Les collectivités et les exploitants d’éoliennes sont en colère : mardi, le Sénat a amendé le projet de loi d’orientation énergétique en portant à un kilomètre la distance entre éoliennes et habitations. Cette mesure de protection des habitants vis-à-vis des nuisances sonores et des effets néfastes pour la santé représente d’abord pour eux un manque à gagner. En faisant passer la distance obligatoire entre les bruyantes turbines et les maisons de 500 à 1000 mètres, les sénateurs touchent à des intérêts bien établis.
La filière éolienne et la distance des 1000 mètres
La levée de boucliers a déjà commencé. La Bretagne, déjà défigurée par les éoliennes qui poussent comme de la mauvaise herbe, pourrait bien voir un arrêt quasi total des nouvelles implantations si l’amendement est définitivement adopté à la suite de la deuxième lecture du projet par l’Assemblée nationale d’ici à l’été. Pierrick Massiot, président socialiste de la région, a publié un communiqué virulent :
« Le Sénat, qui n’a pas peur des contradictions, propose un objectif très ambitieux de développement des énergies renouvelables tout en prohibant l’installation de nouvelles éoliennes. Il grève la capacité des territoires, dont il se veut le représentant, à s’engager dans la transition énergétique. En Bretagne, où l’habitat est très dispersé, les éoliennes ne pourront être installées que sur 0,8% du territoire ! Aujourd’hui, le texte condamne la filière éolienne française à une mort certaine. Il faut que la commission mixte paritaire, qui se réunira le 10 mars, se saisisse prioritairement de ce sujet et donne le ton de nos ambitions pour la Conférence Paris Climat de décembre. »
90% des projets d’éoliennes menacés par l’amendement du Sénat
Et du côté des industriels, c’est la même consternation. Le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), Jean-Louis Bal, estime que l’amendement aurait des conséquences importantes : « Ce serait un sévère coup d’arrêt pour notre activité car plus de 90% des projets d’éoliennes se situent dans un périmètre inférieur à un kilomètre. »
Les personnes qui vivent à proximité des éoliennes savent à quel point leur vie quotidienne est perturbée par le bruit sourd, lancinant, obsédant des pales sous le vent. C’est vrai à 500 mètres, mais aussi à 750 ou 850 mètres de turbines, comme en témoignent de nombreux riverains. Et encore n’entendent-ils pas les infrasons qui ont des effets délétères démontrés sur l’ouïe. On connaît aussi le cortège d’ennuis de santé auxquels ils sont exposés : troubles du sommeil, anxiété, dépression, maux de têtes, troubles du rythme cardiaque…
Balivernes, répond en substance Siemens, fabriquant. Il paraît que la technologie des éoliennes a évolué : les pales sont plus fines, l’aérodynamique est meilleure, les limites sonores « très strictes » sont respectées. On suppose que ses représentants n’ont pas d’éolienne à proximité de leur domicile.
La distance obligatoire de 500 mètres entre habitations et éoliennes est-elle respectée ?
L’expérience prouve en effet que la protection qu’assure la limite de 500 mètres est toute relative. Et d’ailleurs la limite est-elle respectée ? Une rapide vérification sur Google Maps – un simple clic droit permet de mesurer la distance à vol d’oiseau entre deux points – permet à chacun de constater que ce n’est pas toujours le cas. Ce n’est pas pour autant qu’on démontera les mâts… Portée à 1.000 mètres, la distance « tampon » obligatoire ne profitera ni aux voisins d’éoliennes trop proches à l’aune de la réglementation actuelle, ni à plus forte raison à ceux d’éoliennes déjà érigées dans une zone de 500 à 1000 mètres des maisons les plus proches.
Mais l’amendement des sénateurs sur les éoliennes constitue tout de même un important bâton dans les roues des industriels et des collectivités locales qui en tirent profit. Attendons-nous à un intense lobbying de leur part d’ici à la tenue de la commission mixte paritaire qui devra sans doute statuer sur l’amendement.