Non, les droits de douane imposés par Trump ne causeront pas d’inflation des prix

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De la droite libérale à l’ensemble de la gauche, ils ont saisi l’épouvantail et l’agitent à toute berzingue : l’inflation… Les droits de douane vont réduire l’offre de biens et feront grimper les prix, affirment tous azimuts les économistes qu’on lit dans les médias mainstream, outre Atlantique mais aussi en Europe : Trump va faire plonger l’Amérique, le peuple va souffrir des décisions délétères d’un dirigeant qui n’a rien compris aux mécanismes économiques ! Et si c’était l’inverse qui se passait ?

Il semble que les uns et les autres trahissent, sciemment ou pas, la réalité et montrent par là davantage une hostilité idéologique déterminée qu’un raisonnement économique probant. Après tout, Trump avait déjà adopté certains droits de douane lors de son premier mandat, et l’inflation est restée généralement inférieure à l’objectif de 2 % fixé par la FED. Alors que pendant le mandat de Biden, les prix ont augmenté de plus de 20 %, sans que les salaires ne suivent !

A présent, il faut que Trump achève d’en convaincre les Américains qui sont désormais 54 %, selon un sondage NBC News, à désapprouver sa gestion de l’économie. Mais il n’est pas du genre à céder à la masse, dans sa guerre commerciale contre le mondialisme, même à devoir vêtir la pelisse du grand méchant loup, comme l’avait écrit Jeanne Smits.

 

Les droits de douanes et les conflits avec les autres pays vont faire augmenter les prix selon la FED

Après les 25 % de droits de douane imposés sur l’ensemble des produits canadiens et mexicains et les 10 % supplémentaires s’appliquant à tous les produits chinois déjà taxés à 10 %, Donald Trump a annoncé ce mercredi vouloir instaurer des droits de douane de 25 % sur les véhicules importés aux Etats-Unis, avec une entrée en vigueur le 2 avril.

Toutes ces mesures, si elles sont réellement mises en œuvre dans le temps, pourraient faire grimper l’inflation jusqu’à 1,2 point de pourcentage : c’est ce qu’a déclaré, mercredi, un haut responsable de la Réserve fédérale (la FED), à Saint-Louis. Selon lui, les droits de douane sont susceptibles d’entraîner une hausse des prix directe et limitée dans le temps, ainsi qu’un autre effet indirect, ou de second tour, qui pourrait avoir un impact « plus persistant » sur l’inflation.

Il invite à une « approche patiente et vigilante » en matière de politique monétaire, alors que l’incertitude économique dépasse, officiellement, celui du début des années 2010 peu après la crise des subprimes. La FED prendrait-elle prétexte de cette « imprévisibilité » pour ne pas baisser ses taux d’intérêt, alors que Trump lui a demandé de le faire, lundi dernier ?

Lors de sa conférence de presse, le 19 mars, le président de la FED, Jay Powell, a eu un avis plus nuancé : « Il peut parfois être judicieux de faire abstraction de l’inflation si elle est vouée à disparaître rapidement sans intervention de notre part, si elle est transitoire. Et cela peut être le cas dans le cas de l’inflation due aux droits de douane. »

 

L’inflation a été bien inférieure sous Trump que sous Biden

Ce n’est pourtant pas ce qu’ont retenu la grande majorité des médias progressistes qui y voient une belle occasion de faire peur à moindres frais, dans cette atteinte à la cuirasse du rassurant mondialisme. The Cato Institute, par exemple, think tank libertarien américain de Washington, a soigneusement défendu cette histoire d’inflation automatique due aux droits de douane, en démontant, pièce par pièce, l’argumentaire tenu par l’économiste Lawrence Kudlow, ancien conseiller de Trump entre 2018 et 2021, lors de son émission Fox Business.

Il fallait pourtant lui prêter l’oreille. Que disait Lawrence Kudlow ?

Comme le note John Carney sur le média en ligne Breitbart, il y a d’abord cette idée que l’inflation et les variations de prix relatifs ne sont pas la même chose : « Lorsque les droits de douane augmentent le prix d’un produit, les consommateurs ont moins d’argent à dépenser pour d’autres biens, ce qui exerce une pression à la baisse sur les prix dans d’autres secteurs. Les droits de douane modifient les prix au sein de l’économie ; ils ne provoquent pas une hausse générale et soutenue des prix. »

De fait, les recherches sur les droits de douane effectuées pendant la première ère Trump, mais aussi les études des économistes de la Réserve fédérale et du National Bureau of Economic Research (NBER), ont révélé une répercussion minime sur l’inflation générale. Les hausses de prix qui ont atteint les consommateurs ont été largement limitées aux articles ciblés, les prix restant stables ou en baisse dans les autres secteurs. Ainsi, même les droits de douane généraux couvrant plusieurs pays et marchandises n’affectent qu’une fraction du panier de 80.000 articles qui constitue l’indice des prix à la consommation (IPC) aux Etats-Unis.

 

Les droits de douane ne peuvent être comparés à des chocs d’offre

Ensuite, The Cato Institute compare les droits de douane à des chocs d’offre qui ont pour effet de réduire l’offre de biens disponibles, ce qui exerce une pression à la hausse sur les prix. Rappelons qu’un choc d’offre, en macro-économie, est un événement soudain qui fait augmenter ou diminuer temporairement l’offre pour les biens et services, comme par exemple une sécheresse ou un embargo pétrolier.

Mais les droits de douane ne font que déplacer la demande des fournisseurs étrangers vers les producteurs nationaux ou d’autres partenaires commerciaux : ils ne détruisent pas, mais réorganisent la production et la consommation. D’autres sources sont trouvées, les perturbations sont temporaires : les économies de marché s’adaptent, et, in fine, les recettes reviennent au pays. Les droits de douane sont donc fondamentalement différents des véritables chocs de l’offre qui éliminent la capacité de production ou restreignent les ressources essentielles, dit en substance Lawrence Kudlow. Ils ont surtout pour effet de redistribuer les cartes : et c’est précisément ce qui n’est pas du goût des mondialistes.

Enfin, l’inflation reste un phénomène monétaire, et non un phénomène lié aux droits de douane, comme semblent le défendre bec et ongles les libertariens du think thank. « La seule façon pour un prix individuel d’entraîner une hausse de l’inflation globale est que la FED relance la planche à billets ou que le gouvernement fédéral se lance dans une frénésie de dépenses. Si tel était le cas, l’inflation globale augmenterait, qu’il y ait des droits de douane ou non, car l’inflation est fondamentalement un problème monétaire », dit Kudlow.

Que les politiques tarifaires du président Donald Tramp puissent étouffer l’économie mondiale et relancer l’inflation dans un contexte précaire, comme l’a asséné le rapport de l’OCDE publié le 17 mars, est donc, sans nul doute, à prendre avec des pincettes. Quant à étouffer le mondialisme, elles peuvent y participer.

 

Clémentine Jallais