Bien des questions se posent aujourd’hui sur l’attaque au gaz sarin en Syrie qui a déclenché une riposte vigoureuse, et armée, de la part de Donald Trump. Comme souvent lors de ce type d’événement, des voix ne manquent pas dans les cercles complotistes pour crier à la fausse attaque. Mais il n’est pas nécessaire d’être hurluberlu pour s’étonner de la rapidité et de la précision des images envoyées depuis une zone supposée sous contrôle djihadiste, et du manque évident de protection des secouristes en présence d’un gaz mortel et inodore, dont certains ont signalé avoir perçu… l’odeur caractéristique. Pour Franck Margain, c’est le signe d’une désinformation caractérisée : le vice-président du parti chrétien-démocrate reproche aux uns et aux autres d’avoir réagi sans réfléchir.
Il souligne notamment cette évidence : Bashar el-Assad, aussitôt accusé par la communauté internationale, n’avait a priori aucun intérêt à mener ce type d’attaque alors que précisément, « soutenu par la Russie et la Chine » il était en position de force. Dans une situation semblable en 2013, où les suspicions pouvaient être plus grande à son égard, et où François Hollande voulait partir en guerre, ce sont les Etats-Unis d’Obama qui ont appelé à la prudence, soulignant qu’il fallait d’abord déterminer les responsabilités réelles d’une attaque à l’arme chimique. Rien de telle cette fois-ci.
Gaz sarin en Syrie : les indices d’une fausse attaque
C’est aussi l’analyse du New American. La recherche sérieuse en 2013 avait abouti à la responsabilité des rebelles, cherchant à faire croître l’hostilité internationale à l’égard de leur ennemi el-Assad. Aux Etats-Unis, nombre d’analystes sont d’avis qu’il s’est passé à peu près la même chose cette fois-ci. Bien sûr, la Syrie a protesté de son innocence, avec le soutien de la Russie. Le régime de Bachar el-Assad a même affirmé qu’il s’agissait d’une « action préméditée visant à justifier le lancement d’une attaque américaine contre l’armée syrienne ». L’attaque a eu lieu ; et elle a eu lieu un moment où Damas était près de la victoire sur l’ensemble des rebelles.
Chacun affirme certes ce que l’on s’attendrait à l’entendre dire. La Russie a encore une autre explication : elle suggère que Damas ait pu piloter une opération aérienne contre des usines de fabrication d’armes chimiques détenues par les rebelles, avec des résultats dramatiques pour la population locale.
Situation suffisamment embrouillée pour qu’on ne conclue pas d’emblée à une responsabilité d’un crimes de guerre de la part de Bachar el-Assad, même si ses actions passées ont pu démontrer qu’il tient peu compte de la valeur de la vie humaine.
La riposte de Donald Trump vise Bachar el-Assad – même Obama n’avait pas osé
Voilà au moins des questions qui méritent des réponses, surtout dans un contexte où des globalistes proches du CFR font partie de la garde rapprochée de Trump.
Ce qui est clair en revanche, c’est que l’intervention armée de Trump désoriente et inquiète nombre de ses soutiens. Les parlementaires américains sont les premiers à s’en indigner, affirmant que si le président veut faire la guerre à la Syrie, il lui faut d’abord demander la permission au Congrès, ou son avis à tout le moins – et ce même en présence d’un soutien assez large de la part des Républicains comme des Démocrates. Mais il aura manqué la démarche formelle devant les élus du peuple.
Le débat est déjà ancien : combien de fois n’a-t-on entendu cet argument lors de prise de décision des prédécesseurs de Trump, notamment lorsque Obama s’est engagé en Irak et en Syrie en 2014 contre l’Etat islamique sans demander l’autorisation préalable et expresse du Congrès ?
Trump – pour des raisons qu’on ignore, comme l’écrivait ici Pauline Mille vendredi dernier, mais qui peuvent être de politique intérieure – a choisi quant à lui d’affronter directement l’Etat syrien, sans plus faire mine de ne viser que l’Etat islamique. Il reste à voir si la frappe de jeudi dernier, impliquant 59 missiles Tomahawk, doit être suivie d’autres opérations dans le cadre d’une stratégie nouvelle.
La Syrie, protégée de la Russie… et de l’Iran
Le fait est que, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les présidents américains ont agi seuls des dizaines de fois pour déclencher des opérations militaires, voire des invasions terrestres, se bousculant pour mépriser le principe de l’autorisation parlementaire. Donald Trump lui-même avait pris à partie Barack Obama en 2013 pour lui reprocher de telles opérations sans autorisation. Voilà qu’il s’y met à son tour.
A qui profite l’attaque ? A vue de nez, Trump peut en espérer malgré tout des retombées positives en tant que président qui prend des décisions fermes et les applique, quitte à ce que tout le monde fasse semblant d’oublier ses annonces électorales à propos de son refus de voir les Etats-Unis jouer le rôle de « gendarmes du monde ».
Mais bien plus profondément, c’est ce type d’action qui sert comme nulle autre le principe du « chaos » – pour reprendre la terminologie d’Alexandre Douguine, qui applaudit explicitement les frappes syriennes en tant que révélateur permettant de nourrir une hostilité généralisée contre les globalistes américains – ou de la « disruption » pour parler comme les habitués de Davos, même si c’est à des degrés et sur des plans divers : du désordre généralisé, on peut faire sortir un « nouvel ordre ». Thèse-antithèse-synthèse : la suite est vieille comme Marx – et comme le solve et coagula maçonnique.
Ce lundi se tient en Italie une réunion spéciale du G7 alors que le ministre des Affaires étrangères britanniques, le brexiteur Boris Johson, a annoncé que les Etats-Unis pourraient lancer de nouvelles frappes contre le régime syrien, et que la rencontre a pour objectif de sommer Vladimir Poutine de cesser de le soutenir. De nouvelles sanctions étaient ouvertement envisagées avant la tenue de la réunion.
La Russie et l’Iran ont d’ores et déjà menacé les Etats-Unis d’une riposte militaire, les accusant de violation du droit international : « A partir de maintenant, nous répondrons en faisant usage de la force. » Moment tant attendu ?