Ravi Karkara vient de se voir infliger la plus forte sanction existant dans l’arsenal des peines de l’ONU après avoir été convaincu de diverses agressions sexuelles sur des collègues masculins plus jeunes que lui. Haut fonctionnaire à l’agence ONU-Femmes, ce ressortissant indien travaillant à New York était particulièrement chargé de promouvoir l’égalité de genre et de favoriser la mise en place de partenariats entre adolescents et adolescentes pour aboutir à une transformation de la société sur ce plan. Il a été licencié vendredi dernier.
On peut lire sa prose progressiste dans cette brochure onusienne dont il assumait la responsabilité éditoriale, avec l’inévitable insistance sur la nécessité pour tous les jeunes de recevoir une « éducation de qualité sur la santé sexuelle et reproductive », filles comme garçons, « sur une base inclusive, équitable et universelle », et sur la traque des « stéréotypes de genre ».
Ce grand promoteur des droits des femmes qu’est Ravi Karkara est donc un homosexuel actif, décidément trop actif. C’est ce qu’a démontré une enquête menée sur près de 15 mois, période pendant laquelle l’intéressé a été suspendu de ses fonctions tout en bénéficiant de l’intégralité de son salaire. Il ne semble pas qu’il doive rembourser lesdites sommes…
Ravi Karkara, ce fonctionnaire homosexuel d’ONU-Femmes licencié pour harcèlement
Sa suspension faisait suite à une plainte déposée par un jeune collaborateur, Steve Lee, 25 ans, « défenseur des politiques » onusiennes de son état : le document de 23 pages déposé en juin 2017 témoignait de fait tels l’envoi non sollicité de liens vers des sites pornographiques de la part du haut fonctionnaire, et d’attouchements sexuels lorsque les deux hommes se sont trouvés seuls dans une chambre d’hôtel. Un autre collaborateur, Muhammad Junaid Mandoori, 26 ans, s’était montré ravi de la poursuite, prenant soin de raconter à la presse qu’il avait lui aussi fait l’objet de harcèlement à coup d’images indécentes et de propositions d’avancement au sein de l’ONU en échange de « faveurs sexuelles ». Cela avait duré deux ans.
La directrice exécutive d’ONU-Femmes, Phumzile Mlambo-Ngcuka, a publié mardi un communiqué officiel annonçant que les accusations à l’encontre de ce collaborateur, qui n’est pas nommé dans son texte, ont été confirmées par l’enquête et que l’intéressé est désormais « interdit d’emploi au sein du système de l’ONU ». Le communiqué précise qu’il ne peut bénéficier de l’immunité diplomatique, et que si ONU-Femmes n’est pas habilité à le poursuivre pénalement, l’existence d’allégations crédibles de comportements délictueux fait que l’agence est statutairement obligée de le remettre aux autorités nationales. Elle s’engage également à ce que l’ONU coopère avec la police sur le dossier.
Et d’ajouter quelques couplets sur la protection des victimes et des femmes, hors sujet.
De l’égalité de genre aux agressions sexuelles sur des cibles masculines
Cette réaction ferme a été saluée par des groupes de défenses des victimes d’agissements de fonctionnaires de l’ONU mais avec un sérieux bémol : selon Sharanya Kanikkannan, conseillère juridique du groupe Code Blue ONU-Femmes a certes agi mais continue de « s’asseoir sur les dossiers de dizaines d’agents civils du maintien de la paix, certains remontant à 2015, aucun d’entre eux n’ayant jamais été transmis à la justice ».
L’avocate s’émeut également du fait que le communiqué officiel de l’ONU n’identifie pas Ravi Karkara et souligne que les victimes n’ont pas eu accès au rapport d’enquête. Autre élément de critique : pourquoi le dossier n’a-t-il pas été transmis à la police plus tôt ? « Licencier un collaborateur ne constitue pas une punition proportionnelle à la gravité du délit. Il reste à voir si l’ONU va donner suite à son obligation de coopérer avec les autorités. Sa politique générale qui consiste en la fuite en avant par rapport à l’action de la police a sans aucun doute déjà compromis le processus judiciaire », a-t-elle ajouté.
Du côté de l’ONU, on explique que la décision de ne pas nommer Karkara dans un document officiel résulte d’une résolution d’une assemblée générale de l’ONU qui assure la protection de la vie privée des collaborateurs visés par une action disciplinaire. Institutionnalisation des pratiques d’occultation de délits sexuels (en l’occurrence, homosexuels) ? On est en droit de le penser.