Mardi, à la Sorbonne, Emmanuel Macron était venu parler d’Europe, pour essayer de relancer un processus qui n’en finit plus de mourir – et d’abord dans l’esprit de ses habitants. Et son discours n’aura sans doute guère plus d’avenir, pour un certain nombre de raisons – et d’abord parce que c’était un discours faux.
Le président de la République aura, au cours d’un discours-fleuve, proposé un certain nombre d’idées dont la réalisation pratique, dans son esprit, est en mesure de redonner du tonus à une Europe en panne. Le constat n’est plus un secret pour personne, et Emmanuel Macron veut prendre le taureau par les cornes pour se donner la stature d’un homme d’Etat.
Alors, il multiplie, de fait, les propositions : force commune d’intervention européenne, fonds européen de défense, académie européenne du renseignement, force commune de protection civile, budget commun, taxe sur les transactions financières, convergence sociale et fiscale, élargissement du programme Erasmus pour que chaque jeune européen passe au moins six mois dans un autre pays, création d’universités européennes, renforcement du Parlement européen par des listes transnationales, nomination d’un ministre des finances de la zone euro, etc.
Cette rapide énumération mériterait sans doute d’être approfondie, chacun des dossiers ainsi évoqués dans le discours présidentiel méritant d’être précisé par des personnalités compétentes plutôt qu’asséné au service d’une idéologie, dont Emmanuel Macron se veut une espèce de prophète.
Le discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne
Pour autant, il y a au moins trois raisons pour lesquelles le propos d’Emmanuel Macron manquait singulièrement de réalisme. La première est que rien, dans son propos, ne portait la marque du renouveau susceptible de relancer l’Europe en panne. Ses prédécesseurs ont dû tordre leur nez de l’entendre se présenter en super-héros européen, alors que les mesures avancées font l’objet de discussions récurrentes depuis des années. Il faudrait au moins, pour qu’elles acquièrent plus de réalisme, en préciser la mise en œuvre. Si ses prédécesseurs n’y sont pas parvenus, ce n’est pas faute d’y avoir, eux aussi, pensé. Et Emmanuel Macron ne donne pas, malgré sa grandiloquence, le sentiment de pouvoir faire sinon mieux, du moins plus.
Quid de l’Allemagne ?
Deuxième difficulté pour Emmanuel Macron : le manque actuel de partenaires. On ne saurait faire, seul, une politique commune. Or les applaudissements serviles des media français devant « l’audace » (sic !) d’Emmanuel Macron, ou les tweets enthousiastes du très médiatique président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker ne sauraient suffire à donner vie à l’ambition du président français.
Car, tout le monde le sait, et Emmanuel Macron lui-même le souligne, il faut à l’Europe un moteur, à savoir le fameux couple franco-allemand. Or, si Angela Merkel a réussi, dimanche dernier, à conserver sa place, elle va devoir gouverner avec l’appui du parti libéral FDP dont les idées sur l’Europe ne correspondent pas à celles du partenaire français.
Pour ajouter à la complexité de cette situation, l’arrivée de l’AfD en troisième position aux élections législatives allemandes, dimanche dernier, va obliger le chancelier à se garder de toute improvisation trop européiste, sous peine de donner encore du grain à moudre à un parti en pleine expansion.
Un faux sur l’Europe
Troisième point enfin, le manque de souffle. Il ne suffit pas de multiplier les instituions et comités Théodule pour éviter la débâcle européenne. Surtout quand le discours sur l’Europe ne semble guère plus prometteur que les propos que le président réserve aux seuls Français.
Ceux-ci manifestent d’ailleurs assez clairement un désintérêt grandissant pour Bruxelles, qui a trop montré que sa vision était trop éloignée de celle des peuples qu’elle voudrait dominer. Macron peut pointer du doigt l’ennemi nationalisme. Les Français ont surtout l’impression que son rêve les entraîne très loin, trop loin d’une terre à laquelle ils sont attachés : la France.
Il ne suffira pas, pour les faire changer d’avis, de falsifier l’histoire, en essayant de leur faire croire que l’Union européenne est la fille de l’Europe. Bruxelles et ses commensaux se sont trop séparés des racines européennes pour que l’équation leur paraisse encore crédible…