Sandro Magister nous apprenait il y a quelques jours sur chiesa.espressonline, dans un passionnant article, le rôle très actif joué par le pape François dans le processus d’apaisement du Venezuela, avec une réception discrète au Vatican, le 24 octobre, du président Nicolas Maduro, successeur et héritier du chavisme. Mais l’apaisement ne semble pas vraiment profiter à l’opposition, et notamment aux catholiques. La situation politique au Venezuela reste très difficile ; Mgr Roberto Lückert, dans un entretien au journal El Impulso repris par Infocatolica, le dit clairement : « Tout ce qui proteste est considéré comme ennemi, mis en prison, renvoyé aux bas quartiers. »
L’évêque du diocèse de Coro a pris soin de remercier le Saint-Père pour son intervention et sa préoccupation à l’égard de cette « situation grave », mais il a voulu mettre en garde l’émissaire du Vatican : « Il va devoir se rendre compte que ce qui se passe au Venezuela est grave, d’une grande gravité : il y a l’angoisse de la population face à la pénurie d’aliments et de médicaments, la persécution et l’emprisonnement des dissidents politiques, la suspension du référendum de révocation » du président Maduro.
Mgr Roberto Lückert, l’évêque au langage fleuri
Pour Mgr Lückert, les grands problèmes du Venezuela est que le président et son gouvernement craignent avant tout de perdre le pouvoir – « et de risquer d’aller en prison ». Des médicaments ? Il y en a qui attendent aux douanes, envoyés à Caritas pour être distribués dans les paroisses – et les autorités ne font rien.
Alors que le président accuse les dirigeants de l’opposition d’être des terroristes et menace d’envoyer les députés en prison, l’évêque ne croit pas en sa promesse de changer de ton. Les discours du président est un discours d’« exclusion de tous ceux qui ne sont pas d’accord », constate-t-il : « Les hôpitaux n’ont plus de médicaments. On ne compte plus le nombre de morts, faute de traitement, et dans la rue, on tue pour une paire de chaussures ou pour quelque autre objet de valeur. Le gouvernement se montre impassible devant la crise sociale. »
Et il poursuit : « S’ils disent, la bouche grande ouverte comme celle d’un caïman, que le peuple les soutient, pourquoi ont-ils suspendu le référendum ? Pourquoi viole-t-on la constitution, et aussi le peuple qui veut une bouffée d’oxygène face à ce gouvernement qui nous a amenés au désastre ? Quelle peur ont-ils donc de ce scrutin s’ils disent bénéficier du soutien populaire ? Tout simplement, ils ne croient pas à la démocratie. Pour eux, comme pour Fidel Castro, la démocratie est un déguisement. Là-bas, à Cuba, ils en sont à 55 années de dictature ; ici, nous en avons déjà subi 17. »
La situation politique au Venezuela : pénurie de tout, persécution de l’opposition
Et les accusations pleuvent. Selon Mgr Lückert, le Venezuela a servi de « maquerelle » pour les guérilleros des FARC en Colombie qui viennent se reposer dans les grosses propriétés des révolutionnaires Bolivariens à la frontière. « C’est une attitude hypocrite : ils ne croient pas en la paix en Colombie, pas plus qu’au Venezuela. »
Ce qu’il demande avant tout à la médiation du pape, c’est d’intervenir d’abord pour la tenue du référendum, et pour l’élection de gouverneurs « qui doit avoir lieu cette année et non celle qui vient ».
L’évêque signale qu’il n’a pas bénéficié des distributions de nourriture, qui se font de manière « discriminatoire », et qu’il a passé « 27 jours sans une goutte d’eau à la maison » : il ne s’en sort qu’en « demandant l’aumône ». C’est ce qu’il appelle « le mal (et non la mer) de la félicité cubaine : nous l’avons aussi au Venezuela ».
Mgr Lückert ne voit qu’une grande priorité ; tenir le référendum sur la destitution de Maduro
Interrogé sur le fait de savoir s’il est « préoccupé par la présence de 45.000 Cubains dépendant » du régime de Castro au Cuba, il répond : « Bien sûr que oui, les Cubains nous en avons jusque dans la soupe. » Le Venezuela ne passe-t-il pas par Cuba pour acheter des bombes chinoises ?
Pour finir, Mgr Lückert refuse de considérer la situation actuelle au Venezuela comme le fruit d’une crise économique, voire d’une guerre économique comme l’affirme le gouvernement. « Pas du tout ! Le commandant éternel a eu la peau des entreprises agro-industrielles et de la production agricole lorsqu’il a ordonné l’expropriation de tout. Il a essayé de faire transformer les grandes propriétés agricoles en « conucos » (le système indigène de production fondé sur le travail communautaire, la culture rotative et le troc qui fait sauter de joie les révolutionnaires modernes, NDLR) et les propriétaires des conucos n’ont pas reçu d’aide économique. Cette guerre économique est une tromperie. Cela ne correspond pas à la réalité. »