Le gouvernement fédéral de la Belgique veut en finir avec le système pénal qui ne prévoit qu’une seule qualification, et une seule échelle de peines, pour l’euthanasie non conforme à la loi. A l’heure actuelle, de tels actes sont considérés comme des meurtres par empoisonnement, qui encourent la réclusion à perpétuité. C’est bien trop, estiment les autorités, qui veulent moduler les délits et les peines pour permettre aux médecins euthanasieurs de dormir plus tranquilles, sans craindre une remise en cause radicale de leur geste de mort.
Techniquement, l’euthanasie est pourtant bien cela : la mise à mort par l’administration d’un poison mortel. Dans la mesure où la loi dépénalise l’acte dans un cadre défini (mais qui évolue avec l’élargissement de fait des conditions qui s’est installé au fil des ans), le non-respect de ce cadre fait automatiquement tomber la protection légale.
Alléger les peines encourues pour tranquilliser les médecins
Dans les faits, depuis la légalisation de l’euthanasie par la Belgique en 2002 – peut-être justement en raison de la gravité des sanctions encourues – aucun médecin n’a été poursuivi pour une euthanasie illégale avant 2020. Cette année-là, trois médecins ont été inculpés de meurtre pour la mort de Tine Nys, une femme de 38 ans souffrant de troubles psychiques mais en bonne santé, euthanasiée en 2010 dans des conditions terribles. Non seulement elle souffrait d’autisme non soigné, non seulement elle venait de vivre une rupture sentimentale difficile, mais en outre l’euthanasie se déroula elle-même de manière atroce, puisque le médecin avait oublié des instruments et que le père de la jeune fille dut mettre la main à la pâte. Mais lorsque la famille de Tine décida de poursuivre, c’est cette sommation de répondre à leurs actes qui fut un choc énorme pour l’establishment de l’euthanasie. Les médecins ont cependant été définitivement acquittés en novembre dernier.
C’est en vue de rendre d’éventuelles sanctions futures plus « proportionnées » à la gravité de l’infraction que le gouvernement belge envisage de modifier la législation. Dans l’état actuel de son projet, si les médecins violent le cadre de base de l’euthanasie légale, ils seront passibles d’une peine d’emprisonnement de 10 à 15 ans.
S’ils remplissent toutes les conditions de base, mais commettent une grave erreur de procédure, par exemple en ne consultant pas un deuxième ou un troisième médecin, une peine d’emprisonnement moins lourde, de 8 jours (!) à 3 ans, pourra être prononcée.
Peut-être le médecin mis en cause dans l’affaire de l’euthanasie d’Alexina, 36 ans, d’Oupeye près de Liège, qu’il a fallu achever en septembre dernier en l’étouffant avec un coussin, pourra-t-il profiter de cette « loi pénale plus douce » ?
L’euthanasie en Belgique ne cesse de dériver
De manière générale, il est également prévu de faire bénéficier le cas échéant les médecins de circonstances atténuantes, et des peines de remplacement pour celles privatives de liberté pourront être prononcées.
Certains médecins belges se sont félicités de ces changements. Le Dr Luc Herry, du syndicat de médecins ABYSM, a déclaré que le système actuel n’était pas adéquat. « Si un médecin a oublié un aspect de la procédure, mais que le patient a effectivement fait une demande d’euthanasie, un membre de la famille peut toujours déposer plainte. Evidemment, comme nous n’avons plus le témoin principal puisqu’il est décédé, le médecin aura plus de mal à se défendre », a-t-il expliqué.
L’euthanasie reste toujours un empoisonnement mortel
« Lorsqu’une personne souffre de manière insupportable et fait appel à des médecins pour choisir de se faire euthanasier, les médecins ne doivent pas être empêchés par la perspective de pouvoir être accusés de meurtre par empoisonnement », a déclaré le ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt, aux médias. « Il est important de respecter les conditions, mais nous prévoyons désormais des sanctions proportionnées. De cette manière, nous veillons à ce que les médecins puissent continuer à accomplir cette tâche délicate en toute conscience et en toute tranquillité d’esprit, tout en respectant au mieux et correctement les souhaits des patients. »
C’est une illustration parfaite de la dérive de la justice dans une société où le droit est purement positiviste, exprimant la volonté de la majorité du moment et faisant de cette loi humaine la mesure de toutes choses. On ne se demande déjà plus, surtout plus s’il est conforme au bien de tuer un patient en l’empoisonnant : seul compte le cadre juridique qui disculpe le médecin dès lors qu’il agit conformément à la fois à la volonté du patient et du règlement. Voilà où en est la Belgique : à la fonctionnarisation de la mort.