Les députés votent la légalisation de l’avortement en Argentine – réaction ahurissante de la Conférence épiscopale

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Par 129 voix contre 125, et une abstention, la chambre des députés du congrès de l’Argentine a adopté en première lecture, jeudi, le texte qui légalise la mise à mort des enfants à naître en autorisant l’accès libre à l’avortement jusqu’à la 14e semaine de gestation. Et même jusqu’à neuf mois de grossesse en cas de viol, risques pour la vie ou la santé de la mère ou de fœtus non viable. Elle autorise l’avortement des mineures de plus de 16 ans sans avis parental et oblige les médecins objecteurs à se faire enregistrer comme tels, mais ne reconnaît pas le droit à l’objection des établissements de santé. C’est une loi extrême puisqu’elle rend possible l’avortement jusqu’au terme de la grossesse sur déclaration sous serment de la femme devant un professionnel de santé qu’elle a été victime d’un viol, sans autre forme de contrôle ni même exigence de dépôt de plainte à l’encontre du supposé violeur. En attendant l’examen du texte par le Sénat argentin, la commission exécutive de la conférence épiscopale d’Argentine, présidée par Mgr Oscar Vicente Ojea, un proche du pape François, a publié un communiqué proprement ahurissant.
 
Le projet de loi devrait rencontrer une opposition plus forte au Sénat. Mais ce ne sera pas, hélas, grâce à l’Eglise. Si Mgr Hector Aguer, « exilé » depuis lors pour être remplacé par Mgr Victor Manuel Fernandez, un très proche du pape François, a pu dire en février à propos de la loi préparée par l’équipe de Mauricio Macri : « C’est un gouvernement sans principe d’ordre moral et naturel », la hiérarchie catholique ne s’est pas fait entendre avec toute la force qu’on aurait pu en attendre.
 

Le silence du pape alors que les députés de son pays ont voté la légalisation de l’avortement

 
La salutation du pape François, jeudi, à l’équipe de football d’Argentine pour l’ouverture du mondial 2018 a ainsi attiré l’attention sur son silence, le même jour, à propos du vote qui a clairement fait basculer son pays dans le camp de la culture de mort. On dit qu’il a œuvré dans l’ombre, une stratégie paraît-il. Ratée, à l’évidence. Car s’il est aussi populaire qu’on le dit, seul lui pouvait galvaniser ses compatriotes ! De même, les catholiques argentins qui voulaient faire des processions et des adorations dans la rue sur la place des Deux Congrès ont-ils été découragés par l’archevêché de Buenos Aires et la commission épiscopale laïc et famille, suggérant qu’il valait mieux aller prier dans les églises alentour.
 
Le communiqué de la conférence épiscopale à la suite du vote affirme : « En tant qu’Argentins, cette décision fait mal. Mais la douleur en raison de l’oubli et de l’exclusion des innocents doit se transformer en force et en espérance, pour continuer de lutter pour la dignité de toute vie humaine. » Et d’ajouter que le dialogue devait encore être possible : il faudrait mettre en évidence qu’aux difficultés d’une « grossesse inattendue », de la pauvreté, de la marginalisation sociale ou de la violence on ne fait qu’ajouter un « nouveau traumatisme, l’avortement ». Ce qui est tout de même l’art de tourner autour du pot en oubliant le principal : la légalisation de l’avortement est un permis légal de tuer.
 
Les évêques invitent à « chercher des solutions neuves et créatives pour qu’aucune femme n’ait à recourir à l’avortement » : ce sera la tâche des sénateurs qui ont à « reconnaître la valeur de toute vie et la valeur de la conscience ».
 

La réaction ahurissante de la Conférence épiscopale, qui ravale la lutte pour la vie au rang d’idéologie

 
Mais ils ajoutent : « Il faut un dialogue serein et réfléchi pour répondre à ces situations. Vivre le débat comme une bataille idéologique nous éloigne de la vie des personnes concrètes. Si nous cherchons seulement à imposer notre propre idée ou intérêt pour faire taire la voix d’autrui, nous continuerons de reproduire la violence dans le tissu de notre société. » Ce salmigondis occulte le fait majeur : la vie humaine qui existe et que l’on défend n’est pas l’élément d’une idéologie quelconque, le combat pour la vie ne relève pas du conflit d’intérêt, renvoyer dos à dos au nom de la praxis ceux qui ont tort et ceux qui ont raison, interdit de fait toute discussion. C’est le fait de s’opposer, de part et d’autre, qui devient ici le mal, tandis qu’on oublie le crime qu’on cherche à interdire.
 
Mais ils vont encore plus loin. « En tant que pasteurs, ces derniers temps nous ont servi pour reconnaître les fragilités de notre engagement pastoral : l’éducation sexuelle intégrale dans nos institutions éducatives, la reconnaissance plus entière de la commune dignité de la femme et de l’homme [on ne dit plus : de l’homme et de la femme, NDLR], et l’accompagnement des femmes qui se trouvent exposées à l’avortement ou qui ont été frappées par ce traumatisme. Ce sont autant de rappels à la réalité qui exigent de nous une réponse en tant qu’Eglise. »
 
L’» éducation sexuelle intégrale » telle qu’elle est faite aujourd’hui est le plus souvent inacceptable lorsqu’elle est dispensée en classe et l’éducation de l’affectivité revient aux parents de plein droit : si problème il y a, il est dans un défaut des connaissances et de formation des adultes eux-mêmes, victimes d’une catéchèse indigente… Et qu’il faudrait reconnaître avant tout, pour y remédier.
 
Les évêques argentins ont plus urgent à faire, cependant : « Nous voulons remercier toutes les personnes qui, avec un authentique respect d’autrui, ont exprimé leurs idées et leurs convictions, même si elles étaient différentes des nôtres. » Dieu, qu’ils sont polis les promoteurs du génocide des enfants à naître !
 

Légalisation de l’avortement sur fond d’ambiguïté épiscopale

 
Les évêques argentins ont certes salué ceux – spécialement les législateurs – qui se sont battus pour faire respecter l’idée que « toute vie a de la valeur » ; ils promettent de continuer de » travailler, avec humilité et courage » dans ce but.
 
Le plus bizarre est cependant à la fin, où l’on peut lire : « Que Marie de Luján, qui a connu l’incertitude d’une grossesse inattendue, intercède pour le peuple argentin, spécialement pour toutes les femmes qui attendent un enfant, et pour tous les garçons et les filles qui sont dans le ventre de leur mère. » María de Lujan n’est pas, comme on pourrait se l’imaginer, une sainte femme qui a héroïquement gardé son enfant dans des circonstances difficiles : c’est Notre Dame de Luján, l’Immaculée conception vénérée dans un sanctuaire argentin. Elle est la patronne de l’Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay. Invoquer Marie, Très Sainte Mère de Dieu, il le fallait, évidemment. La présenter comme aux prises avec une grossesse « inattendue » – elle qui a dit « Oui » en toute connaissance de cause à l’Incarnation du Verbe divin – c’est aller décidément trop loin dans le naturalisme démagogique.
 

Jeanne Smits