Certains Finlandais tirés au sort seront à partir de 2017 les premiers citoyens d’un pays d’Europe à percevoir un revenu de base versé par l’État sans condition ni travail en contrepartie. Pourquoi tester la chose ? Selon le premier ministre centriste, pour promouvoir l’emploi et simplifier les aides sociales. Et si c’était plutôt pour préparer la fin du travail humain ?
560 euros : tel est le montant du revenu de base mensuel décidé par le premier ministre centriste Juha Sipilä. C’était une des promesses de sa campagne électorale au printemps 2015 : dix-huit mois plus tard, il a eu le temps de mûrir le projet. Soumise à enquête publique jusqu’au 9 septembre, la loi va permettre de tester 2.000 citoyens finlandais en âge de travailler tirés au sort dès janvier 2017. Le ministère du travail comparera le comportement du groupe à tester à un groupe témoin semblable en tout point, sauf qu’il ne percevra pas le revenu de base versé par l’État.
En contrepartie du revenu de base, l’Etat-providence supprime des aides
Selon le communiqué du ministère, « le premier but de l’expérience du revenu de base est de promouvoir l’emploi ». Sans autre explication. L’affirmation est absurde en apparence, puisque l’attribution d’un revenu sans condition ni contrepartie semble inciter, logiquement, celui qui en « bénéficie » à ne pas travailler. L’expérience moderne des RMI, RSA, et des allocations de chômage très favorables (du temps de Giscard notamment), confirme l’intuition du bon sens et corrobore l’enseignement de l’histoire antique, par exemple, la sportule distribuée à la plèbe romaine.
Le deuxième objectif affiché par Juha Sipilä est de « réduire la bureaucratie et simplifier le système complexe des aides sociales d’une manière viable pour les finances publiques. » Cette fois il y a une apparence de logique, encore qu’on ne dise pas quelles aides seront supprimées, quelle paperasserie simplifiée. Mais la vraie logique est politicienne : l’homme est centriste dans l’âme : en distribuant à tout citoyen qui le désire un revenu de base, il caresse dans le sens du poil la gauche partisane de l’Etat-providence, en taillant dans le maquis des aides sociales, il fait plaisir à la droite libérale.
Tester les citoyens finlandais pour préparer la fin du travail
Si l’on prend un peu de recul, on s’aperçoit que la réforme, qui est radicale et profonde, ne paraît nullement commandée par les prétextes invoqués pour la justifier. On note pour commencer que la prolifération des aides, règles et contrôles qu’elle prétend simplifier est le produit d’une utopie, le socialisme, et que l’on choisi pour y remédier la même utopie : c’est-à-dire que le socialisme se prévaut de sa propre turpitude pour s’aggraver. Et l’on note dans la foulée que la Suisse, à qui un projet semblable a été soumis (il s’agissait d’un revenu de base de 2.300 euros mensuels versés par l’État), a rejeté la proposition : les citoyens helvètes, consultés, n’ont pas cru que l’on puisse raser gratis, 77 % d’entre eux ont voté non.
« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front »
Plus généralement, la raison profonde de ce type de projets d’apparence absurde est de tester la réaction des citoyens des pays d’Europe à l’attrait d’une somme d’argent versée par l’État sans contrepartie. Cela va dans le sens du revenu de 1.200 euros mensuels versé à tout migrant voté par le parlement européen avant hier. Dans ce dernier cas, l’argument moral (l’aide aux déshérités souffrants) se conjuguait à l’argument économique (le coup de pouce à l’intégration féconde). Mais le but est le même : habituer les foules à l’absence de travail que provoquera bientôt l’entrée en fonction massive des robots, créer une plèbe coupée de ses racines et de ses repères, donc manipulable à merci jusqu’à son extinction progressive. La planète n’est-elle pas surpeuplée ?