Madoff ne serait-il que de la petite bière ? Entre dissensions familiales compliquées et crise du crédit, la famille saoudienne des Al-Gosaibi, qui espérait récupérer quelques billes perdues auprès d’un gendre accusé d’indélicatesses diverses, vient de se voir retoquée par un tribunal des îles Caïman qui juge poursuivants et poursuivi responsables d’une escroquerie gigantesque à l’encontre de plus de 100 banques sur deux décennies. « C’est le système de Ponzi le plus important que le monde ait jamais vu », ont affirmé les liquidateurs.
Le système de Ponzi consiste en un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des anciens clients avec les fonds empruntés aux nouveaux.
La famille Al-Gosaibi a été impliquée dans l’une des plus grosses défaillances de la crise de 2008, lorsque son affaire vieille de 70 ans – le conglomérat saoudien Ahmad Hamad Algosaibo & Brothers (AHAB) – s’est écroulée en 2009, à la suite de l’engagement de 20 milliards de dollars du fait de la défaillance de deux banques du Bahreïn, entraînant également la chute de l’empire Saad Group appartenant à Maan Al-Sanea, le fameux gendre que les Al-Gosaibi voulaient faire passer pour le vilain de l’histoire.
La débâcle suscita une guerre judiciaire sans merci devant de multiples cours à travers le monde ; elle vient donc de trouver un début de réponse.
Les Al-Gosaibi d’Arabie saoudite : tels sont pris qui croyaient prendre
AHAB soutenait mordicus que sa faillite était imputable à des escroqueries commises par Al-Sanea qui avait profité de sa position, acquise grâce à son judicieux mariage, aux manettes d’un des services financiers du conglomérat, celui de l’échange de devise, pour faire des opérations risquées et même délictueuses. Le gendre était accusé d’avoir levé d’importants prêts non garantis et d’avoir contrefait des signatures et des documents à fin de pouvoir toucher des liquidités pour sa propre entreprise, Saad Group. AHAB prétendait obtenir des tribunaux des fonds en vue de payer ses créanciers.
Mais le juge Smellie des îles Caïman a estimé que le conglomérat AHAB était parfaitement au courant des activités frauduleuses réalisées par le biais de son service d’échange de devises. Pire : « Les pratiques frauduleuses y avaient été institutionnalisées en vue d’escroquer les banques. »
Une escroquerie à grande échelle démasquée par un tribunal des Caïmans
En substance, le tribunal a estimé que les plaignants avaient multiplié au hasard des accusations de faux en choisissant nombre de documents, sans apporter la preuve que les contrefaçons avaient été réalisées par Al-Sanea à leur insu et sans leur consentement. Au contraire, a déclaré le juge Smellie, AHAB avait dans les faits accepté les emprunts réalisés par Al-Sanea sous réserve que ce dernier accepte en retour d’utiliser le service d’échange en vue de réaliser des emprunts frauduleux pour le compte des partenaires d’AHAB eux-mêmes.
Dans ce feuilleton à rebondissements, qui a vu l’incarcération d’Al-Sanea en octobre dernier, ce dernier jugement en date pourrait marquer un tournant, selon les liquidateurs de Saad Group, Grant Thornton, représentés dans cette affaire par Steve Akers. « L’issue de ce long contentieux a mis en évidence une fraude extraordinaire perpétrée sur une période prolongée. Les pertes concernées se mesurent en nombreux milliards de dollars », a-t-il déclaré.
Le plus gros système de Ponzi jamais vu venait d’Arabie saoudite
Selon lui, les Al-Gosaibi ont tenté de s’en tirer effrontément, notamment grâce à la difficulté d’accéder aux documents de l’affaire, faisant supporter les coûts de la procédure – qui n’a jamais été qu’un « écran de fumée » selon lui – par leurs propres créditeurs lésés. « L’affaire n’aurait jamais dû être ouverte et il faut espérer que désormais, ils accepteront que la partie est finie », a-t-il commenté.
Au bout du compte, ce jugement le 1.348 pages vient mettre au jour les pratiques douteuses d’AHAB qui envisage désormais de nouvelles étapes judiciaires tout en se lamentant dans les médias de ce que les actifs présents aux Caïman ne puissent servir au remboursement de ses créanciers. Un peu tard, semble-t-il !