Dans une décision prise par 5 voix contre 3, les juges de la Cour suprême des Etats-Unis ont annulé lundi le jugement d’une cour d’appel fédérale qui avait confirmé la loi HB2 de 2013 du Texas apportant des restrictions à l’avortement. La décision prise est extrême : elle affirme que la loi texane faisait peser un « fardeau injuste » sur les femmes exerçant leur droit « constitutionnel » à avorter, un droit dont on ne trouve nulle trace dans la Constitution, mais qui découle de la fameuse décision Roe contre Wade de 1973, par laquelle la Cour suprême d’alors avait légalisé l’avortement sans restriction sur le territoire américain.
Conséquence de Roe contre Wade, plus de 2,5 millions d’avortements ont lieu chaque année aux Etats-Unis dans des cliniques plus ou moins salubres. Au massacre inouï s’ajoutent pour les femmes de multiples complications, alors que l’avortement peut être pratiqué jusqu’au terme de la grossesse : une véritable boucherie. La loi de 2013 du Texas disposait que l’avortement devait être limité à 20 semaines de grossesse et exigeait que les cliniques d’avortement aient un accès facilité aux hôpitaux et que leurs normes de sécurité soient révisées à la hausse, comme c’est le cas pour n’importe quelle clinique de jour. La loi texane avait entraîné la fermeture de 13 centres d’avortement non conformes, au grand dam du Planning familial américain.
Clinton se félicite de l’invalidation de la loi du Texas sur l’avortement par la Cour suprême
Ce qu’avait fait le Texas, d’autres Etats des USA s’apprêtaient à le faire, notamment l’Alabama, le Kansas, le Mississippi, le Dakota du Nord et le Wisconsin, fruit d’un long travail de militantisme pro-vie agissant selon la tactique des « petits pas »… Et c’est précisément ce qu’a voulu empêcher la Cour suprême, majoritairement acquise aux thèses du Planning familial. Une décision qui aura des répercussions politiques alors que l’avis des deux prétendants à la Maison Blanche diffère sur la question, Hillary Clinton étant tout acquise à la cause de l’avortement (elle s’est réjouie d’une « victoire pour les femmes au Texas et dans toute l’Amérique… »), tandis que Donald Trump a dit vouloir nommer, chaque fois que l’occasion s’en présenterait, des juges pro-vie à la Cour suprême. Le prochain président des Etats-Unis devra d’ailleurs d’emblée procéder au remplacement du juge farouchement provie, Antonin Scalia, mort au début de l’année.
Parmi les juges qui ont décidé d’aller contre la loi du Texas restreignant si discrètement l’avortement, au seul nom de la sécurité sanitaire des patientes, deux – Anthony Kennedy et Sonia Sotomayor – se disent « catholiques ». Le premier se présente plutôt comme provie. S’il avait voté pour la reconnaissance de la légalité de la loi du Texas, l’égalité à quatre contre quatre aurait imposé le maintien de la décision de la cour fédérale qui en a fait autant. Il porte une très lourde responsabilité .
Pour Ruth Bader Ginsburg, qui a aussi voté pour l’avortement sans restriction, « les complications sont rares et rarement dangereuses », alors que les statistiques indiquent que au seul Texas, dix femmes se retrouvent chaque semaine aux urgences (soit 500 par an) pour des complications dues à l’avortement, et que 200 restent hospitalisées…
La Cour suprême des Etats-Unis est aujourd’hui majoritairement pro-mort
La Cour suprême s’est révélée majoritairement pro-avortement (surtout depuis le décès du juge Scalia). Le mouvement provie va devoir en prendre acte et se tourner vers d’autres stratégies, comme celle qui consiste à d’encourager les Etats comme le Texas à faire valoir des clauses de non-application de certaines décisions fédérales, dès lors que celles-ci leur portent préjudice. « Les pouvoirs délégués par la Constitution au Gouvernement fédéral sont peu nombreux et définis. Ceux qui restent du ressort des gouvernements des Etats sont nombreux et indéfinis », a déclaré James Madison dans le journal Federalist.
Une autre manière de limiter la nocivité de la Cour suprême serait d’en faire restreindre les attributions par le Congrès, qui a la possibilité constitutionnelle de limiter les pouvoirs de toutes les cours fédérales, y compris la Cour suprême.