La Chine censure 10.000 comptes internet : les géants occidentaux appâtés par son immense marché sont prévenus

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Le régime communiste chinois vient de bannir 10.000 comptes de plusieurs médias sociaux ces trois dernières semaines afin de “combattre la dissidence” et imposer la ligne du parti unique. Le quotidien de Hong Kong South China Morning Post indique que les cibles de la censure vont des célébrités médiatiques jusqu’aux Chinois moyens. Les plateformes visées sont Weibo, Tencent, NetEase, Baidu, de même que les sites d’agrégation Toutiao et Sohu. L’administration chinoise de l’internet a fait savoir que les comptes interdits « bafouaient les lois et règlements, mettaient en cause l’écologie de l’opinion publique sur internet » et « répandant des informations politiques dangereuses, des déformations malveillantes de l’histoire du parti communiste et salissait la réputation des héros et de la Chine ». Les censeurs dénoncent aussi « la mise en cause de la morale de base de notre société » et celle « de la maturation équilibrée de la jeunesse par une pornographie vulgaire et le viol des bonnes mœurs ». C’est une mise en garde flagrante pour les géants occidentaux appâtés par son immense marché.
 

La censure de 10.000 comptes en Chine, « amorce de nouvelles mesures »

 
Auparavant, Weibo et WeChat avaient tenté de désamorcer les foudres du régime en fermant de leur propre initiative quelques comptes immensément populaires sous prétexte qu’ils diffusaient « des messages politiques dangereux » et de la pornographie. Apparemment, ces initiatives n’ont pas suffi : les dirigeants de ces réseaux sociaux en Chine ont été « sérieusement sermonnés » par l’administration d’Etat de censure d’internet, accusés « d’irresponsabilité et de gestion laxiste ».
 
Un dirigeant de l’administration d’Etat de l’internet, cité par le quotidien de Hong Kong, a fait savoir que la fermeture de 10.000 nouveaux comptes n’était que l’amorce « de nouvelles mesures pour gérer une nouvelle industrie ». Le South China Morning Post cite en regard des réactions stupéfaites et indignées d’utilisateurs chinois. L’un d’eux dénonce une expulsion « sans avertissement » de « nombreux professionnels des médias sociaux qui travaillent dans ce secteur depuis des années et en ont fait leur gagne-pain – sommes-nous vraiment en 2018 ? ».
 
Signe qui ne trompe pas, le New York Times a remarqué le nombre considérable de fonctionnaires de la censure chinoise présents à la Conférence mondiale de l’Internet à Shanghai la semaine dernière alors que les géants occidentaux de la technologie avaient passé leur tour. Les « entreprises privées » chinoises du secteur présentes à la conférence y avaient « étalé leurs façons de soutenir et travailler plus étroitement avec leur gouvernement ». On y notait la présence de dirigeants de médias sociaux et de fournisseurs de logiciels. Le ministre chinois en charge de la propagande était présent à cette conférence, où il célébra « le modèle chinois » du contrôle d’internet. Il y défendit « la cyber-souveraineté » et le droit pour chaque Etat de choisir sa propre « voie de développement du cyberespace ».
 

La Conférence mondiale de l’Internet a illustré la fracture entre Chine et Etats-Unis

 
L’agence Bloomberg a estimé pour sa part que cette édition de la Conférence mondiale de l’Internet a illustré la fracture nouvelle entre les sphères d’influence de la Chine et des Etats-Unis, ainsi que l’a prédit le patron de Google. Eric Schmidt déclare ainsi : « Les régulateurs chinois ont fait étalage de leur concept de cyber-souveraineté depuis la conférence inaugurale de 2014. Mais la dichotomie entre les industries technologiques américaines et chinoises n’a jamais autant attiré l’attention qu’aujourd’hui, alors que les deux puissances mondiales les plus riches s’opposent frontalement dans un conflit qui peut engendrer un Nouvel Ordre Mondial ». Le patron de Google oppose les fleurons américains tels que Google ou Facebook, qui sont sous le feu des critiques pour violation de la vie privée et pour leur supposée tolérance envers les « discours de haine », alors que leurs équivalents chinois « vantent leur supériorité, celle de leur engagement au côté des intérêts supérieurs de l’Etat ».
 

Les géants occidentaux candidats au grand festin chinois sont prévenus

 
Le patron de Tencent Holdings, Ma Huateng, a pour sa part comparé la Chine à « un vaste océan que les tempêtes ne peuvent pas perturber » et qui constitue « une opportunité, non seulement pour l’industrie d’internet mais pour tous les secteurs, non seulement pour la Chine elle-même mais pour le monde entier ». Les géants occidentaux pressés de participer au grand festin chinois avec son milliard et demi de cerveaux sont donc prévenus, ainsi que le confie Gary Rieschel, de Qiming Venture Partners : l’approche chinoise crée un « climat de peur », le régime de Pékin pouvant frapper à tout moment, et à un coût considérable, toute entreprise voguant sur « le vaste océan » que constitue son immense marché.
 

Matthieu Lenoir