La violence sanglante et aveugle qui a frappé la région parisienne en ce début d’année trouve-t-elle son contrepoids dans les prisons ? La question peut se poser, à l’heure où nombre de surveillants pénitentiaires préviennent des risques d’une radicalisation des prisonniers musulmans. Il faudrait, nous explique-t-on, augmenter le nombre des aumôniers attachés à l’islam. Mais il n’est pas certain que le remède soit efficace…
« Ils ont crié “Allah Akbar” pendant deux jours. On a aussi eu des menaces : “Si ça t’a pas suffi, à la sortie, on va faire comme les frères Kouachi”. » Ce témoignage d’un surveillant pénitentiaire n’est – malheureusement – pas unique. Depuis le début de l’année, les prisons françaises, à proportion sans doute de la présence musulman en leur sein, retentissent des cris de victoire qui ont accompagné les violences sanglantes, menées au nom du « prophète » Mahomet, par les frères Kouachi ou Amedy Coulibaly.
La prison face à la radicalisation
Emmanuel Guimaraes, surveillant pénitentiaire et syndiqué FO, qui pointe dans ces revendications « le rejet de l’autorité et des valeurs de la République », reconnaît cependant que ce discours n’est pas nouveau. Si l’actualité le favorise – les détenus suivant les informations comme tout le monde… –, le propos est habituel, sur fond de tensions et de prosélytisme. Tant pis pour le détenu qui fume ou écoute de la musique. Tout est fait pour pousser le nouveau venu à lire le Coran, se raser la tête, se laisser pousser la barbe, écouter l’appel à la prière…
Lorsque le premier ministre, la semaine dernière, annonce le renforcement des effectifs, il ne dit pas autre chose que ce que sous-entendent ces témoignages : la proportion de prisonniers musulmans, d’origine ou par conversion, est énorme.
Environ un détenu sur quatre observerait ainsi le jeûne musulman dans les prisons françaises, nous explique-t-on. C’est énorme ! Plus encore, si l’on en croit le rapport rendu à l’automne dernier par un parlementaire qui évoquait une population carcérale à 60% musulmane, ou de culture musulman. « La plupart se convertissent pour avoir la paix », précise-t-on toutefois de source pénitentiaire. Peut-être ! Mais, même si quelques centaines seulement se laissent tenter par la radicalisation, cela demeure on ne peut plus inquiétant. Les événements sanglants du début de l’année n’ont pas été le fait de seulement trois personnes ?
La « solution » des aumôniers musulmans
La solution préconisée ? L’augmentation des aumôniers musulmans. Pas ceux qui s’autoproclament tels. Mais ceux formés, reconnus, pour devenir « référent musulman » – et qui sont encore trop peu nombreux à « diffuser un islam éclairé », comme écrit on ne sait trop quel scribouillard du ministère de la Justice.
On peut douter que cela change quoi que ce soit à la situation. La reconnaissance officielle du statut d’imam n’est en effet guère une garantie, si l’on veut bien se rappeler le nombre d’imams qui ont été reconduits à la frontière, ces dernières années, pour avoir contrevenu, par leur enseignement radical, aux lois françaises.
En outre, la présence ponctuelle d’hommes de prière auprès des prisonniers ne saurait empêcher la radicalisation de ceux qui sont pris dans cette spirale. Les aumôniers musulmans le reconnaissent eux-mêmes : face au nombre, ils ne font pas le poids. D’autant que, lorsqu’on prétend que les radicaux ne sont pas nombreux, Mohamed Loueslati, aumônier musulman dans l’ouest de la France depuis quinze ans, évoque, lui, « un tsunami de radicalisation » !
Les questions que l’on ne pose pas…
Enfin, tout ce discours ne répond pas, bien au contraire, aux questions qui se posent, et que les autorités françaises semblent occulter. A commencer par se demander pourquoi les sectateurs de l’islam sont si nombreux en prison. Ou ce que dit réellement le Coran sur la violence que l’on nous affirme, officiellement, être absente de l’islam.
Tout cela ne peut que rendre sceptique, lorsque l’on entend Sarah Dindo, responsable des publications à l’Observatoire internationale des prisons, affirmer, à propos de l’exercice du culte musulman dans les prisons : « Il n’y a pas forcément la place, et ils peuvent être dérangés pendant leur prière par un codétenu ou un surveillant. Il est clair que les musulmans ont plus de difficultés à exercer leur culte en prison que les détenus des autres grandes confessions. Tout cela crée chez eux un sentiment d’injustice, de mépris face à leur religion. »
Plus de difficulté pour quoi ? Pour disposer un tapis de prière ? Il est vrai qu’une calotte ou un chapelet prennent moins de place…