« Fake news » oblige, le justicier Google a déclaré qu’il allait concevoir des algorithmes spécifiques pour RT et Sputnik afin de rendre leurs articles moins repérables sur les services « Google News » du moteur de recherche. De l’importance du référencement…
La guerre de l’information à travers le référencement
C’est à l’occasion du forum sur la sécurité internationale de Halifax au Canada, qu’Eric Schmidt, le président d’Alphabet (maison-mère de Google) a fait cette annonce. « Nous travaillons sur la détection et le déclassement de ces types de sites – c’est essentiellement RT et Sputnik ». Mais soyons certains que ce sera à terme (et c’est déjà pour certains, RiTV est bien placé pour le savoir) une bonne partie sinon la majeure partie de l’information politique, médiatique, sociétale, qui n’est pas celle des media de la grosse presse, la presse autorisée, la presse saine, impartiale, détentrice de la vérité universelle.
« Nous ne voulons pas interdire les sites – ce n’est pas comme ça que nous fonctionnons », s’est défendu le président exécutif. Raisonnement fallacieux : un référencement « pourri » par Google plonge tout site dans le noir quasi absolu… Ils le disent d’ailleurs bien : l’objectif est d’éviter à tout prix que le contenu soit diffusé auprès d’un large public.
Les informations « répétitives, exploitantes, fausses et militarisées » de RT
Eric Schmidt a été jusqu’à affirmer qu’il était « très fortement contre la censure » ! Il s’agit juste, selon ses mots, de repérer des informations « répétitives, exploitantes, fausses et militarisées »… Le public d’Internet ne serait pas suffisamment formé pour s’en prémunir. Et des personnes bien financées pourraient s’en servir à mauvais escient – eux sont des anges, bien sûr.
Rappelons que Schmidt a conseillé la campagne 2012 de Barack Obama sur les opérations numériques et a offert les mêmes services à la campagne d’Hillary Clinton en 2015 – Hillary dont il est « un ami de longue date ».
Les algorithmes ne sont pas neutres chez Google – et partout ailleurs
Sputnik (media officiel russe, rappelons-le, qui porte aussi ses propres intérêts et subit ses propres pressions) a donné la parole à Yannick Harrel, expert auprès de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), professeur en cyberstratégie et auteur, notamment, de « La cyber stratégie russe» (Éd. Nuvis, 2013) : « Un algorithme [de référencement] n’est jamais neutre fondamentalement, même si on le présente comme tel. Donc si une décision politique est donnée en ce sens, la technique suivra (…) Un algorithme écrit peut être réécrit afin d’être orienté ».
« On entre dans le champ de la guerre informationnelle. Les GAFA peuvent se le permettre, on pourrait croire qu’ils agissent comme des États, mais ils sont aussi territorialisés, c’est-à-dire qu’ils répondent aussi à des desiderata, à des pressions, ils doivent aussi composer avec des puissances territoriales. Là, on voit très bien qu’il s’agit de certains gouvernements qui ne sont pas favorables à des voix dissonantes par rapport à une certaine doxa. »
Certes, mais la territorialité a, de loin, commencé à exploser dans notre super-monde numérique. Pluriels sont les intérêts des différentes forces en présence qui ne sont plus seulement celles des Etats.
Quoiqu’il en soit, pour le professeur Dan Kovalik, de la faculté de droit de l’Université de Pittsburgh, l’initiative de Google aura un impact direct sur la « liberté de parole et de pensée » aux États-Unis – et dans le monde.
D’où l’intérêt d’utiliser d’autres moteurs de recherche que Google… Il s’en développe de nombreux en ce sens, comme « DuckDuckGo », un métamoteur qui compile les résultats d’une cinquantaine de moteurs à l’instar de Yahoo !, Bing ou encore « Start page » (lancé par Ixquick) qui permet d’interroger Google et neuf autres moteurs et sites web de façon anonyme.