Alex Newman, collaborateur du New American, vient de publier une nouvelle vidéo passionnante sur la paganisation du monde et l’arrivée du New Age à travers l’action et les croyances des grands noms de Silicon Valley. Il s’y entretient avec Carl Teichrib, spécialiste de cette pensée et évangélisateur chrétien. Celui-ci s’est rendu récemment dans l’un de leurs lieux d’expression préférés, le festival Burning Man, dont la dernière édition s’est tenue il y a un mois dans le désert de Black Rock au Nevada. Teichrib s’y tient dans un campement nommé, s’inspirant de saint Paul, « le camp du Dieu inconnu » à l’extérieur du festival avec l’objectif de parler avec des participants et les amener au Christ.
Dans cet entretien, il montre comment le festival attire véritablement les élites de la technologie, de l’informatique et de l’intelligence artificielle qui viennent là puiser de l’inspiration dans un rassemblement certes centré sur la fête, mais qui, avant tout, a une dimension spirituelle – une dimension qui favorise l’idéologie d’un monde ramené au paganisme et à l’occultisme, à l’œuvre dans la religion écologique et dans la promotion du New Age. Teichrib dénonce changement de paradigme qui balaye le monde occidental, qu’il connaît lui-même de près puisqu’il assiste en personne à de nombreux événements de ce type. Il a ainsi participé au Parlement des Religions ou au Forum du Millénaire des Nations unies.
Carl Teichrib prêche le Christ à la marge de Burning Man
Pour ce qui est de Burning Man, Teichrib y va depuis plusieurs années. De quoi s’agit-il, selon lui ? « C’est un lieu où se crée un sentiment d’appartenance à une communauté, un laboratoire où de nouvelles idées sont explorées, où les gens viennent pour vivre des expériences et faire des rencontres, où les individus sont en quête de spiritualité. » C’est aussi un lieu où « la sexualité est explorée et exprimée ». Tout cela dans une ville qui pousse au milieu du désert, le temps du festival, avec son propre aéroport, son journal, son plan des rues, ses infrastructures, ses magasins, ses restaurants… Et même une « tente à orgies »… :
« Il y a un mélange vraiment éclectique de personnes qui viennent parce qu’elles ont une certaine importance, une certaine influence, un certain pouvoir, quelle que soit la façon dont vous vouliez le définir. Et elles reconnaissent que c’est ici que le monde se réunit. L’un des ateliers auxquels j’ai participé cette année portait sur l’intelligence artificielle. Un autre portait sur la restructuration, la reconstruction de l’économie mondiale et son éloignement du capitalisme vers une forme d’antiquo-communisme. Et, comme cela a été décrit lors d’un des ateliers, Burning Man est une “cérémonie pour l’avenir du monde”. »
Le festival culmine avec la mise à feu de son symbole : un énorme homme schématique fait de bouts de bois, le « Burning Man », et cela s’accompagne d’un véritable rituel. Les participants brûlent dans un immense brasier des messages et des objets pour faire un deuil et trouver un renouveau spirituel. On peut véritablement parler d’un culte.
A la demande d’Alex Newman, Teichrib décrit l’ambiance générale de ce festival. On y a le sens de la fantaisie et de l’autodérision, explique-t-il : la plupart du temps, « juste pour rire ». De nombreux camps s’y juxtaposent, certains dédiés à des religions ou à des activités « bouddhistes, ésotériques ou occultes ».
Le paganisme et l’occultisme des « élites » s’entendent pour moquer les chrétiens
Lui qui connaît bien le festival Burning Man a pu observer qu’on y trouve des camps où la moquerie vise spécifiquement le christianisme :
« Cela atteint un niveau d’absurdité et cela est intéressant en soi, car cela donne lieu à des conversations. J’en ai eu une avec un type en 2023 à ce sujet (il venait à Burning Man depuis longtemps) : sur le fait que la seule religion qui soit sérieusement moquée, significativement moquée, est le christianisme. Et cela l’a en quelque sorte surpris, car il est du genre à dire : “Nous sommes ouverts à tout le monde.” »
Si Carl Teichrib et son équipe parviennent généralement à avoir des conversations paisibles, même avec les non-croyants qui viennent par curiosité voir son campement. Il a constaté qu’en ce lieu où sont proposés la croix et la Bible, les gens font réellement des choix radicaux, entre suivre le Christ ou le rejeter pour retourner au festival. Pour suivre « le monde » en quelque sorte.
Pour Alex Newman, le phénomène « Burning Man » n’est pas isolé. D’une part parce que le festival a désormais des filiales dans d’autres pays, mais surtout parce que sur le plan international le lien entre son idéologie et la tech et l’intelligence artificielle est de plus en plus visible. Il observe, et interroge : « Il me semble que la frontière entre la technologie et la technologie occulte, entre la technologie et la magie, est de plus en plus floue, et cela semble converger dans des événements comme Burning Man. Une partie de cela commence maintenant à être révélée au grand public, où l’on découvre que certains PDG de grandes entreprises technologiques prennent des drogues hallucinogènes et communiquent supposément avec des entités qui leur donnent des idées pour de nouveaux codes informatiques et autres. Que pensez-vous qu’il se passe ici, Carl ? »
Burning Man, « une extension de la Silicon Valley »
Réponse de Carl Teichrib :
« Tout d’abord, Burning Man est une extension de la Silicon Valley, de San Francisco et l’événement plonge profondément ses racines dans la contre-culture des années 1960 et 1970. Il est également profondément enraciné dans la culture informatique, et les deux convergent à bien des égards à Burning Man. Il n’est donc pas surprenant d’y trouver des ateliers sur les cryptomonnaies, la gouvernance numérique, l’intelligence artificielle. Et c’est un fait connu que Burning Man est l’endroit où les développeurs technologiques se rendent pour découvrir de nouvelles idées, pour chercher des perspectives. En fait, la première plateforme de réalité virtuelle non liée au jeu vidéo qui a connu un certain succès, Second Life, est née des expériences vécues par Philip Rosedale. Je crois que c’était en 1999 à Burning Man. Il y a donc cette intersection. Il y a clairement un carrefour où tout se rejoint, et Black Rock City est sans aucun doute cet endroit. Elon Musk – je crois que c’était en 2014, je l’ai documenté dans mon livre – lorsqu’il était à la première de la mini-série HBO, Silicon Valley, est bien connu pour avoir réprimandé les producteurs en découvrant qu’aucun d’entre eux, aucun des acteurs, des membres de l’équipe ou des producteurs n’était jamais allé à Burning Man. Il leur a dit qu’ils ne pouvaient pas comprendre la Silicon Valley s’ils n’allaient pas à Burning Man. Et c’est tout simplement la réalité, car c’est bien de cette culture qu’il s’agit.
« C’est tellement vrai, et c’est assez intéressant – et c’est là que les gens paniquent aussi – que Google et Burning Man sont étroitement liés. En effet, lorsque Google a cherché à se constituer en société à l’automne 1998, ils ont placé une image très célèbre sur leur page, leur tout premier Google Doodle, et c’était le symbole de Burning Man, signifiant à tout San Francisco, à toute la région de la baie, que Google “était” en quelque sorte Burning Man. Et c’était une priorité. En fait, lorsque Eric Schmidt, le PDG de Google, est arrivé et a fait de Google la puissance mondiale que cette société est devenue aujourd’hui, l’une des raisons pour lesquelles il a été embauché comme PDG est qu’il avait Burning Man sur son CV.
« Les deux sont donc intimement liés. Google Maps a été testé en version bêta à Burning Man. Et c’est là que les choses deviennent vraiment intéressantes pour le participant lambda, qui pense qu’il s’agit juste d’une fête déjantée dans le désert – une bande de hippies nus qui courent partout. Premièrement, je ne vois pas de hippies quand je suis là-bas. Les hippies n’ont pas les moyens d’y aller. Il semble que ce soit plutôt un endroit où se retrouvent vos voisins, et le secteur technologique, les hommes d’affaires. C’est intéressant, car si vous utilisez Google et tous les autres produits numériques auxquels nous avons recours, vous êtes déjà tous des “digital burners”, sans le savoir. »
Newman a également interrogé Teichrib sur ce que l’on observe aujourd’hui dans différents hauts lieux du dialogue interreligieux que ce dernier a visités. La question portait sur la convergence internationale entre religions et mouvements religieux à la suite du programme de l’ONU, l’idéologie du développement durable – car on n’y parle pas de théologie.
Le mouvement interconfessionnel sert en réalité le paganisme et l’occultisme
Teichrib identifie le premier parlement des religions du monde, qui s’est tenu en 1893 et qui a lancé le mouvement interconfessionnel, comme étant à la racine de ce mouvement :
« J’ai assisté à plusieurs événements interconfessionnels, à plusieurs parlements des religions du monde, mais j’ai également assisté à la signature de la Charte du Sommet des religions unies en 2000, et j’ai participé à quelques autres événements. Vous avez tout à fait raison, ce ne sont pas des lieux où l’on dissipe les différences théologiques et où l’on tente de les fusionner en une seule religion : au contraire, toutes les religions convergent autour d’un discours idéologique. Et ce discours est celui d’un monde unique vers lequel nous devons tendre, pour travailler à l’unisson, politiquement, idéologiquement, à essayer de créer le paradis sur terre. »
On y rencontre des chrétiens et même des conservateurs, selon Teichrib, mais aussi des leaders juifs, musulmans, sikhs, baha’is (« beaucoup de baha’is »), certains sans vraiment savoir ce qui se trame. Il affirme :
« C’est une sorte de politique spirituelle autour du récit du Programme 2030, des objectifs de développement durable, du changement climatique. Ce sont les sujets de conversation qui reviennent sans cesse. Je me souviens qu’en 2023, j’ai assisté à un atelier avec Karina Gore sur les groupes confessionnels qui se désengagent de l’industrie pétrolière et sur la politique des organisations confessionnelles. Les organisations chrétiennes cherchaient à orienter les Nations unies vers ce qu’elles décrivaient comme un traité de non-prolifération du développement pétrolier. Voilà le type de conversations qui ont lieu. Ce qui est intéressant du point de vue du Burning Man, c’est que cet événement est lui-même interconfessionnel. Les bouddhistes y sont présents, les hindous y sont présents, on y croise des musulmans, et même un assez grand nombre de musulmans. Ces deux dernières années, Burning Man a été le théâtre d’une guerre de propagande entre le Hamas palestinien et le côté israélien. Mais là encore, cette composante religieuse qui s’intègre et s’imbrique dans les récits mondiaux est un signe très révélateur de l’époque dans laquelle nous vivons. »
Que faire ? Teichrit encourage à ne pas désespérer, à ne pas s’enfouir la tête dans le sable en espérant que cela passe :
« Car alors vous ne savez pas où sont vos amis. Vous ne savez pas non plus où sont vos adversaires, et vous n’avez aucune possibilité d’interagir avec les gens qui vous entourent. Et c’est ce qu’il nous appartient de faire. En fait, notre réponse est là. Et nous devons avoir une réponse, pas une réaction. Réagir, c’est une sorte d’explosion émotionnelle. Nous sommes très doués pour cela sur les réseaux sociaux – mais nous devons en réalité répondre, ce qui nécessite une réflexion logique, une position biblique, la compréhension de l’autre vision du monde, puis l’apport d’arguments solides dans la conversation. Je vois cela comme une opportunité. Et je le pense vraiment.
« Donc, même si cela peut susciter une certaine crainte, je vous encourage vraiment à rechercher plutôt l’occasion d’avoir des conversations pour le Christ avec vos voisins, vos amis, votre famille, vos collègues, qui se demandent ce qui se passe dans le monde. Parce qu’ils le voient, ils le savent : c’est déjà sous nos yeux. C’est impossible à cacher. Nous devons donc considérer cela comme une occasion d’avoir des conversations et de les mener d’une manière exemplaire qui sache montrer la grâce et la vérité. C’est une chose sur laquelle nous, en tant qu’équipe, insistons vraiment en allant à Burning Man : nous devons avoir à la fois la vérité et la grâce, être capables d’être la lumière et, espérons-le, le sel du monde pour les gens qui nous entourent.
« En fin de compte, nous devons être des ambassadeurs, et nous le répétons souvent au sein de la communauté chrétienne. Nous devons être les ambassadeurs du Christ. Etre ambassadeur est une tâche très intéressante. Ce n’est pas une chose à laquelle la plupart d’entre nous pensent beaucoup. Mais un ambassadeur est quelqu’un qui est le représentant légal et officiel de votre gouvernement. Il ne s’agit donc pas tant de devenir ambassadeur : la question est de savoir dans quelle mesure vous êtes efficace en tant qu’ambassadeur, en tant que représentant légal et officiel du Roi des rois. Et ensuite, connaître la culture qui vous entoure comme le fait un ambassadeur, afin de pouvoir introduire correctement la vérité dans la conversation. »
Que serait le monde selon Burning Man ?
Et si les habitués de Burning Man, les technophiles et les adeptes des religions mondiales continuent tous à avancer sans entrave, à quoi ressemblera le monde dans 10, 20, 30 ou 40 ans ? La réponse de Carl Teichrib fuse : « Un gouvernement mondial ésotérique » :
« Qu’est-ce que cela signifie ? Sans aucun doute, cela signifie que nous aurons un gouvernement mondial collectivisé, une sorte de système de gouvernance mondiale collectivisé où notre allégeance première sera à la nature, à l’environnement, et derrière cela, aux entités spirituelles qui composent ce royaume. J’ai une copie du discours de Boutros Boutris Ghali au Sommet de la Terre de Rio en 1992. Il est dans mon livre… Il dit très clairement que le Sommet de la Terre de Rio en 1992 visait à établir un nouveau contrat spirituel avec la nature, y compris les divinités qui habitaient les rivières, les montagnes, les forêts. Je pense donc que c’est ce qu’on verrait une sorte de récit collectivisé, païen, basé sur la Terre, mais avec des dents. C’est absolument la trajectoire que cela nous fait prendre. »
Avec des dents ? C’est-à-dire, puissant, agressif et capable de s’imposer… Y compris et d’abord, répond Newman, en agissant contre la « grande hérésie de la séparation » dénoncée par l’occultiste Alice Bailey, qui a eu « une influence considérable sur l’ONU », comme un frein à l’avènement du New Age : en fait, la foi du peuple hébreu et des chrétiens qui voit Dieu comme séparé, totalement distinct du monde. Comment continuer d’être ce frein ? Que feront les adeptes du New Age panthéiste pour le contrer ?
« Eh bien, premièrement, c’est soit la mise à l’écart, soit l’élimination, c’est ce qui se passe actuellement. Ou nous pourrions potentiellement faire face à une persécution plus intense. Telle a été l’histoire du monde, en particulier au cours des 100 et quelque dernières années, que ce soit dans la Russie communiste, l’Union soviétique, la Chine maoïste, ou même aujourd’hui en Corée du Nord, dans certains pays africains ou à Cuba. Il y a donc une réelle possibilité de persécution intense, cela ne fait aucun doute. En même temps, cela nous donne une opportunité, car ce sentiment de séparation qui nous distingue est en soi un sujet de conversation. Le monde recherche ou tente de suivre le sentiment d’unité selon lequel Dieu, la nature et le divin sont tous essentiellement identiques. Le message chrétien est : non, ils ne le sont pas. Le Dieu que nous servons est distinct, saint, exalté, mis à part, complètement différent de la création. Nous devons donc nous agenouiller devant lui, et non devant nous-mêmes, ni devant la nature, ni devant les récits que débite l’élite mondiale. »
Carl Treichib a écrit sur ces sujets un livre intitulé Game of Gods: The Temple of Man in the Age of Re-Enchantment. Il est également l’auteur d’un blog sur Substack, Convergence: Power and Belief, où il aborde des actualités en rapport avec ses recherches.











