La fin des messes à l’église du Sacré-Cœur à Oss, Pays-Bas : fruit amer du modernisme

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L’affaire de l’église du Sacré-Cœur à Oss, dans le Brabant néerlandais – jadis l’une des provinces les plus catholiques des Pays-Bas – est un condensé à elle toute seule des ravages du modernisme. Les paroissiens de la « Heilig Hartkerk » ont appris le mercredi que dès ce dimanche 1er septembre, il n’y aura plus de messes dans leur église. La raison ? De moins en moins de fidèles les fréquentaient. Jadis l’un des pays au plus fort taux de vocations et l’un des plus généreux, avec la Flandre, pour ce qui est des missionnaires envoyés aux quatre coins du monde, les Pays-Bas ont sombré dans la sécularisation et le catholicisme néerlandais agonise.

Dans un pays qui comptait en 2021 3.667.000 catholiques enregistrés, soit 20,8 % de la population totale, le nombre de personnes considérées comme pratiquantes dans le cadre des statistiques officielles de l’Eglise catholique, soit celles qui vont à la messe au moins une fois par mois, était estimé à 153.800 personnes en 2018 et à seulement 98.600 en 2022. C’est moins de 2,7 %, et on parle ici d’une population vieillissante parmi laquelle un grand nombre ne s’inquiète plus de l’obligation dominicale.

En 2021, on y a compté 14.850 funérailles catholiques pour seulement 6.310 baptêmes, 9.500 premières communions et 5.800 confirmations ; quant aux mariages catholiques, il s’en est célébré 660 en 2021 (contre 7.700 en 2003). Un effondrement.

 

Le modernisme n’a pas fini de vider les églises

Retour à Oss, et à la grande église construite en 1921 grâce aux dons de la population locale à une époque où les familles catholiques florissantes et nombreuses se multipliaient de telle sorte qu’une ville aussi modeste ait besoin d’une nouvelle paroisse, et de nouveaux lieux de culte – telle l’église de Don Bosco, consacrée en 1954, désacralisée en 1995 et démolie en 1998. La paroisse du Sacré-Cœur a d’abord été fusionnée avec la paroisse Saint-Benoît, puis, fin 2021, avec la paroisse Saint-Willibrord. Celle-ci est elle-même affectée par la diminution du nombre de prêtres : le départ récent d’un vicaire, nommé dans une autre paroisse, a rendu inévitable la fin des messes, adorations et confessions au Sacré-Cœur, explique le communiqué officiel. N’y seront conservés que les messes et autres actes liturgiques de la paroisse polonaise de la Divine Miséricorde, et les éventuelles obsèques. Les autres fidèles sont désormais invités à se rendre à une autre église d’Oss, celle de l’Immaculée Conception : « Peu importe, finalement, le bâtiment-église où nous nous réunissons, pourvu seulement que nous nous réunissions autour du Seigneur dans l’Eucharistie », note le communiqué.

Certes. Mais le problème, justement, dans ces villes du Brabant jadis constellées d’églises, de cloîtres et de couvents, où la population est passée de 9.000 âmes en 1900 à près de 60.000 de nos jours, est que la fréquentation des églises y a connu une courbe inverse. Les mosquées, elles, ont fleuri : la ville en compte quatre.

Mais ce n’est pas tout. Si l’église du Sacré-Cœur à Oss a connu une hémorrhagie supplémentaire de ses messalisants, c’est aussi en raison de l’entêtement d’une population catholique plutôt âgée et qui ne supporte plus la saine doctrine.

 

Les baby-boomers d’Oss choisissent une autre église

En 2022, plusieurs dizaines de paroissiens ont ainsi bruyamment quitté les lieux en raison de l’arrivée d’un nouveau vicaire, l’abbé Quinten Kerckhofs, venu de Belgique au séminaire de Bois-le-Duc où il fut ordonné en mai 2021. Le plus jeune vicaire des Pays-Bas (né pourtant en 1993) porte col romain et volontiers soutane. On lui reproche de demander qu’on le vouvoie et qu’on ne l’appelle pas par son prénom. Pire, il prêche contre le concubinage, exprime des points de vue « fanatiques » sur la morale sexuelle, comme l’explique la presse locale, et veut voir tout le monde aller se confesser. « Ça irrite, quand un jeune de 28 ans dit tout cela à une congrégation composée principalement de gens qui ont plus de 60 ans qui n’ont pas besoin d’entendre qu’on n’a pas le droit de cohabiter avant le mariage » de la part d’un vicaire qui « fait un retour en arrière de plusieurs dizaines d’année », et qui s’en sont plaints au reporter envoyé par le journal provincial Brabants Dagblad. Le nouveau vicaire leur a encore chatouillé les oreilles en proposant un questionnaire de préparation au sacrement de pénitence où il est rappelé qu’il faut assister à la messe tous les dimanches et en s’habillant convenablement, et qu’il faut confesser la gloutonnerie ou les excès de boisson. Trop « infantilisant », se plaignent les paroissiens.

On lui reproche aussi d’avoir prêché contre les « messes de carnaval » devenues habituelles dans le Brabant septentrional, avec leurs outrances. Un an plus tard, en 2023, l’abbé Kerckhofs organisa une cérémonie de réparation pour le mardi gras : la presse s’en moqua en publiant une photo des rangs quasi vides de l’église du Sacré Cœur qui ne comptait déjà plus que quelques dizaines d’habitués.

 

Quinten Kerckhofs attire les jeunes en rejetant le modernisme

Mais des jeunes ! Si la génération des baby-boomers n’a pas supporté la « sévérité » du jeune prêtre, on a vu arriver dans son église des jeunes qu’on n’y avait jamais vus, attirés par le style traditionnel de l’abbé Kerckhofs. Mais dans le champ de ruines du catholicisme brabançon, cela n’a pas suffi.

Les premiers à partir furent d’ailleurs les membres de la chorale mixte, apprenait-on en août 2022. Ils se sont déportés vers une autre église d’Oss, tandis que le chœur d’hommes déclarait forfait pour cause de recrutement insuffisant. Ils ont reconnu qu’il n’y avait pas d’interdit formel sur certains chants mais se sentent plus à l’aise dans une paroisse plus « libérale ».

 

La génération moderniste ou la fin d’un monde

Faut-il en conclure que ce vicaire a vidé son église ? Non, l’église a été vidée de l’intérieur… Comme il l’a expliqué à la presse locale : « J’essaie simplement d’être fidèle à ce que l’Eglise me demande. Le prêtre n’est pas un clown ou un acteur. Lorsqu’il fait ou dit quelque chose, il doit être sincère. A la messe, nous offrons le sacrifice du Christ sur la Croix. Si un jour je dis que l’Eucharistie est la source et le sommet de toute la vie chrétienne et qu’elle est la chose la plus sacrée et la plus importante de ma vie, je peux difficilement transformer cette même Eucharistie en un spectacle comique le lendemain. J’aime la convivialité, mais ce qui est saint doit rester saint. Nous devons remettre Dieu au centre de la liturgie. »

Le drame est que cela soit désormais incompréhensible pour une génération biberonnée au catéchisme dénaturé et à la messe réformée – et qui n’a bien souvent pas su transmettre la foi dans le cadre familial.

On apprend, sans surprise, que l’abbé Kerckhofs célèbre à l’occasion selon le rite traditionnel à Oss – où les messes diocésaines dans le rite tridentin sont suivies de cours de catéchisme.

C’est un lent travail de reconstruction.

 

Jeanne Smits