Les virus pour faire mieux contre le cancer ? Deux études majeures publiées par Science Translational Medicine démontrent l’efficacité de virus pour soigner deux types de cancers agressifs, du cerveau et du sein, respectivement sur l’homme et la souris. Deux équipes ont étudié, indépendamment l’une de l’autre, au Royaume-Uni et au Canada, la façon dont des « virus oncolytiques » – qui infectent et permettent de tuer de façon spécifique les cellules cancéreuses – pourraient interagir avec l’immunothérapie dans un cocktail thérapeutique plus efficace que les thérapeutiques prises séparément. Ces découvertes s’ajoutent à la récente approbation par la FDA, l’administration américaine du médicament, de l’utilisation du virus modifié de l’herpès pour traiter le mélanome. Elles laissent espérer l’utilisation de virus afin d’aider le système immunitaire à combattre les cancers les plus résistants en les leur signalant.
A Ottawa, Marie-Claude Bourgeois-Daigneault utilise le virus Maraba pour cibler et signaler les cellules cancéreuses au système immunitaire
Dans la première étude, menée par Marie-Claude Bourgeois-Daigneault, de l’Institut de recherche de l’hôpital d’Ottawa au Canada, les scientifiques se sont concentrés sur le cancer du sein « triple négatif », le plus agressif et résistant aux traitements classiques. Ils voulaient savoir si la combinaison de deux thérapeutiques permettait de bloquer la diffusion des cellules cancéreuses sous forme de métastases après ablation de la tumeur originelle, laquelle est susceptible de favoriser cette diffusion. Mme Bourgeois-Daigneault et son collègue John Bell, professeur à l’Université d’Ottawa, ont injecté le virus Maraba prélevé sur des phlébotomes, diptères qui peuvent transmettre, entre autres, la leishmaniose. Le Maraba avait auparavant été caractérisé pour sa capacité à cibler les cellules cancéreuses, sans pour autant tuer son hôte. Il a été injecté aux souris avant l’ablation de leur tumeur. Après l’ablation, les souris ont été traitées avec un inhibiteur de points de contrôle, qui permet au système immunitaire d’attaquer les cellules cancéreuses qui subsistent.
Cette approche novatrice s’est révélée très efficace et a permis d’éradiquer totalement le cancer du sein triple-négatif dans 60 à 90 % des cas. Avec l’utilisation du seul virus Maraba, la guérison n’est obtenue que dans 20 à 30 % des cas. « Quand vous infectez une cellule cancéreuse avec un virus, elle allume un clignotant qui aide le système immunitaire à reconnaître et attaquer le cancer », explique John Bell. « Mais dans certains cas de cancers, cela n’est pas encore suffisant », poursuit-il, ajoutant : « Nous avons trouvé que lorsque vous ajoutez un inhibiteur de points de contrôle après le virus, cela libère toutes les alarmes. Le système immunitaire envoie alors toutes ses forces contre le cancer ». Cette étude va faire l’objet d’essais thérapeutiques à l’hôpital d’Ottawa.
A Leeds, l’équipe d’Adel Samson a réussi à faire franchir la barrière hémato-encéphalique au virus visant le cancer
Dans la seconde étude, à l’Université de Leeds, les chercheurs de l’équipe d’Adel Samson ont injecté un virus directement dans le système sanguin de neuf patients humains atteints d’un cancer du cerveau et en attente de chirurgie. Alors qu’ils ne savaient pas si le virus pourrait franchir la barrière hémato-encéphalique pour atteindre les cellules cancéreuses, les résultats se sont révélés très encourageants. Sur des prélèvements obtenus après thérapie virale et traitements subséquents, les chercheurs ont découvert que le virus était capable d’atteindre les cellules malades sur les neuf patients, même lorsqu’elles étaient situées en profondeur dans le cerveau.
Là encore, la présence du virus dans le cerveau a alerté le système immunitaire qui a envoyé plus de cellules T, destructrices de cellules malignes, vers le site de la tumeur. « C’est la première fois qu’il est démontré qu’un virus thérapeutique est capable de passer les barrières hémato-encéphaliques et ça ouvre la possibilité d’utiliser ce type d’immunothérapie (combinée) sur un plus grand nombre de patients atteints de cancers du cerveau agressifs », explique Adel Samson, oncologue au Leeds Institute of Cancer and Pathology. Les résultats de l’étude de Leeds sont d’ores et déjà appliqués dans des essais cliniques combinant thérapie virale et autre traitements plus communs, tels que la chimiothérapie.
Même si les virus sont étudiés depuis des décennies dans le cadre de stratégies anticancéreuses, ces deux études marquent une avancée majeure dans l’application hospitalière de thérapeutiques expérimentales. Et pourraient bien annoncer de nouveaux et puissants traitements contre les cancers les plus agressifs.