C’est un moment historique de la vie politique du Portugal qui vient de se produire : une triple alliance de gauche entre les socialistes, les communistes et les radicaux vient de former le gouvernement. Férocement opposée à la politique d’austérité imposée par Bruxelles sous la férule du FMI, la coalition de gauche risque de mettre à mal le dogme du respect des limites déficitaires de la zone euro. Libéré de la tutelle de la troïka UE-FMI depuis l’an dernier, le Portugal ne dépend plus du fond d’aide d’urgence européen, ce qui fait craindre le pire au président portugais, Anibal Cavaco Silva, qui menace les socialistes de dissoudre le gouvernement s’ils remettent en cause les règles déficitaires en vigueur dans la zone euro, le paquet fiscal ou encore s’ils nuisent à la crédibilité du pays.
La coalition de gauche, un avatar de Syrisa ?
Même si le leader du parti socialiste, Antonio Costa, pro-européen dans l’âme, s’est efforcé de rassurer les banques et les cercles d’affaires influents et s’il a nommé Mario Centeno, économiste aux penchants « blairistes », au ministère des Finances, il n’en reste pas moins que ses efforts peuvent à tout instant être mis en danger par les membres de sa coalition. L’infime marge de manœuvre de la coalition de gauche peut très bien se réduire à néant du fait des communistes ou du Front de gauche qui se réservent le droit de ne pas être d’accord avec les socialistes sur des sujets aussi sensibles que la Syrie ou le traité transatlantique.
Austérité et socialisme
Si les socialistes jurent de respecter les règles de déficit de la zone euro, leur politique n’en donne pas les signes. Qui plus est, elle n’est pas compatible avec le paquet fiscal. Plusieurs mesures à venir en attestent : augmentation des salaires et des pensions pour les fonctionnaires, réévaluation du salaire minimum à 600 € avec un bonus équivalent à deux mois de salaire, tarifs de l’électricité préférentiels pour les familles pauvres, exemption de la TVA pour les restaurateurs, gel des privatisations d’EGF (distribution de l’eau) et de la compagnie aérienne TAP ou encore gel de la mise en concurrence des sociétés de transports à Lisbonne et à Porto.
De l’avis d’un fonctionnaire européen en lien étroit avec le Portugal, le pays n’est guère mieux loti que la Grèce, avec une dette publique qui se monte à 128 % du PIB. Le Portugal n’a pas été soumis au même traitement de choc que la Grèce pour la simple raison que la troïka de l’UE et du FMI craignait un second désastre.
Pour Bruxelles, les indicateurs du Portugal sont au rouge
Le FMI met en garde le Portugal, dont l’activité économique a connu un coup d’arrêt au 3e trimestre. L’effondrement de la demande intérieure lui a permis de réduire de 12 % le déficit de ses comptes courants, mais l’inversion de la tendance économique ne s’est pas amorcée, avec une perspective d’endettement public qui se maintiendra aux environs de 130% jusqu’en 2020.
Le Portugal a par ailleurs été davantage victime du passage à l’euro que d’autres pays comme la Grèce ou la Finlande. Les agences de notation telles que Fitch, Moody ‘s ou Standard & Poor’s ont toutes donné des notes désastreuses au Portugal. La coalition de gauche menée par Costa prend désormais les rênes du pays sachant que sa sécurité financière ne tient qu’à un fil.