Vu de Pékin, l’essai nucléaire de la Corée du Nord vassale est un prétexte idéal pour renforcer le pouvoir de l’ONU

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Qu’il se fût agi d’une bombe atomique ou d’une bombe à hydrogène comme l’affirme Pyongyang, le doute subsiste. Ce dont les experts occidentaux sont certains, c’est que la sixième explosion nucléaire effectuée par la Corée du Nord, dimanche 3 septembre, était la plus puissance jamais réalisée par la dictature communiste. Le Geological Survey américain a évalué le séisme engendré à une magnitude de 6,3. Le ministère de la défense sud-coréen à 5,7, soit bien en dessous (l’échelle est logarithmique). Nonobstant, cette force place l’explosion à un niveau « cinq à six fois » plus élevé que le dernier essai nucléaire nord-coréen l’année dernière, a dit Lee Mi-sun, analyste en chef à l’administration météorologique de Séoul. Mais là n’est pas l’essentiel. Cet essai est surtout pain bénit pour les tenants d’une gestion globale des conflits et donc d’un pouvoir politique planétaire, objectif central de la diplomatie de la Chine en particulier dont la Corée du Nord est, de notoriété publique, le vassal.
 

Essai nucléaire de la Corée du Nord : à Pékin, le porte-parole Geng Shuang refuse de dire si la Chine était au courant des préparatifs…

 
Si cet essai, combiné avec les récents tirs de missiles intercontinentaux effectués par Pyongyang, ont ébranlé les marchés financiers – l’indice Dow Jones industrial perdait 1,07 % mardi à Wall Street après une longue fin de semaine – et s’il mettait en émoi la diplomatie américaine, c’est la réaction de Pékin qui attirait tous les regards. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Geng Shuang a dû répondre à plusieurs questions embarrassantes lors d’un point de presse le lundi 4 septembre. La Chine était-elle informée en amont de cet essai nucléaire ? Elle « est engagée activement en faveur de la dénucléarisation de la péninsule coréenne et s’oppose au développement d’armes nucléaires et de missiles par la République populaire de Corée », a-t-il dit, éludant soigneusement le cœur de l’interpellation. Pékin, a-t-il poursuivi « a fourni d’énormes efforts en faveur d’un accord de paix dans la péninsule par le dialogue et la négociation », citant « une approche à deux entrées » et le principe de « suspension pour suspension » en matière militaire.
 

… Mais le porte-parole de la Chine insiste sur le rôle clé du Conseil de sécurité de l’ONU

 
Mais surtout, sur le sujet d’une protestation de Pékin auprès de Pyongyang, Geng Shuang a répondu : « Le gouvernement chinois a immédiatement exprimé sa position solennelle par un communiqué du ministère des Affaires étrangères » qui a déposé « une sévère protestation auprès du premier représentant de la République populaire de Corée à son ambassade  en Chine ». En conséquence, la Chine communiste, a-t-il dit, « a toujours appliqué entièrement et scrupuleusement les résolutions légitimes du Conseil de sécurité » de l’ONU concernant la Corée du Nord et poursuivra « son approche constituant à aider à la dénucléarisation de la péninsule ». L’ONU est donc bien au cœur de la stratégie chinoise en la matière.
 
Il est essentiel de relever que la Chine a exprimé son soutien aux résolutions du Conseil de sécurité. De nombreux analystes estiment en effet que l’objectif principal des efforts militaires de la Corée du Nord – missiles, développement nucléaire – est d’aider l’oligarchie mondiale à renforcer les Nations unies. « Bien loin d’être isolé, le régime communiste de Corée du Nord dispose d’amitiés dans les plus hautes sphères depuis le début, et ça continue », estime Alex Newman, analyste diplomatique du site thenewamerican. « D’abord et avant tout, poursuit-il, le régime est la marionnette et le plus proche allié de la puissante dictature communiste qui réduit la Chine continentale et ses 1,3 milliards d’habitants en esclavage, régime qui vise de plus en plus à étendre son influence au niveau planétaire ». Newman en déduit que « Si la Chine soutient sincèrement les sanctions prises par l’ONU, alors, le fait de permettre à ce régime fantoche de multiplier les provocations, nucléaires ou balistiques, constitue un moyen efficace de justifier ces sanctions et par conséquence de renforcer l’organe global qui les prend ».
 

Poutine aussi appelle à un règlement par l’ONU, prétexte à la mondialisation du pouvoir politique

 
Du côté russe, Vladimir Poutine a condamné l’essai nucléaire le 5 septembre, mais a aussi mis en garde contre l’usage de la force contre l’Etat communiste, évoquant « un chemin qui ne mène nulle part » hormis à « une catastrophe globale ». Le président russe, qui était en Chine pour le sommet Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud, a jugé que la Corée du Nord « préfèrera manger de l’herbe que de renoncer à son programme nucléaire tant qu’elle ne sentirait pas en sécurité ». Un nouvel appel du pied à un règlement global, et donc onusien, de la question, prétexte à la mondialisation du pouvoir politique.
 
Du côté des Etats-Unis, nommément visés depuis toujours par la Corée du Nord, l’ambassadeur auprès des Nations unies Nikki Haley est revenue aux fondamentaux en déclarant devant le Conseil de sécurité, réuni en seconde urgence le 4 septembre, que les actions de Pyongyang signifient que Kim Jong-un « cherche la guerre » et qu’il était temps que le Conseil adopte les mesures diplomatiques les plus fortes : « Trop c’est trop. Les Etats-Unis ne veulent pas la guerre. Nous ne la voulons pas maintenant. Mais la patience de notre pays n’est pas illimitée ». Le président Donald Trump, interrogé sur une éventuelle attaque contre la Corée du Nord, a répondu en laissant toutes les portes ouvertes : « Nous verrons bien ». Son secrétaire à la Défense Jim Matthis a affirmé pour sa part que les Etats-Unis ne visaient pas « la destruction totale » de la Corée du Nord, mais a ajouté qu’ils « disposent de nombreuses options ».
 

Matthieu Lenoir