Lundi, une équipe de scientifiques européens et américains a annoncé la découverte de nouveaux gènes qui pourraient avoir une incidence sur l’intelligence humaine : quarante très exactement, qui s’ajoutent aux douze autres déjà connus, tous liés au QI. Des gènes qui sont également associés à un meilleur niveau de scolarité, à une vie prolongée et à l’autisme…
La pointe de l’iceberg, néanmoins, quand on sait qu’au moins un millier de gènes sont liés à l’intelligence. Et puis, la génétique n’explique pas tout. Mais la perspective d’une telle détermination donne froid dans le dos.
Un pas de plus vers la compréhension des fondements génétiques de l’intelligence humaine
C’est la plus vaste étude menée jusqu’à maintenant sur le sujet. « Pour la première fois, nous détectons un nombre important de gènes qui prennent part à l’intelligence », a déclaré Danielle Posthuma, chercheuse généticienne à l’université libre d’Amsterdam et coauteur de l’étude parue dans la revue Nature Genetics.
Étudiant, sur des dizaines de milliers de personnes, le lien entre leur génome et leurs résultats à des tests d’intelligence, les chercheurs ont mis au jour 52 gènes associés au QI dont 40 étaient encore inconnus. L’ensemble représenterait 20 % des divergences dans les résultats des tests de QI.
« Ces résultats fournissent pour la première fois des indices clairs sur les mécanismes biologiques sous-jacents de l’intelligence ». La majorité de ces variantes de gènes liées à un QI élevé jouent un rôle dans la régulation du développement cellulaire dans le cerveau, en particulier la différenciation des neurones et la formation de passerelles d’informations neuronales appelées synapses.
Plus de risques d’autisme chez les personnes à plus fort QI
Les chercheurs se sont également aperçus que ces variations génétiques liées à un QI élevé avaient des corrélations avec d’autres attributs comme les symptômes dépressifs, la taille de la tête dans l’enfance ou encore l’autisme.
« Les variantes génétiques associées à un QI élevé sont également associées à un risque plus élevé de troubles du spectre autistique ».
À l’inverse, l’absence de certains gènes à indice élevé de QI était plus fréquente chez les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer, de schizophrénie ou d’obésité.
Études d’association génétique pangénomiques
Danielle Posthuma s’intéresse à l’intelligence depuis les années 1990. Aujourd’hui, elle a pu s’appuyer sur l’évolution de la technologie de séquençage de l’ADN, à savoir les études d’association génétique pangénomiques (genome-wide association study, GWAS), qui répertorient des centaines de milliers de variants génétiques distribués sur l’ensemble des chromosomes et permettent de déterminer, grâce à une très grosse puissance de calcul, si les personnes qui partagent une condition particulière – en l’occurrence, un fort QI – partagent le même marqueur génétique.
Son équipe s’est basée sur treize études antérieures dans lesquelles des profils génétiques détaillés et des évaluations de l’intelligence – basées sur des tests de QI – ont été compilés pour 78.000 personnes, toutes de souche européenne (indispensable pour trouver des variantes génétiques communes).
Détermination des gènes : un avenir façon Huxley ?
Bien sûr, ces 52 gènes ne représentent qu’un faible pourcentage de la variation des résultats des tests de QI : environ 5 % seulement, selon les chercheurs… Car, dans les faits, ce sont des milliers de gènes qui participent à l’intelligence. « Les scientifiques devraient analyser des millions de génomes pour les trouver tous, et les données brutes et le pouvoir informatique pour le faire sont toujours hors de portée », a expliqué la chercheuse. « À l’heure actuelle, on mesure bien mieux l’intelligence avec un test sur papier qu’en regardant nos gènes »…
Et puis, surtout, les gènes n’expliquent pas tout ! Et ces généticiens sont les premiers à le dire : sus au déterminisme ! Ils conviennent que les gènes représentent probablement jusqu’à la moitié de l’intelligence mesurée. Mais ils rappellent que d’autres facteurs y contribuent, comme les conditions de vie in utero, la nutrition (apport suffisant d’iode), la pollution (présence de plomb dans l’eau)… les conditions de vie sociale… et surtout l’exercice quotidien de sa matière grise par la fréquentation de l’école, puis par un travail intellectuel récurrent.
Néanmoins, cette découverte ouvre la porte à un début de compréhension de la génétique de l’intelligence. Et d’aucuns en voient déjà les bénéfices, en particulier pour les enfants souffrant de déficience mentale ou qui ont simplement des difficultés d’apprentissage : on pourra enfin tenter de déterminer ce qui ne va pas.
Et en regardant plus loin, comme le disait Danielle Posthuma, « peut-être qu’un jour nous pourrons dire que, en fonction de votre composition génétique, il pourrait être plus facile pour vous d’utiliser cette stratégie plutôt que celle d’apprendre cette tâche »…
L’intelligence démasquée, il n’y aurait certes, plus droit à l’erreur. Mais exit aussi la comédie, l’illusion, la paresse, le choix… Ce sera « en fonction » ! On pense irrémédiablement aux Alphas et aux Epsilons d’Aldous Huxley…
Clémentine Jallais