La Cour d’appel fédérale du District de Columbia a tranché mardi au sujet d’une troisième tentative de ce district d’interdire le port d’armes aux citoyens de Washington : elle l’a jugée inconstitutionnelle. La question était pendante depuis que la Cour Suprême des Etats-Unis avait jugé en 2008, sur le dossier District of Columbia v. Heller que les personnes avaient le droit de posséder une arme. Mais ce jugement ne précisait pas si ce droit était étendu au-delà du domicile. Le juge Karen Henderson annule ainsi une décision d’interdiction très impopulaire chez les honnêtes gens.
Capitale fédérale à statut particulier garantissant sa neutralité par rapport aux Etats fédérés, – elle n’envoie qu’un représentant à la chambre, et sans droit de vote – cette municipalité de 650.000 habitants est un bastion démocrate historique où se côtoient le gratin de la politique fédérale et une population pauvre à fort taux de criminalité. Depuis quarante ans, ses autorités se battent pour priver d’armes ses citoyens, affirmant que la ville est un lieu particulier recevant de nombreux personnages importants et que la présence d’armes à feu menace la paix et la sécurité de la capitale nationale. Qui n’en reste pas moins un haut lieu du crime.
Le juge Karen Henderson réaffirme le droit de porter une arme au moins chez soi
L’argument a précisément été servi au procès et repris dans la sentence du juge Karen Henderson. Cette dernière a d’abord estimé que la demande du District exigeant que seules les personnes ayant « une bonne raison de craindre une agression » ou « une raison particulière » de porter une arme comme les transporteurs de fonds « est acceptable ». Cette condition ne garantit pas la délivrance d’un permis à une personne qui vit dans un quartier à forte délinquance. Mais parallèlement, poursuit-elle, ce règlement du District ne doit pas réfuter le droit d’une personne de porter ou de posséder une arme à l’intérieur de son domicile.
Le juge Thomas Griffith, qui reflète l’opinion majoritaire aux Etats-Unis, estime que « l’intention foncière du règlement en cause est bien l’interdiction totale de porter une arme faite aux résidents de Washington DC, en contradiction avec leurs besoins courants d’auto-défense ». Il estime donc qu’un tel règlement « interdisant à la plupart des citoyens une liberté garantie par la Déclaration des droits sera retoqué par n’importe quelle autre cour ». Griffith ajoute même que le Second amendement de la Constitution des Etats-Unis garantit bien le droit de « porter des armes à feu au-delà de son domicile aux fins d’auto-défense, et cela même dans les zones densément peuplées, ou dans celles ne présentant pas de situation exigeant des moyens d’auto-défense ».
John Lott (CPRC) : Washington DC « interdit aux plus vulnérables de se protéger »
John Lott, patron du centre de recherche sur la prévention de la délinquance (CPRC, Crime Prevention Research Center), a qualifié la décision du juge Henderson « d’énorme », ajoutant que si le District de Columbia disposait d’une réglementation équivalente à celle des 42 Etats qui autorisent le port d’armes, il délivrerait 48.000 permis alors qu’il n’en compte aujourd’hui que 124. Il explique : « A ce jour, le District empêche les gens les plus vulnérables, particulièrement les Noirs pauvres qui habitent dans des zones à forte délinquance, d’espérer obtenir le moindre permis pour se protéger. »
Le jugement a été émis par des juges nommés par des présidents républicains, mais sept autres des onze membres de la Cour d’appel du District de Columbia ont été nommés par des présidents démocrates. Les probabilités d’un appel du jugement de mardi devant l’ensemble des juges de la Cour sont donc très élevées. Alan Gottlieb, de la Fondation pour le Second amendement (SAF), qui a fourni une assistance juridique dans ce procès et estime que l’arrêt du juge Henderson « est une formidable décision », explique : « Chaque fois que nous avons attaqué Washington DC, nous avons gagné. Mais chaque fois le District a interjeté appel ».
L’interdiction de port armes pourrait aboutir devant la Cour suprême
Si Washington DC fait appel de la sentence du juge Karen Henderson pour la soumettre à l’ensemble des juges du tribunal, et si ces derniers renversent le jugement de mardi, alors l’affaire pourrait atterrir devant la Cour suprême. De quoi obliger cette dernière à clarifier sa position après l’arrêt Heller. Car depuis 2008, elle a toujours évité d’examiner des jugements de cours inférieures sur ce sujet, à l’exception d’un arrêt permettant à la Californie d’exiger de ses citoyens qu’ils fournissent une « bonne raison » pour obtenir un permis de port d’armes. Si le District ne faisait pas appel, ce qui est fort improbable, les citoyens pourraient faire usage de leur liberté de demander un permis de port d’arme sans avoir à le justifier par « une bonne raison ». Ce serait une immense victoire pour les habitants de la capitale fédérale. Mais cette victoire va probablement devoir attendre encore quelques temps.