Plus d’argent, plus d’hommes, plus de ressources, plus de bases… Mercredi, à Bruxelles, les 28 pays membres de l’Otan ont adopté de nouvelles dispositions pour renforcer la défense collective de dissuasion de l’Alliance… à l’Est. Officiellement née de la crise ukrainienne et de l’annexion de la Crimée, cette stratégie renforcée doit signifier à la Russie l’interdiction de toute initiative militaire dans les pays baltes. Et d’une manière plus générale – et moins médiatique – son isolement sur la scène géopolitique européenne. Les Etats-Unis veillent…
OTAN : « En cas d’attaque, d’où qu’elle vienne »…
« Une dissuasion et une défense efficace exigent une présence avancée des forces de l’Alliance, et notre capacité de les renforcer rapidement, si nécessaire », a expliqué le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. « Ceci est un signal fort de l’unité de l’Alliance […] En cas d’attaque, d’où qu’elle vienne, tous les Alliés répondront ».
Le but sera de pouvoir déployer rapidement des forces terrestres, aériennes et navales dans les régions menacées : pour ce faire, on renforcera une présence multinationale « tournante et soutenue par un programme d’exercices », sans oublier « la logistique et l’infrastructure nécessaire » (installations d’entrepôts, dépôts d’équipements et de matériels).
Il a été également convenu de tripler les effectifs de la force de réaction rapide (40.000 hommes au lieu de 13.000) et de créer en sus une force d’intervention encore plus réactive, opérationnelle en quelques jours, forte de 5.000 hommes et dotée d’un appui aérien et naval, la « Spearhead Force ». Six mini-quartiers généraux avaient déjà été activés dans les pays alliés à l’est : deux supplémentaires sont en phase de l’être. A terme, l’Otan comptera un millier de soldats en Lituanie, Lettonie, Estonie, Pologne, Bulgarie et Roumanie.
Discours justificateur sur l’Ukraine
C’est assurément une réponse à « l’ours » russe. Le ministre britannique de la Défense qui a annoncé le doublement de ses déploiements dans le cadre de l’OTAN, a tout de go parlé d’« un message fort à nos ennemis »…
L’annexion de la Crimée par Moscou, en mars 2014, et sa « participation » – pourtant moins avérée que l’américaine – à la crise ukrainienne sont encore des arguments phare. Il faut à l’OTAN réassurer ses pays membres. Des mesures avaient déjà été prises sur les deux dernières années, mais les pays baltes demandent davantage, affirme-t-on.
De plus, d’après le tout récent rapport annuel de l’International Institute for Strategic Studies, la Russie aurait renforcé ses moyens dans la région de la Baltique, un déploiement de capacités « dans ses districts militaires de l’Ouest qui peuvent entraver l’accès et la liberté de manœuvre ».
Il fallait faire plus…
Une nouvelle stratégie de l’Alliance à l’Est ?
Aujourd’hui vendredi, Jens Stoltenberg devait rencontrer à Munich le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, pour lui assurer qu’il ne s’agissait que de mesures défensives, de « dissuasion ».
Mais Moscou ne l’entend pas de cette oreille, vivant ce « stationnement permanent » de forces de combat alliées à sa frontière, comme une provocation enfreignant largement l’Acte fondateur Otan-Russie, signé en 1997. Sergueï Lavrov dénonce une « rhétorique belliqueuse » : « Il y a vingt-cinq ans, le mur de Berlin est tombé, mais la division de l’Europe n’a pas été surmontée, des murs invisibles ont simplement été déplacés vers l’Est ». La porte-parole de la diplomatie russe, a déclaré, mercredi, que la décision de l’OTAN d’augmenter ses déploiements en Europe de l’Est, afin de restreindre la marge de manœuvre de la Russie, déstabiliserait la région.
Début octobre 2015, l’ambassadeur russe auprès de l’Alliance avait déjà indiqué que Moscou ferait tout ce qui est nécessaire pour préserver l’équilibre des forces militaires en Europe : l’ambassadeur russe à l’OSCE a parlé, il y a quelques jours, de « mesures de compensation ».
« Dissuasion » à destination de la Russie
D’autant que ce n’est pas tout. La semaine dernière, le chef du Pentagone, Ashton Carter, a annoncé que les Etats-Unis allaient quadrupler le programme d’aide à leurs alliés européens en 2017 « en réponse à l’agression russe en Europe de l’Est et dans le monde entier ». Soit un budget de 3,4 milliards de dollars pour 2017.
« Cela ne ressemblera pas à ce qui se passait au temps de la Guerre froide mais constituera quand même une sérieuse dissuasion », a commenté Ashton Carter, qui a souligné en même temps la nécessité pour tous les États membres de l’Otan de contribuer à ce financement.
Etats-unis : la doctrine de la « réassurance »
Autrement dit les Etats-Unis veulent « réassurer » tout le monde, en Europe. Les think thank américains diffusent d’ailleurs, à bon escient, des scénarios catastrophes selon lesquels il faudrait à peine trois jours, voire 24h, pour que l’armée russe envahisse les pays baltes… Même la Suède a cédé à la peur en remilitarisant une ancienne base stratégique de la Guerre Froide, située sur l’île de Gotland, à quelques kilomètres de ses côtes…
La stratégie demeure étonnante en ce qu’elle s’oppose, apparemment, au nécessaire « travail avec la Russie » appuyé par Kerry dans le conflit syrien. Moscou a, de plus, été un allié non négligeable dans le dossier iranien.
Mais ce faisant, les États-Unis continuent de couper plus profondément les relations des anciennes républiques socialistes soviétiques avec leur puissant voisin. En parfaisant également la rupture avec l’Europe de l’Ouest. Et d’ores et déjà, est justifiée le caractère offensif de toute réaction russe.