Si, de par le monde, Eurosatory est le mammouth des salons de la Défense et de la sécurité terrestres et aéroterrestres, le Defence and Security Equipment International (DSEI) qui a lieu tous les deux ans à Londres, se défend de mieux en mieux. La nouvelle édition 2025 qui s’est tenue la semaine dernière a réuni plus de 45.000 participants. 1.500 exposants, provenant d’une cinquantaine de pays, ont présenté leurs dernières nouveautés dans « le plus grand salon intégré de la défense et de la sécurité », selon les mots des organisateurs.
Dans un contexte géopolitique difficile, où l’Europe tente de renforcer son secteur de la Défense, où l’incertitude ukrainienne ou moyen-orientale plane (quatre délégations israéliennes, au départ bannies du salon, ont été en fin de compte maintenues), on a pu percevoir la guerre « nouvelle génération ». Le matériel traditionnel demeure, mais la part belle est aux drones et tous les équipements dotés d’Intelligence Artificielle se développent.
Le salon DSEI offre un aperçu des avancées rapides des technologies de guerre
On y trouve, et The Telegraph s’en amuse, toutes ces nouveautés qui nous plongent dans nos meilleurs souvenirs de science-fiction, du film Star Wars à Minority Report. On citera le Gravity Jet Suit, ce sac à dos qui « fait du vol humain une réalité » et vous propulse pendant trois minutes à la vitesse de 80 km/h, grâce à des micro-réacteurs sophistiqués. Ces petits bijoux sont vendus actuellement aux Forces Spéciales américaines. Un modèle similaire, adapté au monde sous-marin, se commercialise également, avec une imagerie sonar permettant aux plongeurs de voir dans l’obscurité la plus totale.
Safran a dévoilé ses jumelles infra-rouge nouvelle génération. Lockheed Martin a mis en avant Helios, son laser à haute énergie avec éblouissement optique et surveillance intégrés : il peut tirer un faisceau de 60 kW sur un drone ou un missile en approche, suffisamment pour faire fondre les points faibles de sa structure, précise The Telegraph. Cette arme de taille pour les flottes militaires marines a d’ailleurs déjà été intégré à l’USS Preble. Le groupe européen MBDA, a dévoilé, lui, ses deux dernières nouveautés en termes d’armements de précision : le missile Spear Glide et le logiciel de ciblage optimisé Akeron Mbt 120.
N’oublions pas les robots, mascottes des salons. Des véhicules terrestres sous-marins autonomes Bayonet, au chien robot « Berlin » de l’ingénierie AtkinsRéalis, en passant par le minuscule drone Foxe qui pourrait équiper les poches de chaque soldat avec ses 250 g, le monde de la machine programmable capable d’interagir avec son environnement est bien présent.
Robots et logiciels d’IA capables d’accélérer les décisions cruciales sur le champ de bataille
Presque toutes ces merveilles de technologie utilisent désormais des algorithmes intégrés dans des systèmes d’IA.
On pourra notamment parler des fameux drones du Project Octopus, annoncé par le Royaume-Uni au DSEI : dans le cadre d’un partenariat avec l’Ukraine, les Anglais vont fabriquer en masse, à raison de plusieurs milliers par mois, des drones intercepteurs à faible coût, conçues par elle, à même de contrer les attaques russes et leurs drones-suicides. Les drones, en tant qu’arme de guerre, représentent une révolution qui ne cesse de s’amplifier – et leur succès, nous en parlions en juin, est au rendez-vous.
Une des sous-thématiques du salon était, de fait, le « driving advantage », autrement dit la capacité à créer ou à maintenir un avantage opérationnel en prenant l’initiative technologique, à travers les données analytiques, la cybersécurité et l’IA. Les développements dans les domaines de ces technologies émergentes progressent. Comme l’écrit le site Naval News, l’IA est désormais vraiment considérée « comme un vecteur clé de l’avantage stratégique » pour répondre aux défis de la guerre moderne.
The Telegraph évoque aussi l’ordinateur EchoDepth. Equipé d’une technologie d’IA entraînée sur des millions de visages humains, il analyse les mouvements musculaires et les expressions du visage et peut mesurer 52 émotions différentes, de la joie à la colère, de l’amusement à l’ennui. « Dans les guerres du futur, une technologie comme celle-ci pourrait être installée sur des lunettes connectées, intégrées au casque d’un soldat, lui permettant de savoir si son entourage est amical ou hostile, en pleine forme ou à bout de souffle. »
Une guerre sans l’homme ?
Certes, le développement de l’IA, comme d’autres technologies, n’est encore qu’à ses balbutiements. Mais il est certain que dans les prochaines décennies, les hommes et donc les armées vont se trouver au cœur de systèmes intelligents ultra-connectés où l’IA jouera sa part – et elle sera majeure.
Beaucoup de systèmes, présentés au salon, cherchent en particulier à réduire les délais entre détection et action. Comprendre, décider et agir plus vite que son adversaire, c’est une base stratégique. En ce sens, l’IA fournira, et fournit déjà en partie, un soutien d’aide à la décision, grâce à l’information récupérée et au raisonnement effectué.
Elle prétendra aider l’humain, noyé dans un flot d’informations et soumis à un risque de surcharge cognitive néfaste. Comand AI, en France, par exemple, propose des programmes d’IA pour aider les commandants sur le terrain, en analysant les cartes, les relevés de drones, en repérant les points faibles d’un terrain de bataille… Mais jusqu’où la course ira-telle ? La question demeure. Le risque est encore une fois d’externaliser son intelligence et sa capacité décisionnelle.
D’ailleurs, pour nombre des modèles présentés au DSEI, il n’est jamais dit jusqu’où vont les capacités d’autonomie des systèmes d’IA. Laissés à la libre « conscience » des combattants, à travers celle de la machine ?