« Je pense que l’Arabie saoudite tentera sérieusement d’obtenir la bombe si l’Iran a pu le faire. C’est exactement comme avec l’Inde et le Pakistan. Les Pakistanais ont dit pendant des années qu’ils n’en voulaient pas, mais lorsque l’Inde l’a obtenue, ils ont fait de même », a déclaré Jamal Khashoggi, responsable d’une chaîne d’informations saoudienne appartenant à un prince du royaume. L’une des réponses de l’Arabie saoudite à l’accord passé récemment sur le nucléaire iranien pourrait être l’accélération de son propre programme nucléaire : la pétromonarchie créerait une infrastructure atomique qu’elle pourrait, le moment venu, chercher à militariser afin de disposer elle aussi de l’arme nucléaire. Le projet serait-il réaliste ? C’est une autre question.
Après avoir salué mollement l’accord iranien sur la scène internationale, l’Arabie saoudite l’a en effet condamné sur le plan domestique, exprimant de vives craintes quant à ses conséquences dans la région.
L’Arabie saoudite juge l’accord passé avec l’Iran sur le nucléaire dangereux pour la région
L’accord pourrait rendre le Proche-Orient plus dangereux et « semer le chaos » dans la région, a fait savoir le Royaume arabe. Sur le terrain, il a réagi par le maintien de son soutien aux rebelles syriens et aux ennemis de l’Iran au Yémen.
Le royaume islamique est engagé dans une guerre d’influence auprès des Etats islamiques de la région et risque avec cet accord d’y perdre son hégémonie : il craint notamment que l’accord sur le nucléaire iranien, libérant Téhéran de la pression et des sanctions internationales, ne lui redonne toute liberté pour soutenir ses alliés chiites par intermédiaires interposés.
L’Arabie saoudite a déjà pris récemment quelques mesures pour faire progresser son programme nucléaire, mais les experts estiment qu’il est peu probable que l’Arabie saoudite ait réellement la capacité de fabriquer la bombe atomique secrètement ou de résister à la pression politique à laquelle elle ferait nécessairement face si ses plans étaient révélés.
Quelques Saoudiens proches de la famille royale ont mis en garde : si l’Iran arrive à militariser son programme nucléaire, l’Arabie saoudite devra suivre, fût-ce au prix de ses bonnes relations avec les Etats-Unis. Bluff ?
L’Arabie saoudite envisage d’accélérer son programme nucléaire pour le militariser
Aujourd’hui, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite sont si étroitement liés sur le plan politique qu’il est difficile d’imaginer Ryad se lançant dans un projet d’arme nucléaire sans que Washington ne le découvre. S’opposer aux Etats-Unis sur cette question provoquerait la rupture d’une relation qui demeure vitale pour l’Arabie saoudite, malgré ses efforts pour développer des alliances alternatives avec d’autres puissances militaires.
La stratégie nucléaire saoudienne évitera probablement ce dilemme en faisant du royaume un pays du seuil nucléaire, disposant de tous les éléments pour fabriquer l’arme nucléaire en quelques mois.
La place unique de l’Arabie saoudite dans le secteur mondial de l’énergie rend les sanctions sur ses exportations brutes impossibles. La vente de pétrole représente 33 % de son activité économique et 87 % de ses revenus, mais les autres secteurs reposent presque exclusivement sur les importations. C’est notamment le cas du secteur alimentaire, théoriquement vulnérable aux sanctions.
Pendant des décennies, Ryad a évité d’utiliser sa capacité à renverser l’économie mondiale pour un quelconque gain politique. Mais cela pourrait changer si le Royaume se sentait réellement menacé. Il pourrait alors parier que les craintes d’un nouvel embargo pétrolier (comme celui de 1973) arrêteront n’importe quelle pression internationale sur ses plans nucléaires…