La Sapienza est une célèbre université de Rome. Elle possède une chapelle monumentale conçue par le grand architecte Borromini (1599-1667), un des plus grands maître du baroque romain, rival du Bernin, et qui figure sur l’affiche principale du film. La première dimension du film consiste en un hommage rendu à Borromini, et à certains de ses disciples, au travers d’un itinéraire que va des lacs de la frontière italo-suisse à Rome, étape finale et majeure, en passant par Turin. L’Italie est un pays magnifique, au patrimoine exceptionnel. Il n’a là rien de nouveau ou d’original, mais elle est superbement filmée dans La Sapienza, sans que le film ne perde le fil de son thème principal. Les mouvements de caméra suivent le rythme du regard d’un visiteur passionné et correspondent exactement au commentaire, instructif tout en restant à la portée de tous, et sans longueurs excessives ou ennui. En soi, le film aurait pu se présenter comme un documentaire sur l’œuvre de Borromini, appuyé au besoin par des personnages-prétextes. Or, ceux-ci vivent une véritable histoire, autonome, tout en étant mystérieusement lié à Borromini.
La Sapienza : un plaisir rare, pudique et délicat
Le couple français mûr, et deux jeunes Suisses italophones du Tessin, un frère et une sœur, rencontrés en chemin, suivent une forme de route initiatique. Madame s’occupe de la demoiselle, malade, et reste dans le Tessin, tandis que Monsieur, architecte, peu enthousiaste au départ, emmène avec lui jusqu’à Rome le jeune homme, futur architecte. Beaucoup des dialogues sont beaux, non-dénués d’humour, et une lecture peut faire de La Sapienza une forme de Petit-Prince pour adultes, poétique à sa manière, en des décors superbes. Des points justes sont évoqués, comme la maladie ou le handicap des enfants, avec des réactions différentes des deux parents, source de tensions. Lors d’une scène émouvante de dialogue nocturne, un hommage est rendu aux Chrétiens du Levant de langue araméenne, en voie de disparition. Toutefois, le message profond reste parfois obscur et tend quelque peu à promouvoir comme un spiritualisme diffus, panreligieux, optimiste, supérieur au matérialisme certainement, mais éloigné aussi à sa manière de l’authentique doctrine catholique. Cette seule réserve ne gâche pas un plaisir réel devant un spectacle si rare, pudique, fin, délicat.