Manuel Valls a exigé jeudi de la Commission européenne qu’elle présente, le 15 mars prochain, des propositions fortes pour sortir de la crise agricole, sous peine de voir cette crise menacer l’ensemble du projet européen. En clair, la question est de savoir à combien de crises l’Union européenne est en mesure de résister…
Après avoir rencontré, en compagnie du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, le commissaire européen à l’Agriculture Phil Hogan, le premier ministre français a déclaré avoir demandé « des mesures communautaires à la hauteur de la situation ».
« Sans cela, a-t-il poursuivi, c’est le lien de confiance qui existe entre la France et l’Union européenne qui risque de se fissurer. L’Europe connaît déjà suffisamment de crises et de défis, menaces terroristes, crise des réfugiés, il ne faut pas que se rajoute une crise agricole majeure qui mettrait en cause le projet européen. »
Manuel Valls face à l’Union européenne sur la question agricole
Ce n’est pas une question de constat. Pour Manuel Valls, la Commission européenne et la France se rencontrent parfaitement sur celui d’une surproduction dans les secteurs du porc et du lait, et s’accordent même sur la nécessité de prendre des initiatives pour enrayer la chute des cours. Parmi les propositions envisagées à ce niveau, la levée de l’embargo sanitaire russe. Ce qui prouve que l’économie peut déborder la politique ; ou la réalité l’idéologie…
De son côté, Phil Hogan, qui avait fait le déplacement parisien en pleine tempête agricole, s’est dit « conscient des graves difficultés que rencontrent les producteurs français et européens dans un certain nombre de secteurs », et a dit son accord sur « la nécessité d’adopter toutes les mesures appropriées » – ce qui reste on ne peut plus vague.
On rappellera que les syndicats agricoles demandent notamment davantage d’outils de régulation des marchés, une solution à l’embargo russe qui les prive d’un débouché important, et un meilleur étiquetage de la viande.
Le monde de l’agriculture se laissera-t-il prendre ?
Mais il serait facile de faire porter le chapeau à la seule Union européenne. Ce serait oublier les critiques portées par le monde agricole contre le gouvernement depuis des mois – pour ne pas dire des années.
Pourtant, en une espèce de rétropédalage tardif, le gouvernement a promis la semaine dernière de nouvelles aides sous la forme d’une baisse de sept points des cotisations sociales.
Au delà même de l’efficacité de mesures prises trop tard, l’effort, le coût que représentent ces propositions, évalué à peu près à cinq cents millions, font que l’Etat français ne peut envisager de l’assumer seul.
D’où l’appel lancé à l’Union européenne, sous forme d’ultimatum.
Il n’est pas sûr que cela suffise : c’est toute une politique qu’il faudrait revoir. Et il n’est pas sûr que, en attendant, les agriculteurs se laissent prendre au jeu du premier ministre…