La Cour suprême de Kuala Lumpur, saisie d’un recours déposé par le père Lawrence Andrew, directeur du quotidien Herald, pour pouvoir utiliser le mot Allah, l’a débouté. En Malaisie le mot demeurera la propriété d’un islam de plus en plus conquérant. Les bibles en langue malaise comportant ce mot ont été saisies.
L’affaire est partie en 2009 de l’Etat de Selangor, dont le Sultan, Sharafuddin Idris a un petit problème. Il a interdit aux non-musulmans l’usage de trente-cinq mots qu’il considère comme la propriété de l’Islam, dont mufti, Kaabah, Hadj, et… Allah. Le mot nuit à la concorde nationale. Sikhs et chrétiens (neuf pour cent de la population) l’utilisent localement pour dire Dieu. La Malaisie a en effet été fortement influencée par l’islam arabe depuis le quatorzième siècle.
En Indonésie, Allah ou Alloh
Sa voisine l’Indonésie aussi, mais là-bas les chrétiens prononcent Allah, les musulmans Alloh, et pour l’instant la situation, tendue par ailleurs, est satisfaisante à cet égard. En Malaisie, depuis l’interdiction de 2009, le temps se gâte. Des églises ont été vandalisées. Dans un pays réputé pour sa tolérance, le raidissement politique et religieux des dirigeants musulmans est perceptible.
Sans catastrophisme, on peut craindre une dérive comparable à celle que connaît l’islam africain, naguère tenu pour débonnaire et devenu conquérant. Le Nigéria était connu pour son pétrole et le Kenya pour son tourisme, ils deviennent tous deux la proie du terrorisme. La fragilité de la Malaisie est d’autant plus grande que comme en Afrique des questions ethniques compliquent la fracture religieuse, notamment à la frontière thaïlandaise, à Bornéo, ou avec la communauté chinoise.
Liberté religieuse et islam conquérant
L’islam conquérant s’appuie partout dans le monde sur des antagonismes sociaux et politiques.
Sans doute la Malaisie n’est-elle pas le Kenya. Elle fait partie des dragons du sud-est asiatique qui se développent à grande vitesse et jouit d’une image très positive où entrent ses fleurs, sa biodiversité, l’aménité de ses habitants, mais il leur arrive de devenir amok.
Stefan Zweig a jadis décrit cette folie subite qui mène les plus paisibles aux pires excès. L’appropriation du mot Allah est le signe très fort de la croissance d’un islam conquérant : même les Coptes d’Egypte, pourtant persécutés, ont droit de l’utiliser. Les chrétiens abusés par l’idée fallacieuse de liberté religieuse parlent de transgresser la décision de la Cour suprême dont les musulmans radicaux se réjouissent.