Donald Trump s’autorise une critique de la Fed au vu de la hausse des taux d’intérêts par la Banque centrale américaine

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Contrevenant à une règle non écrite mais respectée depuis la présidence de Bill Clinton, Donald Trump s’est autorisé une critique des moins virulentes de la Réserve fédérale américaine – pour se voir aussitôt retoqué par les gros médias américains. Il est des tabous auxquels on ne touche pas… Le président des Etats-Unis s’est contenté d’émettre un jugement négatif sur les décisions de hausse des taux d’intérêt par la banque centrale américaine, tout en assurant ne pas vouloir lui dicter sa conduite – mais les réactions de la Fed à travers les médias de Wall Street ne se sont pas fait attendre.
 
A propos de la hausse des taux par laquelle le président de la Fed veut réagir au renforcement de l’économie américaine, Donald Trump a déclaré, lors d’un entretien avec CNBC : « Je ne suis pas nécessairement d’accord avec cela, parce qu’il est en train d’augmenter les taux d’intérêt… Je ne suis pas nécessairement d’accord avec cela, et je dois vous dire que (…) cela ne m’enthousiasme pas. » Qualifiant le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, d’« homme bon », Trump c’est pourtant plaint de sa tendance à vouloir remonter les taux quand les choses vont mieux sur le plan économique, alors même que la Chine et l’Union européenne bénéficient actuellement d’une monnaie relativement faible.
 
« Cela ne me fait pas plaisir. Mais en même temps je les laisse faire ce qu’ils estiment être le mieux », a-t-il déclaré.
 

Donald Trump critique la Fed – et déclenche l’indignation

 
On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une ingérence présidentielle dans les affaires de la Réserve fédérale, dont il faut rappeler qu’il s’agit d’un organisme indépendant et aux mains d’intérêts privés, malgré son pouvoir considérable pour peser sur les performances économiques du pays.
 
Pourtant, CNBC a aussitôt commenté qu’il s’agissait d’une « critique cinglante et historiquement rare ». Pour le Wall Street Journal, les commentaires de Trump sont « en rupture avec la tradition qui veut que les présidents s’abstiennent de commenter la politique monétaire ». L’ancien président de la Fed de Dallas, Richard Fisher, est allé encore plus loin en accusant le président américain d’avoir outrepassé ses compétences :
 
« L’une des caractéristiques de notre grande économie américaine est la préservation de l’indépendance de la Réserve fédérale. Aucun président ne devrait s’ingérer dans ses opérations. Si j’étais le président Powell, j’ignorerais les paroles du président, je ferais mon boulot, et je suis confiant de le voir agir exactement de cette manière. »
 

La hausse des taux intérêts par la Réserve fédérale américaine, danger pour l’économie en pleine croissance

 
Les commentaires de Trump, révélés jeudi avant de paraître dans une longue interview publiée vendredi par CNBC, ont été aussitôt suivis d’une baisse de la valeur du dollar, d’une hausse de l’or et d’une baisse des rendements des bons du Trésor. Trump avait pris soin d’ajouter : « Je dis simplement ce que j’aurais affirmé en tant que citoyen privé. D’aucuns diront peut-être : “Ah, peut-être ne devriez-vous pas dire cela en tant que président.” Cela m’est égal. Parce que mon point de vue n’a pas changé. Je n’aime pas l’idée de voir tout ce travail que nous accomplissons en faveur de l’économie, et de voir les taux monter. »
 
Un communiqué de la Maison Blanche dans l’après-midi de jeudi a affirmé que le Président n’entendait pas se mêler de la politique de la Fed.
 
On touche là à un point crucial de la politique contemporaine, en effet. La puissance des Banques centrales – et pas seulement aux Etats-Unis – organismes indépendants et irresponsables par rapport au pouvoir et aux électeurs, leur permet d’infléchir une économie qui fonctionne, de privilégier tel pays plutôt que tel autre, de favoriser des crises financières tout en communiquant sur leur capacité revendiquée à les éviter ou à les régler. On sait très bien, par exemple, que la hausse des taux d’intérêts américains, en renforçant le dollar, alourdit le poids de la dette de nombreux pays qui ont emprunté en dollars. On sait aussi les dangers de « l’assouplissement quantitatif », et de la compression de l’inflation, cette inflation qui, raisonnable, est pourtant nécessaire à la croissance domestique. Fondamentalement, les Banques centrales ont mis la main sur la souveraineté et sur la politique monétaires.
 

La protection de la Banque centrale américaine par rapport à la critique présidentielle date de l’ère Clinton

 
La « tradition » qui a créé une sorte d’immunité de la Réserve fédérale par rapport au président des Etats-Unis n’est pas ancienne, cependant, quoi qu’en dise la presse financière de Wall Street, rappelle Breitbart News. Elle correspond à la volonté de Robert Rubin, ancien co-président de Goldman Sachs, secrétaire au Trésor de Bill Clinton : il avait imposé la règle non-écrite selon laquelle la Maison Blanche ne devait pas publiquement remettre en question la politique de la Fed. George Bush et Barack Obama devaient largement s’y plier.
 
Ronald Reagan, quant à lui, n’hésitait pas à critiquer la Réserve fédérale, notamment à la suite d’une décision de faire marcher la planche à billets en 1982.
 
Donald Trump renoue donc avec une tradition plus ancienne que celle du « motus et bouche cousue », sans attaquer – mais le peut-il ? – frontalement la Réserve fédérale.
 
Un article de la BBC souligne que la Fed réagit à une récente (et légère) hausse de l’inflation aux Etats-Unis, déclenchée par des dépenses fédérales en hausse et les baisses d’impôts. « Si la Fed agit de manière trop agressive, elle pourrait peser assez lourdement sur l’activité économique pour déclencher une dépression », constate la BBC.
 

Anne Dolhein