Lundi prochain, 25 avril, le bénédictin Anselm Grün prononcera une conférence au séminaire métropolitain de Buenos Aires en Argentine. Le P. Grün est connu pour ses thèses hétérodoxes, notamment à propos du caractère peccamineux des relations homosexuelles. Il les justifie dans le cadre d’une théologie parfaitement moderniste à la sauce psychanalytique. Prédicateur à succès, le P. Grün fait actuellement une tournée dans le continent latino-américain qui l’a déjà mené au Chili pour y prêcher la « miséricorde » – et surtout le bien-être.
Le moine allemand est entré dans l’abbaye bénédictine de Münsterschwarzach à l’âge de 19 ans. Connu dans le monde entier – ou plutôt, dans le monde du catholicisme moderne – il fait partie de ce courant qui lie foi et psychologie, vie spirituelle et techniques thérapeutiques plus ou moins dangereuses dont les méfaits sont si nombreux. Et pas seulement dans le monde moderniste…
Anselm Grün, le bénédictin à la mode qui justifie les relations homosexuelles
Pour camper le personnage, on peut citer cette réponse qu’il a livrée au magazine Psychologies, elle dit tout :
« Jusqu’à l’âge de 24 ans c’était plutôt la philosophie qui m’intéressait, notamment Heidegger, Sartre… mais en 1968, nous avons traversé une période de crise existentielle dans l’abbaye. Les rituels étaient comme vidés de leurs sens, tout semblait démodé. Moi même je traversais une crise émotionnelle. Je me posais des questions sur ces études, ce chemin intellectuel qui m’était imposé. Il me fallait faire preuve de volonté, de rationalité alors que j’étais pris dans une amitié particulière avec une femme. C’est pour cela que je me suis intéressé à la dynamique de groupe, et aux liens entre psychologie et spiritualité, notamment Jung. Puis j’ai entendu parler de Graf Dürckheim et suis allé faire une série de séjours de trois semaines dans son centre de la Forêt Noire. On y pratiquait la méditation, les activités artistiques et des exercices corporels, la relaxation… »
Graf Dürckheim propose une spiritualité orientale « occidentalisée » pour sortir du « malaise existentiel » de l’Occident « matérialiste ».
Adulé en Amérique latine, Anselm Grün fait une session au séminaire de Buenos Aires
Depuis cette date, le P. Grün est devenu un auteur prolifique, distribué dans toutes les « bonnes librairies catholiques ». Sa tournée en Amérique du Sud – activité récurrente chez ce bénédictin tout sauf reclus – est organisée cette année notamment par les éditions paulistes San Pablo, et d’autres groupes et éditeurs catholiques.
Sa venue dans un séminaire catholique est un scandale en soi. Car il ne s’agit plus de parler à des catholiques un peu déboussolés qui s’accrochent à un gourou du développement personnel, mais d’enseigner ceux qui vont avoir bientôt charge d’âmes et de leur transmettre un message clairement hétérodoxe.
Cela fait pourtant un bon moment que des autorités catholiques mettent en garde contre le psychologisme jungien du P. Grün. Le jésuite uruguayen Horacio Bojorge l’accuse ainsi de « réduire le message révélé des Saintes Ecritures : d’abord parce qu’il interprète en l’accommodant, ensuite parce que, par le biais de ce sens non biblique, il le réduit à des affirmations d’ordre psychologique, faisant ainsi de l’Évangile un livre d’auto-assistance ». Grün se situe ainsi dans la lignée d’Eugen Drewermann, prêtre catholique suspens a divinis pour cause d’enseignements contraires à la foi catholique.
A la croisée des religions orientales, de la gnose et du catholicisme
Le P. Grün fait également partie de ce courant qui cherche à se rapprocher des religiosités orientales. Il enseigne la méditation, mais c’est la méditation zen.
S’opposer à un personnage aussi médiatique n’est pas facile. En 2012, il faisait une tournée en Colombie, avec l’approbation de la conférence épiscopale colombienne elle-même. Le père dominicain Nelson Medina, visiblement affolé à l’idée de devoir s’opposer à la hiérarchie, s’estima pourtant moralement obligé de recommander publiquement aux catholiques de ne pas assister aux conférences du P. Grün.
Il notait notamment le caractère néfaste de l’influence d’un prédicateur qui affirme : « Nous devons éviter de considérer l’homosexualité comme un péché. » Le père Medina note également que dans l’ensemble de l’œuvre du P. Grün, il y a beaucoup de références à Jung sans aucune distanciation par rapport à ses positions panthéistes. Et gnostiques, note le P. Medina : « Le Christ n’est pas important, ni sa chair, ni son histoire, ni son sacrifice : il importe qu’il y ait une idée (une gnose, en fait) qui nous inspire, qui nous calme, qui nous pousse à œuvrer. C’est exactement ce que propose Grün. L’idée suffit. Si l’idée est efficace pour ta thérapie, cela suffit. »
A pareille époque, l’archevêque de la Plata, Mgr Hector Aguer, avait lui aussi mis en garde contre le « très pernicieux » Anselm Grün, chez qui il avait trouvé l’écho de la culture New Age. L’évêque argentin indiquait alors que toute la spiritualité diffusée par Grün est basée sur les théories de la psychanalyse de Carl Jung, à forte connotation gnostique. Mgr Aguer avait qualifié le travail du moine bénédictin d’« espèce de transcription pseudo spirituelle de la symbologie de Jung ». « Cela va mal se terminer », disait-il alors.
Le voici qui prêche désormais dans le séminaire du diocèse voisin de celui de Mgr Aguer.
Les hispanophones trouveront ici, sous le chapitre « Teólogos disidentes », des critiques très argumentées de la spiritualité d’Anselm Grün.