Dans une tribune donnée au Monde, le premier ministre grec, qu’on n’avait guère entendu ces derniers temps, et qui laissait plutôt s’exprimer son ministre des Finances, semble décidé à prendre le taureau européen par les cornes. Devant l’état actuel de la Grèce, Alexis Tsipras n’y va pas par quatre chemins : il dénonce l’intransigeance de l’Union européenne et de ses créanciers internationaux face aux volontés de réformes manifestées par son gouvernement, et déclare qu’il n’ira pas plus loin.
D’emblée, Alexis Tsipras dénonce la situation qui était celle de la Grèce quand, au moins de janvier, ses compatriotes ont décidé de le porter au pouvoir. Il dénonce les erreurs passées, celles du « cercle vicieux d’austérité et de récession », soulignant la responsabilité de l’Union européenne en la matière, et les résultats catastrophiques qu’elles ont provoqués dans son pays, tant au niveau économique que sur le plan social.
Contre l’intransigeance européenne
Alexis Tsipras souligne ensuite, assez longuement, toutes les propositions de réformes formulées par son gouvernement afin de parvenir à un accord qui, non seulement mettrait fin aux difficultés de son pays, mais en outre marquerait « la fin de la crise économique européenne qui a éclaté il y a sept ans, en mettant fin au cycle de l’incertitude pour la zone euro ».
Il faut noter, comme cela a déjà pu être fait, que la politique préconisée par Alexis Tsipras est loin d’être une politique d’équilibre, tant pour son pays que pour l’ensemble de ses partenaires. C’est assurément une politique de gauche, plus à gauche que ce que nous pouvons connaître déjà dans bien des pays européens, notamment en ce qui concerne l’économie, et la question de l’immigration. Qui plus est, il convient de noter que le premier ministre grec songe à bien des choses, mais certainement pas à renverser l’Union européenne ; ou à la quitter.
Mais il ne s’agit pas, pour l’heure, de juger d’une politique qui d’ailleurs n’a pas encore été mise en œuvre, mais bien de souligner combien Bruxelles et ses séides constituent un carcan pour les pays qui se sont mis sous sa coupe.
Si l’Union européenne et les créanciers internationaux tels que le FMI n’adhèrent pas aux propositions grecques, ce n’est pas pour des raisons politiques, mais bien parce que Athènes se refuse, en l’état actuel, à rembourser des sommes dont la simple énumération montre que ce serait couler définitivement le pays que d’envisager de le faire.
La Grèce d’Alexis Tsipras n’a rien à se reprocher
Alexis Tsipras le dit clairement : « (…) si nous ne sommes pas encore arrivés à un accord avec nos partenaires, ce n’est pas à cause de notre intransigeance ou de positions incompréhensibles. Cela serait plutôt à cause de l’obsession de certains représentants institutionnels qui insistent sur des solutions déraisonnables en se montrant indifférents à l’égard du résultat démocratique des récentes élections législatives en Grèce ainsi qu’à l’égard des positions d’institutions européennes et internationales qui se disent prêtes à faire preuve de flexibilité pour respecter le verdict des urnes ».
En fait, le premier ministre grec met face à face deux visions européennes différentes. L’une, qui voit l’unité entre des pays égaux ; l’autre qui voit une Union européenne, et surtout une zone euro, à deux vitesses. Il va de soi qu’Alexis Tsipras se prononce en faveur de la première formule, la seconde étant l’apanage de pays qui, comme l’Allemagne, refusent de payer indéfiniment pour les autres.
Idéologie contre réalisme
Il est clair que la première vision correspond à l’idéologie, quand la seconde essaye de s’ancrer dans le réalisme.
Mais il est tout aussi clair que réalisme et idéologie ne peuvent s’accorder. Pour Alexis Tsipras, « la décision repose, non plus entre les mains des institutions qui, à l’exception de la Commission européenne, ne sont pas élues et qui ne rendent pas des comptes aux peuples, mais entre les mains des leaders de l’Europe ».
Si ceux-ci, par leur côté national, sont enclins à tenir davantage compte de la réalité, ils ont souvent prouvé cependant qu’ils étaient inféodés à l’idéologie.
La question est donc plus vaste que ne le dit le premier ministre grec. Elle consiste à savoir qui, des tenants de l’idéologie ou de ceux du réalisme, va l’emporter. En détruisant, nécessairement, le camp adverse…
François le Luc