Le mondialisme ne s’exprime pas seulement dans les échanges commerciaux, la division globale du travail et la « gouvernance » politique : depuis des décennies, et peut-être même de façon prioritaire, il s’impose à travers l’éducation. C’est toute l’œuvre de l’UNESCO, qui lutte pour l’accès de chacun à l’instruction – louable effort – mais qui sous ces apparences impose aussi bien les contenus que les méthodes d’un endoctrinement parfaitement assumé. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture vient de publier son rapport 2015 sur l’« EPT », l’éducation pour tous, pour rendre compte des progrès de son emprise.
La publication reste discrète quant aux objectifs idéologiques poursuivis, même s’ils pointent ici ou là. Mais elle en dit assez pour comprendre et pour confirmer que l’UNESCO n’a pas renoncé à son idée première : faire disparaître ou soumettre les systèmes de croyances traditionnels et rendre les jeunes plus « autonomes » face à la culture parentale pour promouvoir la « paix dans le monde » et l’entente entre les peuples. De nombreux documents onusiens, et particulièrement ceux émanant de cette division culturelle de l’ONU, ont insisté sur l’idée que les religions sont responsables des guerres et des conflits.
L’éducation pour tous selon l’UNESCO : une manière de rejeter l’autorité traditionnelle
Quoi qu’il en soit, pour obtenir une large adhésion idéologique au projet d’abolir les frontières et de contester les « croyances » (et la morale) traditionnelles, le plus simple est en effet d’en persuader les jeunes en leur instillant une mentalité qui s’affranchisse de celle de leurs éducateurs traditionnels. Ce sont des idées que l’on retrouve dans les documents de nombreux « ministères de l’Education », et il faut bien dire qu’elles sont vieilles comme Platon. En France, elles ont cours aussi bien à droite qu’à gauche, comme le constatera quiconque s’intéresse aux productions de nos ministres successifs…
Pour atteindre ces objectifs, le mieux est de s’y prendre tôt. C’est ce que révèle sans ambiguïté le rapport 2015 qui annonce l’un des plus gros succès revendiqués pour l’EPT par l’UNESCO : « En 2012, au niveau international, 184 millions d’enfants étaient scolarisés dans l’enseignement préprimaire, soit une progression de près de deux tiers par rapport à 1999. »
Préprimaire : il s’agit de la scolarisation des enfants de 4 et 5 ans, obligatoire, se réjouit le rapport, « dans 40 pays en 2014 ». Ce n’est pas le cas en France, par exemple, où les parents peuvent (encore) choisir librement de scolariser ou non leurs enfants en petite, moyenne ou grande section, ce qui conserve au demeurant une plus grande liberté de l’enseignement pour ces tranches d’âge. Ce n’est pas sans importance lorsqu’on songe que ce sont ces années qui sont souvent mises à profit pour installer les mauvais mécanismes de lecture résultant de l’apprentissage global, endémique dans les structures publiques à travers le monde…
Le rapport de l’UNESCO sur l’accès à l’EPT veut voir le cycle de la maternelle devenir obligatoire
Pour l’UNESCO, « il faut au moins une année d’enseignement préprimaire obligatoire pour tous les enfants » : cela indique la volonté claire de l’organisation supranationale d’augmenter l’ingérence publique dans la vie des familles.
Et pour que la boucle soit bouclée, l’UNESCO laisse entendre que les structures « préprimaires » privées ne sont vraiment pas la solution. Il ne s’agirait pas que les parents choisissent ! Le rapport note parmi les « progrès inégaux » le fait que « le nombre d’enfants fréquentant un établissement préscolaire privé est en augmentation depuis 1999 ». C’est une situation doublement malheureuse, selon le rapport : d’une part elle montre que les plus riches peuvent choisir des structures auxquelles les plus pauvres n’ont pas accès, et de l’autre elle est le signe que dans des zones plus pauvres, abandonnées par les pouvoirs publics, des structures privées certes peu chères mais de mauvaise qualité fleurissent. En dehors du contrôle pointilleux de l’Etat… Il faut avant tout « combattre les inégalités » !
Alors même que la scolarisation dans le primaire progresse dans le monde – les objectifs de l’UNESCO sont remplis dans un tiers des pays, note le rapport – ce n’est pas pour autant que l’école remplit son rôle propre. C’est Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO qui le reconnaît dans sa brève introduction : « Dans l’ensemble, la mauvaise qualité de l’apprentissage au niveau primaire fait que des millions d’enfants quittent l’école sans avoir acquis les compétences fondamentales », écrit cette femme politique bulgare, issue de la Nomenklatura communiste et ancien cadre du parti socialiste bulgare qui reprit le flambeau du parti communiste après la chute du Mur de Berlin…
L’éducation globale pour tous selon l’UNESCO, dans tous les sens du terme
Voilà un constat que l’on ne fait que trop souvent en France, où l’adhésion des autorités éducatives d’Etat aux « valeurs » onusiennes est entière, et où les programmes de l’enseignement sont dictés par l’Etat aussi bien pour l’enseignement public que pour l’enseignement privé subventionné.
Pour autant la centralisation ne « leur » suffit pas.
On peut lire cette critique de l’enseignement libre (et donc cette contestation du droit propre aux parents) à la fin du rapport : « La scolarisation privée a proliféré depuis 2000. Les élèves des écoles privées obtiennent souvent de meilleurs résultats que ceux des écoles publiques aux évaluations de l’apprentissage, sans doute parce que les établissements privés sont généralement fréquentés par des enfants de milieux plus favorisés. Ce sont les élèves plus riches et plus capables et les écoles disposant de meilleurs réseaux qui retirent le plus d’avantages, alors que les établissements publics servent de plus en plus à accueillir les populations défavorisées. Les données disponibles n’indiquent guère que les écoles privées offrent des façons novatrices d’améliorer la qualité de l’éducation. En réalité, les établissements publics ont sans doute plus de latitude pour innover en matière de curriculum, tandis que les établissements privés doivent répondre aux exigences des parents qui attendent de bons résultats aux examens. »
En termes à peine voilés, on y constate une critique véritablement marxiste de l’enseignement choisi et payé par les parents, sa moindre accessibilité à l’ingénierie sociale, l’indifférence profonde de l’UNESCO par rapport à l’instruction et à son efficacité : l’important, ce sont les « idées novatrices ».
La mondialisation de l’enseignement n’a que faire de l’enseignement libre
Ailleurs dans le rapport, on note : « Les écoles confessionnelles comblent une niche pour de nombreux parents. En Afghanistan, au Bangladesh, en Indonésie et au Pakistan, les écoles islamiques (madrasas) ont longtemps joué un rôle important auprès des groupes défavorisés en leur dispensant un enseignement. En Amérique latine, le réseau jésuite Fe y Alegría a permis de scolariser plus d’un million d’enfants supplémentaires dans 17 pays. » Islam et christianisme, même combat – l’UNESCO ne les rejette pas d’emblée mais plaide constamment pour la « suppression des frais de scolarité » ce qui est une manière nette de promouvoir le contrôle étatique, dans son optique. Il faut bien comprendre en effet qu’elle ne soutient pas l’idée d’un « chèque scolaire » qui assure l’exercice concret de la liberté de choix propre aux parents, mais une unification qui se traduit par ses directives en matière d’enseignement.
« Developpement durable », « parité », « égalité des sexes » (il faut au besoin modifier manuels et pédagogies !) ,« réduction des inégalités », « éducation complète à la sexualité », généralisation des TIC » (technologies de l’information et de la communication dans l’éducation), sensibilisation au réchauffement climatique, au sida : l’UNESCO est en pointe dans la définition et la communication des nouveaux dogmes dont elle impose l’enseignement aussi largement qu’elle le peut.
UNESCO : mondialiser les compétences socioaffectives et l’engagement civique
Lisez attentivement la citation qui suit : « Les compétences socioaffectives peuvent être acquises grâce à des expériences scolaires positives et s’avérer aussi importantes que les compétences cognitives pour obtenir de bons débouchés professionnels. Le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC) de l’OCDE et l’étude en cours de la Banque mondiale sur les compétences au service de l’emploi et de la productivité (STEP) sont deux procédés de mesure directe des compétences générales et spécialisées. Leurs résultats peuvent, et devraient, être utilisés pour répondre à une question fondamentale en déterminant en quoi différents types d’enseignement contribuent aux compétences et à l’apprentissage, et dans quelle mesure ces compétences ont un effet positif sur les perspectives d’emploi et l’engagement civique d’un individu. »
Les « compétences socioaffectives » et l’effet positif sur « l’engagement civique de l’individu » que la scolarisation selon les normes de l’UNESCO doit produire en disent long, quoique discrètement, sur les buts poursuivis.
Le plus révélateur pour la fin : loin de promouvoir une progression libre et multiforme de l’accès à l’instruction, conforme au génie de chaque pays et à la volonté et aux droits propres des parents, l’UNESCO verrait bien tout cela unifié de manière globale. Elle regrette ainsi « l’absence d’une architecture mondiale de l’aide » qui selon elle « fait obstacle à une coordination efficace des donateurs ».
« Une coordination mondiale permettrait aux donateurs de l’éducation de pouvoir allouer l’aide là où le besoin se fait le plus sentir. Mais les mécanismes actuels aux niveaux mondial et national ne semblent pas avoir été d’une grande aide », précise le rapport de l’UNESCO. C’est l’affirmation nette d’une volonté de captation mondialiste d’au moins une partie des fonds qui servent à la mise en place de l’instruction, pour mieux l’unifier – dans son sens.
Anne Dolhein