C’est une guerre, insidieuse, mais une guerre. Et le géant du jouet danois « Lego » y a cédé, en annonçant sobrement, il y a quelques jours, la fin de ses publicités dans le journal britannique le Daily Mail. C’est l’effet de la diffusion quasi virale d’un post d’un père de famille qui s’est dit choqué par les « unes » europhobe et anti-migrants du tabloïd…
Une lettre ouverte impeccablement relayée – on aurait presque des doutes – par le groupe de pression « Stop Funding Hate » (« Cessez de financer la haine »), avide de faire plier les entreprises florissantes et les grands groupes devant l’idéologiquement correct. Si tout n’est pas attaquable en justice, la menace financière est une Cour à part entière bien comprise de l’idéologie mondialiste.
La lettre d’un père de famille : un post Facebook
Bob Jones écrivait qu’il avait souvent acheté des exemplaires du Daily Mail pour obtenir les packs « Lego » gratuit afin de les donner à son fils de six ans… Il lui avait déjà offert toute sa collection personnelle, il l’enrichissait à chaque fois qu’il le pouvait, en achetant le journal. Mais il ne le fera plus à cause de son indécence.
« Lego a toujours été pour moi un produit inclusif. Briser les barrières entre les genres, construire l’imagination des enfants et leur confiance en eux. Quelque chose sur laquelle les enfants et les adultes peuvent, et créent des liens »… Or le Daily Mail et ses gros titres « ne font rien d’autre que de créer une méfiance envers les étrangers, blâmer les immigrés pour tout, et, comme hier, se mettent à reprocher à un des juges les plus importants au Royaume-Uni d’être gay »…
On en pleurerait presque – et c’est ce que voulait « Stop Funding Hate ». Car il n’a suffi que de quelques jours pour que cède la grosse machine « Lego », celle qui a été classée en 2015 « entreprise la plus puissante au monde » par le cabinet Brand Finance, celle dont le chiffre d’affaires et le bénéfice net ne cessent d’augmenter et qui est passée numéro 1 du marché du jouet en 2014… Goliath s’est rendu sans même se battre.
Le porte-parole de « Lego » a déclaré à The Independent que l’entreprise appréciait d’entendre l’avis des parents (comprendre : leur promesse d’achat) et « ferait continuellement de son mieux pour mériter la confiance et la foi que les gens partout dans le monde lui montrent tous les jours ».
Les fautes du Daily Mail
Les fautes du Daily Mail ? Nourrir le sentiment xénophobe avec ses « unes » régulièrement anti-migrants et considérer les anti-Brexit comme des « ennemis du pays »… Bob Jones se réfère principalement à cette « une » du 4 novembre, partagée d’ailleurs par d’autres tabloïds britanniques, ciblant les trois juges de la Haute Cour de justice de Londres – ces derniers avaient jugé la veille que le gouvernement devrait passer par un vote du Parlement pour activer l’article 50 du Traité de Lisbonne et sortir effectivement de l’Union européenne.
Le journal les avait traités d’« ennemis du peuple » et avait décrit l’un d’entre eux comme un « ancien escrimeur olympique ouvertement gay ». Faute magistrale. Si la majorité des Anglais a décidé le Brexit, il n’empêche que c’est une faute : la preuve, ses défenseurs sont aussi homophobes et racistes.
Arrêter de collaborer avec les journaux alimentant « la haine, la discrimination et la diabolisation »
« Lego » est le premier succès de la campagne de « Stop Funding Hate », ce groupe de pression au financement assurément international qui demande aux grandes marques et distributeurs de cesser de faire leur réclame dans des journaux promouvant une « culture de haine, de diabolisation et de division qui empoisonne notre discours politique » – The Sun et le Daily Express sont aussi dans leur viseur.
Mais il y en a d’autres comme le groupe Co-Op, les marques IcelandFood, Waitrose, le supermarché Lidl ou encore les grands magasins Sainsbury, Marks and Spencer ou John Lewis… Ce dernier a d’ailleurs heureusement répondu à la campagne : « Nous comprenons complètement la force du sentiment sur ce sujet mais nous ne portons jamais de jugement éditorial sur un journal en particulier ».
Et toc. En attendant que les pro-Brexit adoptent la même stratégie.