Bakhita, esclave, noire et sainte : une bien belle histoire au service de la dialectique mondialiste

Bakhita Esclave Noire Sainte
 
L’histoire de Bakhita, petite esclave noire du Soudan rachetée par le consul d’Italie à Khartoum, qui finira religieuse et sainte, est belle. Le téléfilm qu’on en a tiré et que diffusait France Ô samedi est typique d’une dialectique mondialiste qui se sert du Bien en vue du mal.
 
Télérama a mal noté Bakhita. Dans les trois heures de projection, il y avait encore trop de catholicisme, trop de belles images, trop de bons sentiments pour satisfaire ces délicats de la subversion. Et puis, l’on y trouve, quoique caricaturées, des choses vraies : par exemple la traite musulmane en Afrique, sujet ordinairement évité par le politiquement correct. Ou encore le rôle libérateur de l’Eglise vis-à-vis des esclaves. Sans doute d’ailleurs ce côté jugé « islamophobe » ou « anti-arabe » par les bien pensants fait-il partie de la couche de sucre destinée à faire passer le reste de la pilule dialectique.
 

Bakhita, l’esclave noire, juge son nouveau maître « assez bon »

 
Pour le reste, ce « téléfilm sentimental » a manqué son but apparent et mis dans le mille de son but caché. S’il s’agissait de raconter proprement la vie de Bakhita, jeune noire soudanaise née en 1869, razziée, devenue esclave à neuf ans, maltraitée, violée et enfin sauvée par le consul d’Italie qui la rachète en 1883, c’est raté. Les ajouts et modifications portés par le scénario rendent cette histoire simple méconnaissable, travestie de mille inventions inutiles et désagréables. Ainsi par exemple l’ancienne esclave raconte-t-elle dans ses souvenirs : « Le nouveau maître était assez bon et il se prit d’affection pour moi. Je n’eus plus de réprimandes, de coups, de châtiments, de sorte que, devant tout cela, j’hésitais encore à croire à tant de paix et de tranquillité ». Le film en fait un homme ravagé par la mort de sa femme, violent, autoritaire, mangé de passions.
 

Une belle histoire dénaturée par le scénario

 
Dans la réalité historique, le consul, quittant le Soudan en 1885, propose d’y laisser Bakhita mais elle lui demande de l’emmener en Italie. Elle y passe au service d’une Madame Michieli qui la charge de s’occuper de sa fille Mimmina. Elle retournera en Afrique avec sa patronne, puis, au cours d’un nouveau séjour à Venise sera confiée à des religieuses canossiennes. Quand Mme Michieli souhaitera la reprendre, elle préfèrera rester chez les sœurs, malgré sa tendresse pour la petite Mimmina, ce qui donnera lieu à un procès, que Bakhita gagnera. Elle sera libre de rester au couvent en 1889 et prononcera ses premiers vœux en 1896.
Voilà qui était finalement assez simple à découper pour un scénariste, neuf ans d’enfance heureuse, cinq de malheur esclave, deux de servage adouci chez le consul et moins de cinq ans de service chez Mme Michieli et Mimmina avant que Bakhita découvre sa vocation. Hélas, de cette vie limpide, le téléfilm fait une histoire de bruit et de fureur, où, sous couleur de bons sentiments (on n’a jamais rarement vu autant sourire avec bonté au cinéma) se trouve dispensée une propagande mondialiste manichéenne.
 

La dialectique raciste mondialiste dénigre le mâle blanc

 
Première cible : le mâle blanc. En tant que mâle et en temps que blanc. Le retour en Afrique et le personnage de Mme Michieli ont été supprimés. De bout en bout Bakhita se trouve aux prises avec son racheteur, fantasque, dominateur, qui peut avoir des accès d’humanité mais la bat horriblement et la désire. C’est lui, aussi, qui poursuivra Bakhita en justice, et non une femme. Il est le seigneur de son village, comme tel étroit, réactionnaire, dur envers les petits. Il est flanqué d’un ami banquier cynique et libidineux. C’est également un lâche que la peur empêche d’exercer ses responsabilité de maître : lorsque une épidémie de variole se déclare, il fuit ventre à terre sans se soucier de ses paysans, ni même de Bakhita. En prime c’est un athée qui n’hésite pas à faire défoncer la porte de l’Eglise où s’est réfugiée la jeune femme, sous la garde du curé local. Ici, l’allusion à l’actualité d’aujourd’hui est transparente : l’homme emporté viole le droit d’asile. Un brave curé lui fait la morale.
 

Bakhita s’était mise au service du Bien

 
L’histoire est racontée par Mimmina (rebaptisée Aurora) devenue adulte. Elle a trois petites filles et un mari gentil, mais borné et autoritaire, comme tous les maris. Les scènes où ne figurent que des femmes sont dans pleines de douceur, de paix, de tendresse – sauf celles où Bakhita est en proie aux méchancetés des petites filles arabes qui lui font la vie noire ou à la jalousie des servantes du patron. Le film est très sororal, les femmes se trouvent bien ensemble quand les fauteurs de trouble mâles ne sont pas là, le pire étant le père. Aurora-Mimmina aime son père mais elle est horrifiée par sa brutalité et ses préjugés.
 
Les préjugés en général font l’objet de nombreux couplets. Ils rendent sots ou méchants tous les Blancs. Quand Bakhita arrive en Vénétie, les paysans touchent sa peau noire pour voir si elle déteint. A force de bonté et de patience, elle les désanimalise. Elle apprend aux paysannes à danser l’une de ses danses pour se réchauffer l’hiver aux champs, elle leur montre qu’on calme les angoisses d’une enfant en la berçant, ce qu’elles ignoraient apparemment. Le vivre ensemble est un bienfait pour les frustes populations de souche.
 

Esclave, noire et sainte : elle est défigurée par un marxisme grossier

 
Mille détails qu’il peut paraître systématique de relever rappellent avec une régularité d’horloge l’intention politique du film, qui est de mettre un néo-christianisme au service du projet mondialiste. Mondialiste de bonne volonté, c’est-à-dire mondialiste de gauche. Bakhita, qui sauve le village de la variole, conduit les paysans à piller ce qui reste des entrepôts du maître. La reprise individuelle est justifiée par l’urgence. Voilà une étrange théologie de la libération. Ici, c’est sans ambiguïté le patron qui est le diable. Or je rappelle que toutes ces péripéties sont totalement inventées. On nage dans une sorte de sulpicerie marxiste de base. C’est le côté Saint Sulpice qui gêne Télérama, pas le marxisme de base.
 

La dialectique mondialiste construit une Bakhita syncrétiste

 
Mais la ruse dialectique n’est pas seulement politique, elle est aussi spirituelle. La belle image chrétienne de Bakhita sert, dans le film, à faire passer un syncrétisme vaguement New Age. Bakhita est en effet présentée comme une femme qui possède de naissance un certain don (il lui a valu d’être épargnée par un lion), que le sorcier a reconnu lors d’une séance d’initiation nocturne en présence des membres mâles de la tribu. Une telle séance mixte d’initiation dans les années 1870 est parfaitement invraisemblable et ne s’appuie pas sur les souvenirs de Bakhita, qui avait oublié jusqu’à sa langue. Elle s’ajoute au scénario pour symboliser le bonheur plein de dons d’une prime enfance idyllique dans une société africaine décrétée juste et bonne, avant que la violence étrangère ne la trouble. Le sorcier donne à Bakhita un gri-gri qu’elle gardera toute sa vie, nourrissant sa force, son courage, jusqu’au bout, et lui donnera au bout du compte le sentiment d’avoir toujours été accompagnée par Dieu. Ici, on frôle la confusion entre grâce et talisman, si l’on n’y tombe pas.
 

Une sainte proche de sainte Thérèse mise au service de la politique

 
Tout cela est bien dommage, car on trouve dans l’existence de Bakhita des actes et des paroles admirables (dont le film reprend quelques unes), qui la rapprochent par moment de sainte Thérèse de Lisieux. La beauté de sa vie et de sa conversion édifie. Mais la dialectique mondialiste, tantôt subliminale, tantôt en gros sabots, tourne au profit du mal cette figure de bien.
Mutatis mutandis, c’est ce qui s’est passé dans l’affaire de la petite métisse choisie pour incarner la pucelle aux dernières fêtes de Jeanne d’Arc. Qu’une jeune fille se convertisse est une grâce ; subsidiairement, que cette jeune fille se sente française et patriote est une excellente chose. Mais tout ce bien est tourné au profit du mal par la dialectique mondialiste qui joue sur les images et les affects. Certains, dans l’Eglise d’après Vatican II, se rendent complice de la chose, avec leurs slogans qui transposent abusivement dans la politique ce qui est d’ordre surnaturel.
 
Nous devons nous demander à quoi sert aujourd’hui l’Eglise, c’est-à-dire pourquoi ses ennemis maçons ne cherchent plus à l’anéantir alors que ce fut leur premier projet. N’est-ce pas pour l’utiliser comme supplétive de leur dialectique mondialiste ? Je recommande à ce sujet la lecture de Qui instrumentalise l’Eglise ? aux Editions Godefroy de Bouillon.
 

Pauline Mille