Un accord de pays de l’OPEP et de la Russie pour geler la production de pétrole peine à mettre fin à la baisse des cours du brut

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Saleh al-Sada, le ministre de l’Énergie du Qatar, entre le ministre saoudien du Pétrole Ali al-Naimi et son homologue russe Alexander Novak.

 
Après avoir rencontré, la veille, les ministres du Pétrole de l’Arabie Saoudite, du Qatar et du Venezuela, le ministre russe de l’Energie, Viktor Khristenko, a fait une déclaration mardi annonçant que les quatre pays sont disposés à geler leur production de pétrole au niveau de janvier de cette année si d’autres producteurs se montrent prêts à rejoindre cette initiative. Cette entente de la Russie avec les pays de l’OPEP est une nouveauté, signe des difficultés engendrées par la baisse des cours du brut. Mais s’agit-il d’autre chose que d’un effet d’annonce ? La déclaration a certes provoqué une remontée des prix du brut dès l’ouverture des marchés, mardi matin. Elle ne saurait durer, quoi qu’il en soit, puisqu’il n’est pas question de réduire la production, mais de la maintenir à ses niveaux records actuels.
 

Accord OPEP-Russie sur le pétrole pour arrêter la baisse des cours ? C’est loin d’être fait

 
En réalité il ne pourrait y avoir remontée des prix que dans le cadre d’un accord qui comprendrait tous les membres du cartel de l’OPEP, qui ont actuellement tendance à jouer cavalier seul. On voit mal l’Irak et l’Iran accepter de s’y joindre. L’Irak, en particulier, continue de pomper allègrement au mépris de ces engagements à l’égard du groupement de pays producteurs. L’Iran, pour sa part, n’entend pas diminuer sa production ni souscrire à quelqu’accord que ce soit tant qu’elle n’aura pas atteint le débit qui était le sien avant les sanctions à propos de son programme nucléaire, soit 500.000 barils par jour.
 
Ainsi les premières cargaisons de brut ont quitté l’Iran lundi pour l’Europe, alors que le pays vient de remonter sa production à 400.000 barils par jour. Il faut dire que l’Iran a besoin de liquidités pour financer sa propre guerre contre l’État islamique, et pour renflouer une économie en mauvais état en raison des sanctions qui ont pesé sur lui pendant cinq ans.
 

« Geler » la production de brut à son niveau record : une fausse réponse à la chute des prix

 
L’annonce russe n’a finalement pas été prise très au sérieux et la remontée des cours n’a guère duré. Le ministre du pétrole de l’Arabie Saoudite, Ali al-Naimi, a même déclaré que l’accord ne vise qu’à calmer le marché. Il a reconnu que l’Arabie ne cherche pas du tout à peser sur les prix pour les réorienter à la hausse : « Nous voulons satisfaire la demande. Nous voulons un prix du pétrole stable », a-t-il déclaré.
 
Stable ? Le marché fait déjà face à un surplus qui monte à quelques deux millions de barils par jour, s’il faut en croire l’Agence internationale de l’énergie. Et ce chiffre ne tient même pas compte de la production iranienne qui promet de transformer le surplus en véritable inondation. Les analystes du marché ne croient guère au gel d’une production déjà excessive : ils s’attendent au contraire à une augmentation de la production des pays de l’OPEP…
 

La Russie contrainte de s’entendre avec l’OPEP – mais pour quoi faire ?

 
La faiblesse des prix du brut pèse lourdement sur les économies des pays du Proche-Orient et du Venezuela, obligés de réduire fortement les dépenses publiques – sociales notamment – ou de faire tourner la planche à billets comme le Venezuela, en proie, du coup, à une inflation galopante. S’y ajoutent des mesures d’austérité fortement impopulaires, et pourquoi pas annonciatrices de troubles à venir alors que chacun tente d’attirer les acheteurs.
 
En attendant la situation oblige des nations traditionnellement hostiles à trouver un terrain d’entente, telles la Russie et l’Arabie Saoudite par ailleurs en conflit à travers la guerre contre l’Etat islamique en Syrie.
 
Puisque l’offre dépasse aujourd’hui largement la demande et les prix sont bas : cet état de fait peut ne pas être le fruit d’une décision délibérée mais elle aura en tout état de cause des répercussions sur les pays producteurs, à commencer par la Russie dont la recette fédérale est constituée à quelque 50 % de taxes sur les ressources pétrolières et le gaz naturel.
 

Anne Dolhein