C’est une première : un singe cloné par des scientifiques chinois selon la méthode utilisée pour « créer » la brebis Dolly en 1996 survit en bonne santé pendant plus de deux ans. Le singe rhésus est le seul à ne pas être mort avant la naissance ou peu de temps après dans le cadre d’une expérience portant sur 113 embryons. Parmi ceux-ci, 10 % seulement ont été transférés vers une mère porteuse, et de ceux-là un seul a survécu. L’animal, qui a reçu le nom de ReTro, est le clone de primate ayant vécu le plus longtemps à ce jour.
Le clonage s’est fait selon le procédé de transfert nucléaire de cellules somatiques (TNCS), qui consiste à extraire l’information génétique d’une cellule standard et à l’implanter dans l’ovule d’un autre singe auquel on a retiré son propre matériel génétique. Les chercheurs chinois ont utilisé une technique modifiée en vue d’assurer la mise en place d’un placenta plus résistant.
Le TNCS fonctionne chez les chiens, les bovins, les souris, les chèvres et d’autres espèces, mais s’avère très inefficace chez les primates où le taux de réussite n’est que de 1 %, et pas dans la durée.
Un singe cloné pour 112 échecs
La pratique est par ailleurs interdite pour les primates en Europe pour des raisons éthiques, les primates non humains ne pouvant faire l’objet de telles expériences que si celles-ci visent à étudier une maladie grave, potentiellement mortelle pour l’homme ou pour l’espèce primate elle-même. Elle est légale en Chine où une équipe de l’Académie chinoise des sciences a déjà cloné des macaques mangeurs de crabe en 2018, mais la méthode s’est heurtée à différents problèmes ainsi qu’à un faible taux de survie.
Les dits scientifiques ont analysé le développement d’un embryon normal issu d’une fécondation in vitro et l’ont comparé à celui d’un embryon cloné. Ils ont constaté que les clones avaient du mal à fabriquer un placenta adéquat et que, par conséquent, ils s’attachaient rarement à l’utérus de leur mère porteuse. Pour remédier à ce problème, une autre étape a été ajoutée au processus : le remplacement d’une couche de cellules défectueuses, le trophoblaste, qui entoure l’embryon en croissance, et qui chez les clones se révèle souvent trop petit et de forme incorrecte. Ces cellules jouent un rôle nutritif et doivent aider les cellules internes – le futur singe – à prospérer.
Un singe rhésus survit en Chine grâce à son transfert vers un autre trophoblaste
Dans le cadre de leurs tentatives les plus récentes, les scientifiques ont « cultivé » à la fois un embryon cloné et un embryon normal issu d’une FIV. Les cellules internes des deux embryons ont été découpées et le clone a été placé à l’intérieur des couches plus saines formant le placenta de la FIV.
« Remarquablement, grâce à cette approche, nous avons réussi à faire naître un singe rhésus [cloné] en bonne santé qui a survécu pendant plus de deux ans au moment de la préparation de cette recherche pour publication », ont déclaré les scientifiques dans leur article, publié dans Nature Communications, ajoutant que cette stratégie « est très prometteuse » pour améliorer le faible taux de réussite du clonage.
Leur objectif est de créer davantage de singes de laboratoire clonés, leur santé et leur survie à long terme revêtant selon eux « une grande importance », car ils « sont largement utilisés pour la recherche fondamentale et clinique ».
Ils pensent aussi voir leur technique consistant à prélever des cellules dans un embryon à un stade précoce et à les injecter dans une enveloppe plus saine pourrait aider les personnes qui ont du mal à concevoir par FIV, ce qui ajouterait une nouvelle étape d’artificialisation à la fabrication technologique d’êtres humains.
Le singe rhésus cloné en Chine évoque le spectre du clonage humain
Le Dr Lluís Montoliu, chercheur au Centre national de biotechnologie en Espagne, a commenté que l’efficacité du processus demeure un problème majeur qui empêchait son utilisation sur l’homme, rappelant notamment que la tentative précédente il y a six ans n’avait abouti qu’à 1,5 % de naissances vivantes. « Le clonage de macaques mangeurs de crabes et de singes rhésus démontre deux choses. Premièrement, il est possible de cloner des primates. Deuxièmement, il est extrêmement difficile de réussir ces expériences, avec des taux d’efficacité aussi faibles, ce qui exclut une fois de plus le clonage humain. »
Et d’ajouter : « Cette faible efficacité confirme l’évidence : non seulement le clonage humain est inutile et discutable, mais s’il était tenté, il serait extraordinairement difficile et éthiquement injustifiable. »
Pas sûr qu’une telle considération arrête les chercheurs chinois…