.
 
A défaut de soigner les écrouelles des Français (« Le roi te touche, Dieu te guérisse »), nos présidents ont dont pris pour habitude de présenter leurs vœux au premier de l’an. C’est l’une des traditions auxquelles la cinquième république demeure fidèle, avec les incendies de voitures, plus polluants que les feux dans les cheminées parisiennes, mais tellement plus conviviaux en banlieue. Occupés à ne pas se blesser en ouvrant les huîtres, plusieurs concitoyens seraient prêts à faire crédit à leur président de bonnes intentions, voire à lui donner une seconde chance, dans une sorte de grand pardon : les péchés et les injures de l’an aboli sont amnistiés au début de l’an qui vient. Les plus naïfs seraient même prêts à croire que les vœux pieux et les formules convenues que leurs oreilles entendent sont vraiment débités à leur intention, comme une sorte de politesse bienveillante. Il n’en est rien hélas. Les politiciens ne présentent leurs vœux que pour se présenter eux-mêmes, pour que l’électeur ne les oublie pas, pour affirmer ou améliorer leur image, polie par des armées de conseillers en communication. Cela navigue entre l’autojustification et la candidature permanente. Voici Bayrou qui se fait un devoir « d’optimisme » et larmoie « la France peut s’en sortir avec une démocratie nouvelle », dont il est naturellement l’une des pièces maîtresses : comediante ! Et Montebourg fait de la pub pour la petite entreprise qu’il est en train de lancer en renonçant à « la politique professionnelle » : tragediante !
 

François Hollande et la décadence : en avant, toute !

 
Quant à l’incontinent qui nous gouverne, à l’homme qui couvre Julie Gayet de croissants tout en jurant à Valérie Trierweiler qu’il ne se passe rien, il aura eu fort à faire pour préparer des vœux que les Français puissent entendre. Ses conseillers lui ont recommandé d’en dire le moins possible : muet, avec une chapka kazakhe sur le crâne, c’est ainsi qu’il aurait pu inspirer une sympathie optimale. Les hebdomadaires ont détaillé à longueur de pages son annus horribilis 2014, et le PC l’a montré dans une « vidéo avec trucage » jeté à bas d’une falaise par une jolie blonde frondeuse : ainsi le parti de Thorez, Duclos, Staline, Lénine et Trotski s’essaie-t-il à l’humour et à « l’humain ». Tout peut arriver. Cette étrange campagne préventive signifie bien sûr que pour l’opinion comme pour la presse le bilan est fait, la cause entendue : les vœux pieux que peut débiter François Hollande resteront sans incidence ni sur le cours des choses ni sur l’opinion des Français.
 
Elle signifie aussi que ni la gauche ni la droite ne croient à l’avenir de l’homme qui parle, et qu’elles le savent toutes deux réduit au gouvernement de la parole. Le politicien qui ne peut plus commander ni même exhorter efficacement s’en trouve réduit aux vœux. Elle signifie surtout que l’indignité de la personne a rejailli sur la fonction et que le rituel républicain des vœux ne fonctionne plus. Les Français se fichent de la petite chose qui parle à l’Elysée. Ils ne croient plus au temps des étrennes que chantait Rimbaud. Et cela abaisse encore un peu plus le président et l’Etat. Notre confrère Le Figaro notait que, depuis le général De Gaulle, l’allocution du premier de l’an perd sans cesse en substance et en tenue. Encore acceptable sous Pompidou et Giscard, elle est tombée avec Chirac dans le trente-sixième dessous. Mais l’une des chances des époques de décadence, c’est qu’on ne touche jamais vraiment le fond. Avec François Hollande, la France avance.