Déjà délicate, la situation à Air France a brutalement dégénéré lundi avec l’agression du DRH Xavier Broseta, qui a « manqué de se faire lyncher » après avoir confirmé que la direction de la compagnie aérienne envisageait toujours de supprimer quelque 2.900 postes. Bousculé, malmené, chemise déchirée, Xavier Broseta, torse nu, a dû être évacué. Le dialogue social a tourné court, laissant place à la colère qui a atteint son paroxysme.
Xavier Broseta ne sera pas le seul à se souvenir de cette réunion du comité central d’entreprise de la compagnie aérienne. Pierre Plissonnier, responsable de l’activité long courrier à Air France, a lui aussi été victime de telles violences.
Dénonçant ces violences physiques, la direction d’Air France a annoncé son intention de porter plainte.
Le paroxysme de la colère
Quant aux politiques, ils ont dénoncé dans leur ensemble la tournure des événements : « inacceptables », « scandaleux », « irresponsables », etc. Depuis le Japon où il tente tant bien que mal de demeurer zen, Manuel Valls, notamment, s’est dit « scandalisé par les violences inacceptables », et a exprimé « tout son soutien à la direction d’Air France ».
Pour sa part, François Hollande a tenu à répondre en termes d’image : « Ça compte, le dialogue social. Et quand il est interrompu par des violences, des contestations qui prennent des formes inacceptables, on voit ce que ça peut avoir comme conséquences sur l’image, sur l’attractivité du pays. »
Même les syndicats ont essayé de calmer ce qui ne ressemble plus du tout à un jeu. Jean-Claude Mailly, le patron de FO, a estimé qu’on pouvait « se battre contre une direction sans être violent » ; et Laurent Berger, pour la CFDT, a appelé à privilégier « le dialogue pour dépasser les difficultés et combattre la violence ».
Quant au PDG du groupe, Alexandre de Juniac, il a préféré, compte-tenu de la situation, s’élever au-dessus du brouhaha qui a accompagné la réunion, et assuré que la direction restait « disponible à tout moment pour reprendre les négociations ».
Les pilotes manifestent, eux aussi, leur volonté de voir la tension baisser d’un cran. Néanmoins, Philippe Evain, le président du SNPL Air France (pilotes), tout en condamnant ces exactions a tenu à rappeler que la « violence sociale » avait atteint un point critique. « Elle s’exprime par la voie des salariés, mais également par la voie des directions », poursuit le syndicaliste, en dénonçant le fait que la direction d’Air France n’ait pas réellement participé au débat, parce qu’elle avait déjà pris sa décision.
Air France en difficulté face à la concurrence
Il est vrai que, si une politique de licenciements ne saurait garantir la sauvegarde de la compagnie, Air France est condamnée, à assez brève échéance, à trouver des solutions, faute de quoi elle pourrait bien disparaître – ou être rachetée. Son prestige ne saurait en effet suffire à la garantir contre une concurrence de plus en plus rude.
Mardi, cependant, le gouvernement, par la voix du secrétaire d’Etat chargé des Transports, Alain Vidalies, a écarté, en réponse à un appel de l’intersyndicale d’Air France, toute implication accrue de l’Etat dans la société aérienne. L’Etat qui, par son défaut d’initiative, avoue être lié par Bruxelles en ce qui concerne les règles de la concurrence, et ne pouvoir, de ce fait, défendre l’industrie française, s’est donc contenté d’inviter les parties en présence à reprendre le dialogue.
Mais le dialogue n’aboutira à rien si chacun doit camper, de façon aussi virulente, sur ses positions…
Hubert Cordat