L’Assemblée nationale valide l’assassinat en « fin de vie »

 

Il faut appeler les choses par leur nom. En adoptant, par 305 voix contre 199, la proposition de loi Falorni sur le « droit à l’aide à mourir », l’Assemblée nationale a validé mardi soir le meurtre prémédité de personnes répondant aux critères flous de « l’affection grave et incurable… en phase avancée ». Le massacre légal s’étend : après avoir été doté un permis de tuer les enfants à naître en 1975 en votant l’« interruption volontaire de grossesse », le corps médical s’apprête à être mobilisé pour mettre fin à la vie des personnes « en fin de vie », directement ou par voie de complicité de suicide, par le biais de leur assassinat consenti. La victime du suicide assisté devra simplement « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».

Nous aurons entendu les justes dénonciations de l’agression légale, psychologique, morale qui visera – si le parcours législatif du texte qui vient de passer sa principale étape en attendant son examen par le Sénat suit son cours – les plus fragiles, les plus vulnérables. Oui, c’est vrai : c’est un basculement civilisationnel qui aura lieu alors. Ne dit-on pas que la valeur d’une civilisation se mesure à l’aune de son attitude à l’égard des plus faibles ?

Mais il faut apporter deux précisions à ce jugement.

La première : si basculement il y a, il ne s’agit nullement d’une première en France. La loi légalisant l’IVG en était un autre, et elle a bien fait huit millions de victimes au moins à ce jour – des victimes qui, elles, n’ont jamais eu leur mot à dire sur leur propre sort, même si le problème principal n’est pas là.

 

L’Assemblée nationale légalise la fin de vie violente

Les lois Leonetti ont quant à elles déjà légalisé une forme d’euthanasie, en autorisant la mise à mort lente, mais certaine, de personnes en fin de vie ou gravement handicapées, en leur supprimant l’hydratation et l’alimentation dans le but de les faire mourir – et en osant prétendre qu’elles meurent de leur affection. L’affaire Vincent Lambert a montré que le mépris du don de la vie était déjà entré dans les mœurs médicales, en l’occurrence au moyen de contorsions pour prétendre qu’on ne faisait qu’exécuter sa volonté en le privant de soins ordinaires.

La deuxième précision vise le sens réel de cette nouvelle loi de « fin de vie » qui, sans jamais les nommer, autorise le suicide assisté (à savoir les gestes, comme l’information et la fourniture de moyens, qui rendent le médecin complice de l’acte), et l’euthanasie, puisque le médecin ou l’infirmier est désigné comme pouvant administrer la « substance létale ». S’il est vrai en effet qu’elle permet l’élimination des plus faibles, elle est avant tout une manifestation d’orgueil de l’homme : révolte contre le commandement divin, « tu ne tueras pas l’innocent », orgueil de la puissance humaine.

En légalisant le suicide assisté et l’euthanasie, l’Assemblée nationale a pris sur elle de définir le bien et le mal en dehors de toute morale transcendante. Elle a justifié l’assassinat et organisé le suicide de ceux qui souffrent, mais qui s’arrogent de ce fait le droit d’attenter à leur propre vie, comme si elle leur appartenait, comme s’ils avaient sur elle un droit souverain. On peut atténuer le propos dans les faits, lorsque les circonstances, la douleur, la souffrance pèsent lourdement dans la balance, mais objectivement il s’agit bien de cela : un droit de se tuer, ou d’amener un autre à tuer.

 

La fin de vie n’a jamais été aussi « douce »

Et paradoxalement, ce « droit » est affirmé précisément à l’époque et dans un pays où il est possible comme jamais ce ne fut le cas dans l’histoire de soulager médicalement la douleur. Preuve que la démarche est idéologique, et vise autre chose que l’aide aux personnes en fin de vie…

Lors de son récent passage à la Grande Loge de France, Emmanuel Macron a explicité cela, en ayant pris au préalable le peine de préciser : « La République en franc-maçonnerie est plus que chez elle, elle est dans son foyer et dans son cœur… » Et d’ajouter : « Parler devant vous et à travers vous, au fond à la Nation toute entière, s’avère d’autant plus nécessaire que la franc-maçonnerie est aux avant-postes de la bataille qui importe si nous voulons façonner le siècle pour le bien de l’humanité. »

La loi de Dieu, il n’en veut pas

Le verbatim de ce discours du 5 mai ne figure pas sur le site de l’Elysée, soit dit en passant : on le retrouve ici seulement en version filmée.

En déplorant que la franc-maçonnerie eût été attaquée pour son rôle dans la promotion de la loi sur la « fin de vie », Macron déclarait : « Un signe est sans doute le fait que la franc-maçonnerie a toujours été la cible des complotistes, des obscurantistes, qui lui attribuent une influence la mettant ainsi à l’honneur. Un organe de presse vous a récemment fait procès de vouloir peser sur les débats relatifs à la fin de vie, usant au passage d’une iconographie qui était oubliée depuis Vichy. » On croit reconnaître là un article du JDD, dénoncé au fond pour lèse-majesté.

 

L’Assemblée nationale et les pressions franc-maçonnes

Macron tirait argument de cela pour saluer le rôle joué par la franc-maçonnerie pour faire adopter le « droit à l’aide à mourir » :

« Je vous le dis ici : soyez-en fiers. Que comme les autres grandes familles spirituelles les francs-maçons s’emparent de ce débat fondamental, la fin de vie, je le dis aussi ici, est une bonne chose. Je n’ai pas prévu sur ce sujet d’être trop long, et vous avez travaillé, je le sais, longuement sur celui-ci. J’ai reçu vos textes, et je vous en remercie, je lis aussi tout ce qui se dit ou s’écrit sur ce sujet. Ce n’est pas un sujet, c’est un vertige qui touche chacune et chacun d’entre nous. Mais le débat, résolument, ne peut être réduit à la question de savoir si on est pour la vie ou contre la vie, ou si d’un côté il y aurait un humanisme qui voudrait le traitement et de l’autre l’abandon à la mort simplement. Non. Comme vous l’avez bien posé, c’est la question du rapport à la mort aussi, à la souffrance, et à la dignité humaine jusqu’à la dernière seconde. Et j’ai peur que parfois dans nos débats les choses se précipitent qui oublient l’épaisseur et la grande difficulté parfois, aussi, de simplement penser le moindre mal. Car face à certaines situations il n’y a plus le bien d’un côté et le mal de l’autre, mais simplement à choisir dans des situations concrètes, dans la solitude de celui qui a à mourir, de sa famille, de son médecin, le chemin singulier qui respecte à chaque instant la dignité de chacun. Que les francs-maçons portent cette ambition de faire de l’homme la mesure du monde, le libre acteur de sa vie, de la naissance à la mort, qui peut s’en étonner. Pour ma part je m’en félicite car plus le débat pour la nation sera à ce degré d’intensité et d’élévation, plus le choix des Français se fera éclairé, et le consensus large. »

Faire de l’homme la mesure du monde, tel est en effet l’objectif réel, principal, fondamental de la loi Falorni. On parle d’« autonomie » et d’« auto-détermination » ; l’important est de saisir par rapport à quoi. Réponse simple : par rapport aux droits de Dieu, au Décalogue, au bien commun, aux devoirs envers soi et envers autrui – à commencer par ses proches.

Et l’on comprend aussi qu’il s’agit ici d’un rejet absolu de la souffrance en tant qu’elle est l’héritage de l’humanité blessée par le péché originel…

 

La fin de vie « choisie » au service de la Révolution

Il n’est pas surprenant que Macron ait clos cette partie de son discours en affirmant aux « frères » de la Grande Loge : « A travers la franc-maçonnerie, au fond, est visé le projet de révolution et d’émancipation dont vous êtes, avec d’autres, les gardiens. »

On peut discuter, après cela, des conditions de mise en œuvre du « droit à l’aide à mourir », chercher à introduire des garde-fous comme l’ont fait les députés pour tenter d’adoucir un tant soit peu la violence de la loi. On peut, et même on doit, dénoncer le mépris des vieux et des malades qu’un tel texte introduit dans la société comme un droit, un devoir, un dû.

Sans doute, face à la transgression légale qui s’annonce – car tout est mis en œuvre pour que cette loi soit définitivement adoptée dans un délai pas trop lointain – les personnes de bonne volonté doivent-elles se sentir interpellées pour venir davantage au secours des mourants et des gens qui souffrent, en les entourant d’abord par leur présence. Si un tel débat a pu progresser pour en arriver à l’adoption d’une loi de mort, c’est aussi à cause de la solitude des handicapés, des grands malades et des vieillards : s’opposer à l’euthanasie et au suicide assisté, c’est aussi vouloir prendre les moyens pour que ces fausses solutions ne tentent pas leurs victimes potentielles.

En attendant, la France s’engage sur le chemin d’une loi d’euthanasie extrême en comparaison avec celles déjà en vigueur dans une dizaine d’autres pays. Que ce soit par le délai – 15 jours d’évaluation de la demande par le médecin, puis 48 heures de réflexion pour le patient –, la légèreté des vérifications, la prise de décision favorable du médecin qui se bornera à consulter une équipe « collégiale », la possibilité de contester sa décision négative par un recours devant le tribunal administratif, les limites sévères imposées à la clause de conscience, elle va déjà très loin.

Son aspect le plus spectaculaire à cet égard est constitué par la mise en place d’un délit d’empêchement. Nous y reviendrons.

 

Jeanne Smits